Assises des Territoires Ruraux du Var : le Préfet demande aux maires de « positiver » leurs territoires

Ils étaient donc une centaine, Sénateurs, Conseillers régionaux, Conseillers généraux, Présidents de chambres consulaires, Présidents de communautés et Maires à s’être déplacés pour participer aux débats sur l’avenir de la ruralité varoise. Un avenir pas tout à fait noir, mais pas tout à fait rose non plus. Pour le Préfet Hugues PARANT  » Nous avons de la chance d’avoir une visibilité internationale, de disposer de services, de raccordements, d’autoroutes. Après deux Grenelle, on va pouvoir déplacer des entreprises économes en environnement sur nos territoires ruraux pour rétablir l’équilibre économique, écologique et social de nos bassins de vie et d’emplois. (…) On doit se poser les vraies questions, faire remonter les vrais problèmes, mais n’oublions pas de positiver nos territoires ».

Enjeux dominants

Tous les maires partent du même constat:  En vingt ans, la ruralité varoise a profondément changé. Est-ce qu’elle a évolué? Est-ce qu’elle a régressé ? Les avis sont partagés. En tout cas, les élus s’accordent pour dire qu’on ne peut plus l’appréhender de la même façon.
Avec l’explosion des mobilités, l’avènement des axes autoroutiers et l’essor des services à l’intérieur et autour des grandes villes, comme Toulon, Brignoles, Draguignan, Fréjus et Saint-Raphaël, la population s’est massifiée autour des villes du littoral, offrant toute une gamme des services à la population, qu’il s’agisse des transports en communs, des soins hospitaliers, des services postaux et bancaires, des supermarchés ou des centres sportifs et de loisirs.  Ailleurs, c’est-à-dire en périphérie, l’activité économique des territoires est à la fois peu connue, peu reconnue, et pas assez promue. Pourtant sur place, la moindre parcelle de terrain est convoitée, la pression foncière exarcerbée, la montée des prix absolument déconcertante. Bien sûr, les exploitations bien portantes se transmettent toujours de père en fils, mais sûrement pas avec le même enthousiasme et la même sécurité qu’autrefois.

C’est là tout le paradoxe de la ruralité : Personne ne veut y aller mais tout le monde la réclame. Sauf les jeunes bien sûr, pour qui l’avenir passent forcément par la ville. Les préjugés d’un monde vers l’autre sont toujours tenaces. Alors comment infléchir la tendance? Comment motiver la reprise-transmission, engager la diversification, susciter de nouvelles vocations ? Les débats sont ouverts.
Par chance, dans ce domaine, on ne part pas vrament de zéro. Les problèmes liés à la ruralité varoise sont identifiés depuis longtemps. Des solutions existent. Certaines sont déjà en place. D’autres piétinent. En organisant des assises au niveau national, le Ministre de l’Aménagement du Territoire et de la Ruralité veut provoquer un électrochoc. Il risque de ne pas être déçu !  

Pour Jean-Pierre VERAN, maire de Cotignac et Président de l’AMV, plusieurs grands changements doivent être pris en compte pour comprendre l’évolution de nos territoires : d’abord le développement des territoires à l’échelle européenne, « qui place les espaces ruraux au coeur d’interdépendances économiques, sociales, culturelles et environnementales« , ensuite l’évolution du rôle de l’Etat, « dont la décentralisation des compétences a considérablement renforcé le rôle des collectivités territoriales dans le maintien des services de santé, des transports ou en faveur de la protection des espaces » , et enfin l’évolution des collectivités locales, « dont la réforme va pousser les maires à se regrouper pour travailler ensemble de manière cohérente avec des moyens renforcés et des objectifs conformes aux schémas de cohérences territoriaux« .

Démographie et mobilités : Les territoires ruraux font face

Si l’évolution des territoires ruraux entraîne de nouvelles pratiques et de nouveaux usages (« on ne travaille plus à la campagne, on y vit« ), de nouvelles formes de gouvernance des territoires s’imposent. Non seulement à l’intérieur d’un même territoire, mais aussi en complémentarité avec les territoires voisins, qu’ils soient ruraux ou urbains. « Avant, on vivait de la campagne alors que maintenant, on apprend à vivre à la campagne » a rappelé Josette PONS, Vice-Présidente du Conseil Général et Présidente de la Commission Agriculture, Développement Rural et Forêt du Conseil général du Var. « Les comportements se sont modifiés: bien des ruraux sont plus ou moins « urbains » comme en témoignent la progression des départs en vacances et des voyages lointains, la multiplication de nouvelles associations locales, sportives, culturelles, musicales, d’animation, du troisième âge… tandis que des urbains abandonnent progressivement la ville pour aller vivre au vert, précisément pour échapper à cette agitation. Si bien que dans le Var, on ne peut pas vraiment dire qu’il y ait vraiment de discontinuité dans les espaces, de désertification des campagnes, d’enclavement des territoires » .

