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Les maires du Var planchent sur leur statut… et leurs indemnités

L’exercice d’un mandat électif local ne constituant pas une activité professionnelle, la loi pose pour principe que les fonctions électives sont gratuites. Ce qui pose un certain nombre de problèmes aux élus qui se retrouvent contraints d’abandonner partiellement ou totalement leur emploi. En dépit de quelques avancées notables enregistrées entre 2002 et 2012 sur le régime indemnitaire, la protection sociale ou le droit d’absence, le statut n’a pas véritablement opéré sa mutation. Insuffisamment informés sur le sujet, les élus, maires, adjoints, conseillers municipaux ont encore bien du mal à apprécier les avantages de cet instrument législatif complexe qui leur permet de passer de l’état de simple citoyen à celui d’élu (et inversement). Aussi, pour aider les nouveaux maires à y voir plus clair, l’AMF83 a demandé à M. Jean-Philippe ARROUET, journaliste et auteur de nombreux ouvrages destinés aux acteurs publics locaux, de les entretenir sur le statut de l’élu(e) lors de la journée inaugurale des universités des maires du Var organisées le 15 Mai dernier au MUY. Parmi leurs préoccupations, il en est une qui a été longuement examinée : la question – légitime- de la rémunération des élus en fonction. Dans un contexte de défiance de la population envers sa classe dirigeante, le sujet méritait bien quelques éclaircissements.
Le statut : un impératif d’intérêt public
Le statut de l’élu vise à faciliter l’exercice à plein temps du mandat local. Il permet à celles et ceux qui ont fait le choix de s’engager pour la cause commune de concilier leur activité professionnelle avec leurs nouvelles responsabilités. Au regard des contraintes liées à l’exercice des mandats locaux (défiance grandissante des administrés, judiciarisation de la société, complexification législative), ses modalités d’application ont été régulièrement renforcées et complétées depuis ces quinze dernières années, notamment sur le droit à la formation des élus  communaux et communautaires.
Avec ses 36 600 communes, ses 101 départements et ses 27 régions, la France recense près de 600 000 élus locaux. Autant de citoyens qui ont fait le choix de donner du temps au service de l’intérêt de tous, les obligeant à faire des sacrifices sur le plan personnel et professionnel. Un sacrifice qui ne peut se faire qu’en contrepartie d’un certain nombre de garanties. “Des garanties qui ne sont pas des privilèges” comme l’a indiqué M. Jean-Pierre VERAN, le Président de l’Association des Maires du Var, dans son introduction : “Les droits comme les devoirs de l’élu ne sont pas suffisamment éprouvés par les maires qui viennent de prendre leur fonction, et c’est bien normal. Ce n’est d’ailleurs pas, comme on l’entend parfois, un privilège concédé à certains. Ce n’est, ni plus ni moins, qu’un impératif d’intérêt public. Nos adjoints, qui sont nos principaux collaborateurs dans toutes nos opérations, assument des missions indispensables et participent au même titre que le maire au bon fonctionnement de nos communes. Or, leur situation juridique est – il faut bien l’admettre – souvent précaire et mérite d’être améliorée”. 

La réalité de la représentation politique locale, c’est aussi une crise diffuse et multiforme de l’engagement, qui risque bientôt de se traduire en crise profonde des vocations. Pour M. Jean-Philippe ARROUET le problème de recrutement est clairement identifié : le fait que la société se montre de plus en plus exigeante vis-à-vis de la représentation politique locale a de quoi ralentir les ardeurs des candidats les plus enthousiastes :  “Clairement,  les administrés veulent pouvoir porter aux responsabilités des élus qui puissent être disponibles – c’est-à-dire en phase avec leurs préoccupations quotidiennes de terrain – et des élus qui soient également les plus compétents possibles, c’est-à-dire capables d’apporter des réponses sûres à des problèmes complexes. Mais contrairement à ce que l’on entend souvent, le débat ne porte plus sur la professionnalisation de la vie politique. Le vrai défi du statut, c’est moins la question de l’expertise que celle du renouvellement des élus : c’est parvenir, par les textes, à donner au plus grand nombre de citoyens la possibilité d’exercer un mandat qui ne soit pas préjudiciable pour leur indépendance de pensée et d’action, ni pour leur carrière.” 

