Les maires du Var face à la réforme des collectivités

Organisée en partenariat avec l’Association des maires ruraux du Var, cette matinée de travail a permis de faire le point “sur l’avancée d’une réforme qui sera déterminante pour les années à avenir et dont il convient de bien comprendre lassez tôt les tenants et les aboutissants”, comme l’a indiqué en préambule Jean-Pierre Véran, maire de Cotignac et président de l’Association des Maires du Var.

 

Moins disants contre mieux disants 

Que peut-on attendre de la réforme des collectivités locales? Pour Pierre-Yves Collombat, “les français nous pressent d’y voir clair. La commission Balladur a mis en place un chantier de réflexions important. Un concensus se dégage sur certaines propositions. Certaines sont “probables” et feront le gros du débat. Quant aux points durs -et il y en a un bon nombre-, c’est sûr qu’on va aller au clash ! “.


Remise en question de la gouvernance territoriale ? Sûrement pas, répond M. Collombat. La démocratie locale continuera de s’exercer de plein droit sur l’ensemble du territoire français, qu’on a longtemps dit fort de sa diversité et de ses 36 000 communes.
Un territoire divers, certes, mais souvent jugé “trop petit” pour faire de grandes choses et définitivement “trop grand” pour faire de moins grandes choses. “La difficulté de cette réforme, c’est qu’elle s’attaque à un système qui ne fonctionne pas si mal que ça. Et même si la volonté de réforme est acquise, la mise en place sera sûrement plus compliquée (…) Les collectivités locales réalisent les trois quarts des investissements du pays, dont elles assurent seules le financement de manière saine, avec 10% d’endettement seulement. Il suffit de regarder les seuls déficits de l’Etat (68% en 2009 – on parle de 75% en 2010) pour comprendre l’embarras des membres de la mission à propos du volet finances de cette réforme”. 



Indigestion du mille feuille ? Peut-être, répond encore le Sénateur Collombat, qui ne croit pas que cette revendication émane directement des citoyens eux-mêmes : “Soyons honnêtes, les français sont davantage préoccupés par leur pouvoir d’achat que par la réforme des collectivités territoriales. Notre pays essuie d’importantes critiques, on vilipende notre retard en la matière ici et là. Or, nos voisins proches n’ont qu’à bien se tenir, car ni l’Europe ni l’Allemagne, qu’on site souvent en exemple, n’ont de leçon à donner dans ce domaine.” 
Et le Sénateur de rajouter : “Il ne faut pas se leurrer, l’enjeu de la réforme est financier. Ce qui nous a été clairement demandé, c’est de trouver des moyens pour agir sur les finances publiques pour faire des économies”.

Mettre fin à la confusion des compétences, aux dépenses inutiles et aux dysfonctionnements : voilà qui devraient occuper les élus et autres responsables des collectivités locales pendant les dix-huit mois à venir, peut-être moins. Et d’ici là, les administrés auront le temps de se faire une idée. 

Pour Jean-Pierre Véran, il va falloir rapidement orienter le débat en direction des administrés : “Il convient de dire à nos concitoyens ce que va réellement leur coûter cette réforme et faire preuve d’une grande transparence. On sait bien que l’intercommunalité a des effets positifs mais on sait aussi qu’elle a des effets négatifs. Les actions mises en place au niveau communautaire nécessitent des investissements et engendrent des frais de fonctionnement considérables. Certaines communes ne peuvent pas tenir le rythme, et je ne parle même pas des toutes petites communes.” .

Le Sénateur lui a alors répondu que, “certes, l’intercommunalité ne permet pas de faire des économies d’échelles, mais elle permet de faire à plusieurs ce que l’on ne peut pas faire seul. Et puis le sort des petites communes ne date pas d’hier : il n’y a pas eu un ministre qui n’ait proposé , depuis la Révolution, de rayer les petites communes de la carte de France. Ca n’a jamais marché, et on n’a pas fini d’en débattre.”

Il est vrai que l’organisation territoriale de la France est ancienne, complexe, faite de sédiments successifs accumulés en fonction des époques. Elle a permis des progrès notables vers la décentralisation. Elle est démocratique, reposant largement sur le suffrage, laissant une grande liberté de gestion aux élus locaux. Elle est marquée aussi par des défauts qui, année après année, apparaissent aux yeux de tous : sa complexité, son coût, l’insuffisante solidarité entre les territoires, la difficulté de répondre aux besoins des populations. Le sentiment se répand que les choses ne peuvent continuer ainsi : les collectivités jouent un grand rôle dans le développement économique de notre pays, elles pourraient en jouer un plus grand encore si elles étaient modernisées dans leurs structures, leurs compétences et leur financement.