Quatre fonctions permettent de définir aujourd’hui les enjeux des  territoires ruraux. Outre la fonction de production, qui concerne directement les agriculteurs (particulièrement les éleveurs, les viticulteurs et les oléiculteurs), les territoires ruraux ont une fonction résidentielle, une fonction touristique et une fonction environnementale. Mais pour Alain BACCINO, Président de la Chambre d’Agriculture du Var, c’est la fonction de production qui l’emporte :  » La ruralité n’est pas l’agriculture, mais sans l’agriculture, il n’y a pas de ruralité. Il faut absolument que les agriculteurs puissent travailler à l’intérieur de zones qui sont de véritables zones de production et de croissances économiques et qui doivent être envisagées comme telles dans les SCOT (…) Si l’agricuture n’est plus l’activité majeure en termes d’emplois et de valeur ajoutée, elle continue à jouer avec l’activité forestière un rôle prépondérant dans l’occupation de l’espace ».
M. Baccino s’est dit favorable à toutes les décisions politiques qui encourageraient la vigueur entrepreneuriale des exploitations, la conquête de nouveaux marchés extérieurs, la facilitation de la reprise-transmission. Il a également souhaité que les territoires fragilisés puissent construire, en lien avec les villes auxquels ils sont interconnectés, des projets de développement ou de reconversion réalistes adaptés à leur potentiel.
Pour André GUIOL, Maire de Néoules, Président de la communauté de communes Val d’Issole et représentant l’Association des Maires Ruraux, ces potentiels ne s’exprimeront pas tant que tous les territoires ne sont pas tous reliés entre eux : « Relier les métropoles, c’est bien. Mais encore faut-il ne pas ignorer les territoires qui sont traversés par les autoroutes. La totalité du territoire doit être connecté. VARLIB, le nouveau réseau de transports en commun mis en place depuis Septembre par le Conseil Général est un atout pour garantir la liberté et la facilité des déplacements. La compétence transports se développe au sein des intercommunalités. Nous progressons, même s’il reste encore beaucoup à faire ».
Egalement interrogé par le Préfet sur cette question, Albert VATINET, Conseiller général et Maire de Bormes les Mimosas, a rappelé qu’en matière de Transports, « le Conseil Général souhaite ajuster l’offre à la demande conformément aux exigences du schéma départemental des Transports voté en 2007, notamment en terme de desserte, de signalétique, de création de parkings et d’incitation aux modes de transports en communs ».


Comment faire davantage contribuer les territoires au dynamisme économique et à la croissance ?

« Qu’est-ce-qu’il faut faire pour qu’une entreprise vienne s’installer sur nos territoires ? «  a demandé le Préfet aux élus.
Dans la salle, les réponses ne se sont pas faites attendre.
Pour le représentant de la Chambre de Commerce, « il convient d’agir sur le foncier, de savoir le valoriser et de mettre en place une stratégie de développement économique où chaque secteur a sa place ». Pour André GUIOL, «  Il faut encourager l’installation des futurs employés et de leurs familles en développant le locatif ». Selon Georges PONS, Maire de Baudinard, il faut en finir avec les incohérences des lois de protection des espaces naturels, « comme la loi Montagne, qui gèle ou annule systématiquement toutes les demandes de permis de construire. Cela finit par décourager tout le monde. (…) Entre zéro baraques et deux cents baraques, on devrait pouvoir trouver un compromis favorable à tout le monde, Monsieur le Prefet ! ».
A ce sujet, le Préfet du Var ne s’est fait que le garant de la stricte application de la loi.
Concernant la qualité des services publics, le Maire de Barjols, Daniel NIRONI est revenu sur exigences de ses adminitrés: « Les riches populations étrangères qui ont le pouvoir d’achat pour rénover le bâti anciens sont très coriaces en matière de sécurité, d’éducation scolaire ou de soins hospitaliers. C’est la condition pour qu’elles viennent chez nous. Or, on n’a plus de médecins, les brigades de gendarmerie sont dépeuplées, on n’a pas assez de collèges et on n’a pas de centre de formation à moins de 100 kilomètres. Pas facile d’être attractif dans ces cas là ».
Même remarque de la part de Nello BROGLIO, Maire des Adrets de l’Estérel, pour qui les questions de santé restent primordiales :  » Moi je veux bien qu’on construise un stade de foot avec l’interco, mais on devrait quand même s’occuper d’abord de la santé des gens! On en parle toujours cinq minutes et puis on passe à autre chose ! On manque cruellement de médecins dans nos campagnes, la sécurité des personnes n’est pas assurée… et le problème va s’amplifier ! »