Renouvellement de la classe politique locale : un voeu pieux ? 

Dans la salle, les questions ont fusé.  De nombreux maires, nouvellement élus, ont fait part de leurs premiers émois, à savoir : de fortes préoccupations sur la responsabilité juridique des élus, une insuffisance criante des dispositifs permettant de concilier mandat et activité professionnelle, un décalage complet entre le temps que consacrent les élus à leur mandat et les indemnités, ou encore un décalage entre les crédits d’heures et les autorisations d’absence officielles.
Certains maires ont également dénoncé le comportement des services de l’Etat, qui se “défaussent” de plus en plus sur eux, mais sans la responsabilité et les financements qui vont avec : “Compte tenu de l’allégresse avec laquelle l’Etat se décharge de ses responsabilités sur les communes, il est improbable que nous puissions un jour véritablement délimiter le champ d’action des élus communaux, et encore moins celui des élus communautaires, qui gèrent les intérêts de plusieurs communes en même temps. Plus on avance, plus on nous responsabilise, et plus ce sera compliqué” a lâché l’un d’entre eux.
Pour un autre élu, renouveler la classe politique locale est carrément un voeu pieux: “Pour les municipales, nous avons eu du mal à former nos listes. Nos colistiers avaient peur avant même d’être élus. Peur de ce qui allait leur tomber dessus. On n’est pas dans un climat favorable pour l’engagement public local. Si en plus, le statut est clivant, s’il a besoin de mise à jour régulière, il y a aura toujours un décalage entre la pratique et la loi, et donc des recours etc…”
Ca coûte combien, la démocratie locale? 
En vertu de l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales (CGCT), “les fonctions de maire, d’adjoint et de conseiller municipal sont gratuites”, mais donnent lieu au versement d’indemnités de fonction, destinées en partie à compenser les frais que les élus engagent au service de leurs concitoyens.
Au cours de son exposé, M. ARROUET a détaillé les modalités de calcul des indemnités des élus selon leurs rangs au sein du conseil, mais aussi en fonction de la taille des communes dans lesquelles ils siègent. Il a ainsi rappelé que le plafond des indemnités de fonction allouées au maire est déterminé par référence aux montants indiqués à l’article L. 2123-23 du Code général des collectivités territoriales, défini en pourcentage de l’indice brut 1015 de la fonction publique. Le montant maximum des indemnités pouvant être allouées aux adjoints est déterminé de la même façon que pour le maire. (Se référer à la présentation de M. ARROUET au format.pdf [1])
Dans la salle, plusieurs participants ont réagi sur la question des indemnités et ont dénoncé les écarts entre les communes de 1000 et 10000 habitants. “C’est un peu comme si les responsabilités des maires des grandes communes étaient forcément plus importantes dans les grandes communes” s‘est plainte une élue d’une commune du Haut-Var.  “C’est un archaïsme de penser que seules les grandes villes ont des problèmes. Nous avons tous les mêmes problèmes, les mêmes difficultés, nous prenons parfois les mêmes arbitrages… mais par contre, nous n’avons pas les mêmes indemnités. Allez comprendre.”
Rebondissant sur la discussion, un élu a souhaité dénoncer une situation pour le moins paradoxale : le cumul des mandats : “Quand nos administrés nous abordent, ils se montrent très majoritairement défavorables au cumul de nos responsabilités.  Mais, ce qu’ils ne comprennent pas toujours, c’est que, dès lors que les conditions minimales d’une sécurité matérielle et professionnelle ne sont pas assurée, la tentation de la course au cumul des responsabilités, pour l’interco, les conseils d’administration, la présidence de syndicats intercommunaux est plus que forte ! Et tout ça pour quoi ? Pour atteindre un niveau d’indemnités correct, tout simplement. Du coup, nous sommes des élus qui cumulent par obligation et qui ne sont pas disponibles comme ils le devraient.”
Sur ce dernier point, la discussion ne s’est pas étendue. Mais il est à parier que les maires ne tarderont pas à s’exprimer plus largement sur cette question dans les six prochaines années.. loi sur le cumul des mandats oblige.