Le d\u00e9cret relatif \u00e0 la r\u00e9novation thermique des b\u00e2timents tertiaires \u2013 dont les b\u00e2timents administratifs des collectivit\u00e9s \u2013 est paru ce matin au\u00a0Journal officiel<\/em>. Ce dossier a \u00e9t\u00e9 l\u2019occasion d\u2019un long bras de fer entre l\u2019\u00c9tat et les associations d\u2019\u00e9lus, qui se conclut par un texte beaucoup plus acceptable, pour les collectivit\u00e9s locales, que les premi\u00e8res versions.<\/p>\n

Les \u00e9pisodes pr\u00e9c\u00e9dents<\/strong>
\nIl est n\u00e9cessaire de revenir en arri\u00e8re sur quelques ann\u00e9es pour comprendre ce dossier. C\u2019est la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 qui a fix\u00e9 l\u2019obligation de proc\u00e9der \u00e0 la r\u00e9novation thermique des b\u00e2timents \u00e0 usage tertiaire de plus de 2000 m\u00e8tres carr\u00e9s d\u2019ici au 1er janvier 2020. Il a ensuite fallu attendre plusieurs ann\u00e9es pour que paraisse un d\u00e9cret d\u2019application fixant les r\u00e8gles, r\u00e8gles qui \u00e9taient alors apparues parfaitement irr\u00e9alisables : le d\u00e9cret \u00e9tait paru le 9 mai 2017, c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019il donnait \u00e0 peine trois ans pour r\u00e9aliser des travaux consid\u00e9rables. Pire : ce texte, publi\u00e9 en mai, imposait aux ma\u00eetres d\u2019ouvrage de faire r\u00e9aliser des \u00ab plans d\u2019action \u00bb par des prestataires ext\u00e9rieurs dans un d\u00e9lai\u2026 d\u2019un mois et demi !
\nLe deuxi\u00e8me probl\u00e8me pos\u00e9 par ce d\u00e9cret \u00e9tait d\u2019ordre financier : comme l\u2019avait soulign\u00e9 le Cnen, les mesures impos\u00e9es par le d\u00e9cret \u00e9tait totalement \u00ab\u00a0insoutenables\u00a0<\/em>\u00bb pour les collectivit\u00e9s territoriales, la facture totale estim\u00e9e \u00e9tant de l\u2019ordre de 7 milliards d\u2019euros.
\nAu final, tr\u00e8s rapidement, le Conseil d\u2019\u00c9tat lui-m\u00eame avait annul\u00e9 ce d\u00e9cret, le 28 juin 2017, tant sur la question des d\u00e9lais intenables que sur celle des finances.
\nLe nouveau gouvernement qui se mettait alors en place a rapidement propos\u00e9 un assouplissement majeur du dispositif, en pr\u00e9voyant de retarder le d\u00e9lai d\u2019application de la loi de dix ans\u2026 mais sans inscrire cette volont\u00e9 dans un texte l\u00e9gislatif ou r\u00e9glementaire. En novembre 2017, il a lanc\u00e9 une phase de \u00ab concertation \u00bb avec tous les acteurs concern\u00e9s par ce chantier. Au fil des mois, un certain flou a continu\u00e9 de r\u00e9gner, tant sur la question des d\u00e9lais que sur celle des financements \u2013 les seules aides pr\u00e9vues \u00e9tant des pr\u00eats bonifi\u00e9s de la Caisse des d\u00e9p\u00f4ts.
\nC\u2019est finalement la loi \u00c9lan du 23 novembre 2018 qui a enfin officialis\u00e9 le report \u00e0 2030 des principaux objectifs en la mati\u00e8re. La loi a fix\u00e9, pour les b\u00e2timents tertiaires, de nouveaux objectifs plus r\u00e9alistes : diminution de la consommation d\u2019\u00e9nergie finale de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport \u00e0 2010.<\/p>\n

Souplesses nouvelles<\/strong>
\nC\u2019est le d\u00e9cret d\u2019application de ce texte qui a \u00e9t\u00e9 publi\u00e9 ce matin. Premier enseignement : le p\u00e9rim\u00e8tre a \u00e9t\u00e9 augment\u00e9, puisque les b\u00e2timents concern\u00e9s sont ceux de plus de 1000 m\u00b2 et non plus 2000.
