Apr\u00e8s les rumeurs qui ont circul\u00e9 la semaine derni\u00e8re sur un \u00ab\u00a0geste\u00a0\u00bb du gouvernement concernant la baisse des dotations, l\u2019heure \u00e9tait ce week-end au recadrage du c\u00f4t\u00e9 de Bercy : la baisse des dotations \u2013\u00a0qualifi\u00e9e jeudi \u00ab\u00a0d\u2019intenable<\/em>\u00a0\u00bb par le pr\u00e9sident de l\u2019AMF, Fran\u00e7ois Baroin \u2013 a \u00e9t\u00e9 pour l\u2019instant confirm\u00e9e, et le ministre des Finances a m\u00eame annonc\u00e9 \u00ab\u00a0un exc\u00e9dent de 700 millions d\u2019euros <\/em>\u00bb dans le budget des collectivit\u00e9s territoriales. Sauf qu\u2019il n\u2019y a, pour les repr\u00e9sentants des collectivit\u00e9s, aucune raison de se r\u00e9jouir de cette situation qui est due \u00e0 l\u2019effondrement de l\u2019investissement.
\n\u00ab Les collectivit\u00e9s locales doivent participer aux efforts de la France pour ma\u00eetriser ses d\u00e9ficits <\/em>\u00bb, et la baisse des dotations sera \u00ab\u00a0maintenue <\/em>\u00bb. Fermez le ban : Michel Sapin, le ministre des Finances, et son secr\u00e9taire d\u2019\u00c9tat au Budget, Christian Eckert, ont douch\u00e9 vendredi \u2013 et ce matin encore \u2013 les espoirs de ceux qui esp\u00e9raient un geste sur la tranche 2017 de la baisse des dotations (3,7 milliards).
\nBercy a d\u00e9voil\u00e9 le 25 mars les derniers chiffres de l\u2019Insee qui r\u00e9v\u00e8lent que le d\u00e9ficit public a \u00e9t\u00e9 un peu plus faible que pr\u00e9vu en 2015 (3,5\u00a0% du PIB au lieu des 3,8\u00a0% attendus). En cause : une croissance un peu sup\u00e9rieure aux attentes et des d\u00e9penses en baisse. Mais c\u2019est surtout l\u2019\u00e9volution des finances des collectivit\u00e9s qui a \u00e9t\u00e9 soulign\u00e9e par les deux ministres : apr\u00e8s un besoin de financement de 8,3 milliards d\u2019euros en 2013, de 4,6 milliards d\u2019euros en 2014, et alors que la loi de finances pr\u00e9voyait encore un besoin de financement de 500 millions pour 2015, le budget des collectivit\u00e9s territoriales a d\u00e9gag\u00e9 un exc\u00e9dent \u2013 ce qui signifie un besoin de financement n\u00e9gatif \u2013 de 700 millions d\u2019euros, situation rarissime dans l\u2019histoire \u00e9conomique des collectivit\u00e9s locales qui, au contraire, participent g\u00e9n\u00e9ralement \u00e0 la croissance du PIB.
\nEt c\u2019est l\u00e0 que les conclusions divergent radicalement entre le gouvernement et les porte-parole des collectivit\u00e9s. C\u00f4t\u00e9 Bercy, on se r\u00e9jouit de cette situation et on y trouve la justification a posteriori de la cure d\u2019aust\u00e9rit\u00e9 impos\u00e9e : \u00ab\u00a0Ces chiffres confirment les hypoth\u00e8ses du gouvernement sur le plan des recettes locales<\/em>\u00a0\u00bb, a d\u00e9clar\u00e9 Christian Eckert, ils montrent \u00ab\u00a0que les recettes de fonctionnement des collectivit\u00e9s locales ont globalement progress\u00e9 en 2015<\/em>\u00a0\u00bb. Sauf que\u2026 ce n\u2019est pas ce que dit l\u2019Insee lui-m\u00eame : l\u2019exc\u00e9dent de 700 millions d\u00e9gag\u00e9 par les \u00ab\u00a0administrations publiques locales\u00a0\u00bb est essentiellement d\u00fb \u00ab\u00a0au recul de leur formation brute de capital fixe, de moins 4,6 milliards<\/em>\u00a0\u00bb, \u00e9crit l\u2019Insee dans sa note de conjoncture du 25 mars. La \u00ab\u00a0formation brute de capital fixe\u00a0\u00bb n\u2019est autre, dans le langage un peu abscons de l\u2019\u00e9conomie, que la part de l\u2019investissement qui contribue directement au PIB et donc \u00e0 la croissance \u00e9conomique.