Se posent ici deux catégories de réformistes: ceux qui penchent pour le moins disant-administratif, (c’est-à-dire réformer pour faire des économies, réduire le nombre de collectivités ou leur regroupement, notamment par la constitution de grandes collectivités concentrant les compétences de plusieurs), et ceux qui prêchent le mieux-disant administratif, (c’est-à-dire réformer sans rechercher à faire des économies à tout prix, en tous cas pas au prix du dynamisme et de la capacité d’initiatives des collectivités locales.)
Le tout étant de tenir compte de la diversité des territoires. Mais quid de la diversité dans un processus de simplification aussi massif ? La question n’a pas manqué de faire s’interroger les élus varois présents dans la salle.  

Métropolisation et harmonisation administratives des territoires

Sans les avoir tous détaillés, M. Colllombat a pris le temps de développer les points essentiels de la réforme, qui consignent un certain nombre d’orientations fondamentales et certains enjeux essentiels
En premier lieu, la réforme prévoit de créer par la loi, une nouvelle catégorie d’établissements publics de coopération intercommunale dénommés « métropoles » dont les communes membres resteraient des collectivités territoriales de plein exercice. Elle érigerait les métropoles en collectivités territoriales de plein exercice, en lieu et place des communes membres, sur délibérations concordantes de celles-ci.
Les critères d’accès au statut de métropole et de délimitation du périmètre métropolitain ne devraient concerner que quelques territoires, comme Lyon, Lille, Marseille, Toulouse, Nice, Bordeaux, Nantes, Strasbourg. Ces métropoles seraient plus grandes que les communautés d’agglomération actuelle, mais plus petites que les Départements. 
Le périmètre de chaque métropole serait arrêté après consultation des conseils municipaux concernés. De nouvelles vocations de métropole, subtiles hybrides de compétences communautaires et départementales mêlées, seraient déterminées et gérées par ces nouvelles “super collectivités territoriales”. 
Pour inciter plus largement à la simplification territoriale, la réforme prévoit aussi de faire disparaître les seuils ayant un effet dissuasif sur les groupements de communes à fiscalité propre ou sur l’élargissement des communautés existantes. Une dotation globale de fonctionnement (DGF) métropolitaine serait établie à la demande des communes membres, et celles-ci pourraient décider la mise en place d’une fiscalité communautaire qui se substituera progressivement aux fiscalités communales.


Sur ce point, le Maire de Puget-Ville, Max Bastide, a cherché a savoir si une communauté de communes située à proximité d’une métropole pourrait être “avalée “sans que les élus communautaires puissent rétorquer. “Si le rapport est appliqué, la réponse est oui” lui a répondu le Sénateur du Var. “C’est la vocation même de la Métropole”.

Quelle représentation?

Dans la salle, Alain VIGNAL, Maire d’Ampus, a demandé si les modes d’élections du président de communauté et des conseillers communautaires seront conservés, et a cherché à savoir si l’opposition y sera représentée. 
Il semblerait que “le sujet soit en cours de discussion”, selon M. Collombat. Ce qui est certain, c’est que la réforme prévoit l’attribution d’au moins un siège à chaque commune membre dans le conseil métropolitain. (Un ratio démographique pour l’attribution des sièges restants reste à fixer). Les conseillers métropolitains seraient désignés au suffrage universel direct par fléchage sur les listes de candidats aux élections municipales. (Par exemple, les cinq premiers membres d’une liste seraient désignés pour être les élus communautaires. Il ne serait pas prévu d’organiser un scrutin spécialement pour les élus métropolitains).


Jean-François MASSUE, Maire de Méounes, ne voit pas trop l’intérêt d’élire les conseillers communautaires au suffrage universel direct, indiquant sa nette préférence pour une désignation par les élus communaux. Le Sénateur a répondu que cette désignation sur liste était beaucoup plus claire pour le concitoyen et la rendait d’autant plus légitime qu’elle est transparente et sans surprises pour les électeurs.

La conférence régionale des exécutifs serait remplacée par un conseil régional des exécutifs, dont les réunions seraient trimestrielles, et rendues obligatoires pour tous les élus, afin de retenir les orientations et faciliter les arbitrages nécessaires à la conduite des politiques territoriales. Ses compétences inclueraient les sujets relatifs l’exercice négocié de compétences ou nécessitant une coordination (politique d’investissement, articulation des schémas locaux avec les schémas régionaux).

Une convention Région/Départements/ Intercommunalités préciserait néanmoins les champs d’intervention de chaque niveau de collectivité et des communautés. La réalisation et le suivi de cette convention seraient assurés par le conseil régional des exécutifs.
Le président du conseil régional, les présidents des conseils généraux, les présidents des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des communautés de communes de plus de 50 000 habitants et un représentant par département des communautés de communes de moins de 50 000 habitants y siègeraient de plein droit. Dans chaque département, une conférence départementale des exécutifs serait créée, regroupant le président du conseil général et les présidents d’intercommunalité et, le cas échéant, de métropole.