\nMais le point le plus notable \u2013 et qui avait \u00e9t\u00e9 salu\u00e9 par les repr\u00e9sentants des \u00e9lus au Cnen, lorsque ce texte avait \u00e9t\u00e9 pr\u00e9sent\u00e9 en mai dernier \u2013 c\u2019est que le d\u00e9cret met davantage l\u2019accent sur \u00ab\u00a0une obligation de r\u00e9sultats qu\u2019une obligation de moyen<\/em>s \u00bb. Autrement dit, il ne sera pas forc\u00e9ment obligatoire de proc\u00e9der \u00e0 des travaux extr\u00eamement co\u00fbteux d\u2019isolation si l\u2019objectif peut \u00eatre atteint par d\u2019autres biais \u2013 notamment \u00ab\u00a0l’installation d’\u00e9quipements performants et de dispositifs de contr\u00f4le et de gestion active de ces \u00e9quipements<\/em>\u00a0\u00bb, \u00ab\u00a0l\u2019adaptation des locaux \u00e0 un usage \u00e9conome en \u00e9nergie \u00bb<\/em>\u00a0ou encore\u00a0\u00ab le comportement des occupants\u00a0<\/em>\u00bb. Ces mesures, avaient jug\u00e9 les repr\u00e9sentants des \u00e9lus au Cnen, \u00ab\u00a0permettront aux collectivit\u00e9s d\u2019obtenir d\u00e8s les premi\u00e8res ann\u00e9es une r\u00e9duction significative de leur consommation d\u2019\u00e9nergie<\/em>\u00a0\u00bb.
\nAutre souplesse tr\u00e8s importante : il est inscrit dans le d\u00e9cret une possibilit\u00e9 de \u00ab\u00a0modulation\u00a0<\/em>\u00bb des obligations de r\u00e9duction des consommations \u00e9nerg\u00e9tiques, au nom d\u2019un principe de \u00ab\u00a0proportionnalit\u00e9\u00a0<\/em>\u00bb. Sur la base d\u2019une \u00ab\u00a0argumentation technique et financi\u00e8re<\/em>\u00a0\u00bb, il pourra \u00eatre accord\u00e9 aux ma\u00eetres d\u2019ouvrage de \u00ab\u00a0moduler\u00a0<\/em>\u00bb les objectifs \u00ab\u00a0en raison de co\u00fbts manifestement disproportionn\u00e9s des actions n\u00e9cessaires par rapport aux avantages attendus<\/em>\u00a0\u00bb. Un arr\u00eat\u00e9 minist\u00e9riel d\u00e9terminera prochainement dans quelles conditions les co\u00fbts sont consid\u00e9r\u00e9s comme \u00ab\u00a0disproportionn\u00e9s\u00a0<\/em>\u00bb.
\nNotons \u00e9galement que \u00ab\u00a0les assujettis peuvent mutualiser les r\u00e9sultats \u00e0 l\u2019\u00e9chelle de tout\u00a0<\/em>ou partie de leur patrimoine<\/em>\u00a0\u00bb. Autrement dit, le respect des obligations de r\u00e9duction des consommations \u00e9nerg\u00e9tiques peut \u00eatre calcul\u00e9 \u00e0 l’\u00e9chelle de l’ensemble du patrimoine \u2013 par exemple, donc, \u00e0 l’\u00e9chelle d’une commune enti\u00e8re.
\nSur le plan financier enfin, les repr\u00e9sentants des \u00e9lus au Cnen ont certes not\u00e9 l\u2019impact financier consid\u00e9rable des mesures impos\u00e9es par le d\u00e9cret (environ 43 milliards d\u2019euros sur trente ans), mais ils rel\u00e8vent surtout que les gains g\u00e9n\u00e9r\u00e9s par les \u00e9conomies d\u2019\u00e9nergie seront bien sup\u00e9rieurs : ils sont chiffr\u00e9s par le minist\u00e8re \u00e0 quelque 62 milliards d\u2019euros. De plus, les travaux vont \u00eatre \u00e9ligibles \u00e0 de nombreuses aides et subventions, dans le cadre du Grand plan d\u2019investissement notamment, mais aussi via la Dsil, la prime \u00e9nergie, ou encore l\u2019octroi de pr\u00eats de la Caisse des d\u00e9p\u00f4ts. Rappelons enfin que le S\u00e9nat, le 18 juillet, a adopt\u00e9 dans le cadre du projet de loi relatif \u00e0 l\u2019\u00e9nergie et au climat une disposition permettant de rendre les travaux de r\u00e9novation thermique des b\u00e2timents publics \u00e9ligibles \u00e0 la d\u00e9livrance de certificats d\u2019\u00e9conomie d\u2019\u00e9nergie (CEE). Si cette disposition demeurait dans le texte final, ce serait un outil int\u00e9ressant de financement pour les grands travaux \u00e0 venir.<\/p>\n