\nCes chiffres ne surprendront pas tous ceux qui suivent de pr\u00e8s l\u2019\u00e9volution des finances locales depuis des mois : toutes les \u00e9tudes, toutes les analyses soulignent en effet la baisse impressionnante des investissements dans les collectivit\u00e9s. L\u2019analyse prospective de l\u2019AMF avait notamment pr\u00e9vu une baisse de 7% pour l\u2019ensemble du bloc communal d\u00e8s le mois de mai 2015. L\u2019Insee, en actant une diminution \u00ab\u00a0de 10\u00a0%<\/em>\u00a0\u00bb des investissements des collectivit\u00e9s territoriales entre 2014 et 2015, ne fait que confirmer ces craintes.
\nOn comprend donc que les dirigeants de l\u2019AMF, ce week-end, aient fait montre d\u2019une certaine amertume face aux d\u00e9clarations quelque peu triomphalistes du gouvernement. \u00ab\u00a0Le gouvernement aurait bien tort de se pr\u00e9valoir de ce qu’il consid\u00e8re comme un bon r\u00e9sultat<\/em>\u00a0\u00bb, a ainsi comment\u00e9 dans La Tribune Philippe Laurent, maire de Sceaux et secr\u00e9taire g\u00e9n\u00e9ral de l\u2019AMF. \u00ab\u00a0Au contraire, m\u00eame ! La baisse du d\u00e9ficit, c\u2019est uniquement la baisse des investissements. <\/em>\u00bb
\nQuant \u00e0 Andr\u00e9 Laignel, premier vice-pr\u00e9sident d\u00e9l\u00e9gu\u00e9 de l\u2019AMF, il d\u00e9nonce lui aussi \u00ab\u00a0une argumentation fallacieuse<\/em>\u00a0\u00bb du gouvernement. Interrog\u00e9 dans Le Monde d\u2019aujourd\u2019hui, le maire d\u2019Issoudun explique que \u00ab si nous cessons d\u2019investir, bien \u00e9videmment, nous cessons d\u2019avoir du d\u00e9ficit, mais ce que les ministres appellent une am\u00e9lioration est en r\u00e9alit\u00e9 une r\u00e9gression. Consid\u00e9rer que la baisse du pseudo-d\u00e9ficit serait un signe de bonne sant\u00e9 rel\u00e8ve, au mieux, d\u2019une argumentation fallacieuse <\/em>\u00bb.
\nL\u2019AMF et les associations d\u2019\u00e9lus disent rester plus que jamais d\u00e9termin\u00e9es et esp\u00e8rent encore convaincre le gouvernement de changer de cap, en lui r\u00e9p\u00e9tant, comme le fait Andr\u00e9 Laignel, que \u00ab\u00a0la baisse des dotations, si elle \u00e9tait prolong\u00e9e en 2017, non seulement mettrait en difficult\u00e9 les collectivit\u00e9s mais nuirait \u00e0 la relance de l\u2019\u00e9conomie nationale <\/em>\u00bb. Une analyse partag\u00e9e par les signataires (maires et pr\u00e9sidents d\u2019intercommunalit\u00e9) des plus de 20 000 motions vot\u00e9es pour soutenir l\u2019action de l\u2019AMF.
\nOn attendra donc ce qu\u2019annoncera, lors de la s\u00e9ance de cl\u00f4ture du Congr\u00e8s de l\u2019AMF, le 2 juin, le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique qui a \u00e9t\u00e9 invit\u00e9 \u00e0 s\u2019y exprimer. En attendant, les \u00e9lus locaux ont b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 ce week-end, dans ce bras de fer avec le gouvernement, d\u2019un soutien appr\u00e9ciable: celui du ministre des Collectivit\u00e9s locales lui-m\u00eame. R\u00e9agissant aux propos de Bercy sur la \u00ab\u00a0bonne sant\u00e9<\/em>\u00bb des collectivit\u00e9s, Jean-Michel Baylet s\u2019est fendu vendredi d\u2019un tweet lapidaire : \u00ab Affirmer que les finances des collectivit\u00e9s sont saines est un d\u00e9ni de r\u00e9alit\u00e9. <\/em>\u00bb<\/p>\n