Autre réaction, sur l’environnement cette fois-ci : Pour Angélique FROMION, Maire de Bras, il n’est pas question de faire venir n’importe quelle enseigne dans le Centre Var ou dans le Haut-Var : « Si nous fournissons les espaces, il faut que les entreprises nous donnent un certain nombre de garanties environnementales, et qu’elles aient recours aux énergies propres ». Le Préfet lui a rétorqué que les entreprises qui souhaitent se délocaliser dans les campagnes ont déjà pris la question à bras le corps et sont ouverts au dialogue. Pour Jean-François MASSUE, « il faudrait faire venir davantage d’usines de transformation des matières premières« . Pour Alain BACCINO, « il faut veiller à ce que tous les territoires soient correctement irrigués, auquel cas l’aménagement durable des territoires n’est pas envisageable« . Pour Nicole FANELLI, Conseillère générale et Maire de Salernes, « la création d’emplois doit s’accompagner d’une politique de l’habitat volontariste, pour loger convenablement les familles des futurs employés ».
Développer le locatif et l’habitat, gérer les contraintes environnementales des espaces, assouplir les autorisations de permis de construire : autant de problèmes qu’une commune rurale isolée ne peut résoudre seule. « C’est précisément en écoutant vos revendications que l’on se rend compte à quel point il est indispensable de raisonner d’un point de vue coopératif » a rappelé le Préfet du Var.

Prendre en compte l’objectif de cohésion sociale et territoriale pour favoriser l’attractivité des territoires

Le regain démographique des espaces ruraux est concomittant avec l’émergence d’une ruralité nouvelle, avec une évolution sociologique particulière qui engendre des besoins et des attentes nouvelles.
« Mais au fond », s’est interrogée Christiane HUMMEL, Sénatrice Maire de La Valette, « le Var est-il encore un département rural comparable à la Creuse par exemple? Certainement pas ! Parce qu’il n’y a pas de désertification, parce que les communes sont rassemblées, soudées. Il ne faut pas avoir peur de l’intercommunalité, elle n’apporte que des solutions… Bien sûr, il y a des couacs, on ne coince la vie… mais on se la facilite aussi, croyez moi! ».
Une conviction que partage Olivier AUDIBERT-TROIN, Président de la Communauté d’Agglomération Dracénoise, pour qui « la diversité territoriale est un atout (…) L’intercommunalité permet d’équilibrer les richesses d’un territoire choisi. On ne peut pas demander à une seule commune de gérer les problèmes de logements, de même que l’on ne peut pas demander à la commune centrale de gérer seule les problèmes de transports vers les villages, même si elle est le camp de base à partir duquel les premières actions se mettent généralement en place (…) C’est lorsque les décisions sont prises à plusieurs et que les moyens sont mutualisés que l’on favorise une production équilibrée et solidaire de tous les territoires. » .
Bien que « favorable au rapprochement intercommunal et à l’équilibre entre les territoires », Françoise LANLIARD, Maire du Plan de la Tour, souhaite ne jamais voir  » nos villages s’adapter à un mode de vie urbain, mais bien plutôt l’inverse ». Une préoccupation que partage également le Maire de La Môle, Gabriel CIARIMBOLI, pour qui l’homogénéité des territoires ne sera possible que si l’Etat s’engage en faveur de la permanence des services à la personne sur l’ensemble du département ».

Ce à quoi le Préfet a répondu : « En vous regroupant, vous serez sûrement plus homogènes que les services décentralisés de l’Etat, qui ne le sont pas« .

Il a bien fallu conclure. Les Maires se retrouveront sûrement l’an prochain pour poursuivre ces débats denses et passionnants.