Des compétences territoriales au profit des Régions

La mission a également formulé des propositions relatives aux compétences territoriales, et plus particulièrement la mise en place d’un bloc minimal de compétences obligatoires attribuées aux seules métropoles, à partir des compétences obligatoires des communautés urbaines créées après la loi du 12 juillet 1999.
Celles ci devraient d’ailleurs être considérablement renforcées. 
La possibilité de délégations de compétences des départements et régions aux métropoles seront possibles et même encouragées, en fonction des projets spécifiques de ces nouveaux territoires.  Les syndicats intercommunaux inclus dans le périmètre métropolitains seront dissous à l’avantage des métropoles. Toutefois, la compétence d’initiative de toutes les collectivités, fondée sur l’interêt général, sera maintenu dans le respect de la répartition des compétences entre les différents échelons et selon le principe de subsidiarité.  



Economie – La Région resterait “tête de file” en matière de développement économique et, dans cette perspective, la loi prévoirait de créer, pour chaque région une structure de coordination partenariale rassemblant tous les acteurs et notamment toutes les agences de développement économique locales. Parmi les initiatives à promouvoir, la loi encouragerait la création d’un portail régional unique  en faveur des aides à la création et au développement des entreprise. Une agence de développement économique unique propre à chacune des métropoles, créées par la loi, rassemblerait tous les acteurs locaux et travaillerait en lien étroit avec l’agence régionale. La répartition des tâches s’effectuerait ainsi :  les communes et intercommunalités se répartiraient les compétences relatives à la promotion et l’accueil des entreprises et au commerce de proximité, les départements se chargeraient de l’aménagement, de l’attractivité et de l’animation économiques tandis que les régions seraient chargées de l’innovation, de l’internationalisation et de l’ingénierie financière. En revanche, la mise à disposition sur les territoires infradépartementaux d’outils de conseils juridiques et techniques nécessaires resterait à l’initiative des Départements. 

Transports – Un large volet de la réforme concerne les transports publics interurbains, qui devraient être transferé en intégralité aux Régions, ainsi que les PDU. A ce titre, une mise en cohérence des différents documents d’urbanisme et de planification (PLU, PLH, PDU) devrait être affirmée, en lien direct avec les Schémas de cohérence territoriaux. L’Etat, pour sa part, confirmerait ses engagements et sa mission de financement des infrastructures d’intérêt national (LGV, autoroutes, routes nationales…). Les ressources financières issues de ces infrastructures permettraient de contribuer au financement des infrastructures de transport d’intérêt local (généralisation de la taxe sur les poids lourds, transfert à l’AFITF et aux collectivités territoriales de la part de l’Etat dans le produit des amendes pour infraction au code de la route, mise en place d’une taxation des plus-values foncières, mise en place d’une modulation des péages ferroviaires pour les TER).

Aménagement du Territoire et Environnement –
Les compétences des communautés de communes et des communautés d’agglomération seraient renforcées afin de leur donner davantage de moyens pour peser sur l’aménagement du territoire et sur les questions environnementales, en particulier pour la gestion de l’eau et l’assainissement. Concernant les SCOT, un élu de Puget-sur-Argens s’est interrogé sur l’avenir de ce document et qui s’en verra attribuer la responsabilité. Le Sénateur Collombat a confirmé qu’en la matière, “il y avait un déficit en matière de coordination” et que “l’achèvement de l’intercommunalité permettra de résoudre ce problème”. 



Emplois, Solidarité – A titre expérimental, les compétences détenues par l’Etat en matière de politique de l’emploi seraient transférés aux conseils régionaux volontaires. Les Départements se verraient transférer le financement de l’allocation adulte handicapé (AAH) et l’ensemble du financement des établissements et services d’aide par le travail (ESAT).

Formation
– Les Régions financeraient les actions concernant les publics spécifiques : ateliers pédagogiques personnalisés (APP), gestion du volet illettrisme du programme IRILL et du programme « objectif cadres ». Elles auraient également la responsabilité d’autoriser la création des centres de formation des apprentis (CFA) et des centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA). Elles assureraient enfin la construction et l’entretien des bâtiments nécessaires.



Enseignement supérieur – Les Régions se verraient confiées un rôle de « chef de file » des interventions locales en faveur de l’enseignement supérieur, (carte de l’enseignement supérieur, recherche et innovation)  en partenariat avec l’Etat (élaboration d’un schéma régional de l’enseignement supérieur et de la recherche et contractualisation avec les établissements), ainsi que pour la coordination, dans ce cadre, d’actions relatives à la vie étudiante. 
Par ailleurs, les instances et les outils de concertation entre les acteurs au niveau régional seraient généralisés pour assurer, dans le respect des autonomies locales, la coordination des actions, la simplification de certaines modalités d’intervention financières et la définition d’objectifs partagés (conventions d’engagement pluriannuels, instruction unique des dossiers, schémas régionaux, EPCC…).

Equipements sportifs : Les communes et leurs groupements se verraient confiés la construction et la gestion des équipements sportifs, sans préjudice de la responsabilité des départements et régions pour la construction d’installations sportives dans les collèges et lycées ; la mise à disposition des équipements des collèges et lycées par voie de conventions locales pourrait elle aussi généralisée. 

Dans la salle, le président de la communauté d’agglomération dracénoise, Olivier Audibert-Troin, a approuvé la qualité du débat démocratique qui anime la réforme des collectivités territoriales. “Tous les pays européens ont engagé la simplification administrative, pour gagner en efficience et en efficacité. En simplifiant, il est clair que nous serons plus performants, et pugnaces face aux enjeux de demain. Nous sommes les seuls à avoir conserver un nombre si important de communes sur le territoire national, il faut poursuivre la réflexion sur ce sujet, sans se tirer une balle dans le pied, sans y aller avec la baïonnette”.

Quant au Maire de Bagnols-en-Forêt, Michel Tosan, il a plutôt exprimé des inquiétudes : “La répartition des compétences devraient prendre en compte le potentiel territorial et non pas le potentiel démographique, auquel cas nos communes deviendront des collectivités croupions”. Le Sénateur lui a répondu que la différence entre la réalité déomographique et la réalité territoriale n’était pas, en elle-même, incompatible avec le principe de redécoupage proposé par la réforme, et “qu’il n’y aurait pas de réponse automatique ou systématique au problème de découpage, sans analyse de la situation préalable et des perspectives d’avenir”.  

Tous ces débats ont “donné mal à la tête” au Maire de Bauduen, Michel Pelloquin, qui a témoigné de sa plus vive inquiétude sur la disparition du service public de proximité, et de l’éradication programmée de toute représentation démocratique au niveau des petites communes: “les collectivités sont traitées comme on traite la santé. Quand on aura tout brouillé, tout écartelé, tout disséminé, on finira par ne plus en parler”. 


Finances : quelle alternative à la TP ?

Autonomie fiscale : La nécessité de préserver l’autonomie fiscale des collectivités territoriales et de leurs groupements est acquise. Il reste néanmoins à procéder à la révision générale des valeurs locatives et à leur réévaluation régulières.

Taxe professionnelle :
La Taxe professionelle serait remplacée par des dotations ou des impôts (TIPP). Des ressources pour les dotations de péréquation (DSU, DSR, dotation d’intercommunalité, dotations de péréquation départementales et régionales) seront evnvisageables à partir d’une réforme des dotations forfaitaires qui doivent être corrigées afin de favoriser une plus grande équité et d’éviter les effets de seuil.
Le lien fiscal entre les entreprises et les collectivités territoriales devrait être maintenu. L’impôt économique local serait scindé en deux : une première part assise sur le foncier, sous condition d’une actualisation et d’une modernisation des valeurs locatives prises en compte ; cette part pourrait (après simulations) être attribuée aux communes et aux intercommunalités ; et une seconde part assise sur la valeur ajoutée des entreprises, qui pourrait être attribuée aux départements et aux régions. L’ensemble des nombreuses autres axes locales (autres que les 4 principales), dont les rendements sont parfois faibles, seront réexaminées, simplifiées ou supprimées.

Fonds national de péréquation : organisé par le législateur et alimenté par trois grandes ressources renouvelées, il serait issu de l’adaptation des mécanismes du FSRIF à l’ensemble du territoire, de l’écrêtement des établissements dits exceptionnels et d’une cotisation de péréquation de l’impôt économique local assis sur le foncier, succédant à l’actuelle cotisation de péréquation de la taxe professionnelle.

Sur les derniers échanges, les remarques dans la salle ont fusé. Le maire de Puget-sur-Argens, Paul Boudoube, s’est même dit très surpris que “Madame Parisot puisse donner des leçons de gestion aux communes, alors que les entreprises qu’elle représente ne gèrent rien du tout, et créent des déficits absolument considérables. Toute suppression d’impôt doit être compensée. L’absence de TP aura des conséquences grave pour la gestion des communes ou des territoires, et il est tout de même paradoxal qu’on nous demande à la fois de promouvoir le dynamisme industriel en supprimant d’emblée le seul outil que nous avions pour le faire”. 
 
Enfin, le conseiller général du Canton de Barjols, Michel Partage, a déploré la suppression de la TPU et l’annonce de la mise en place d’un “impôt brouillard, sur lequel on ne sait encore rien.”