Le compromis trouvé jeudi 6 avril en commission mixte paritaire (CMP) entre députés et sénateurs aura surpris jusqu’aux premiers concernés. Les choses paraissaient en effet assez mal engagées, puisque Corinne Imbert, rapporteure du texte pour le Sénat, a débuté la réunion de la CMP en déclarant : « Sans ménager plus longtemps l’effet de surprise, il me semble qu’il nous sera difficile d’obtenir un accord ce matin. » Quant à la députée Stéphanie Rist, auteure du texte initial, elle reconnaissait l’existence de « plusieurs points très bloquants ». Mais après une interruption de séance et d’intenses négociations, un accord a finalement été trouvé, contre toute attente.
Communautés professionnelles territoriales de santé
Rappelons que ce texte, déposé en janvier par le groupe Renaissance, a pour objet de faciliter l’accès aux soins pour les patients « en modifiant le champ de compétence des professionnels de santé », en développant notamment la possibilité, pour les infirmiers, d’intervenir directement sur certaines pathologies, sans passer par une prescription médicale. C’est ce que l’on appelle « la pratique avancée ». Le texte crée des possibilités similaires pour les kinésithérapeutes et les orthophonistes.
Députés et sénateurs partagent un certain nombre de vues, qui n’ont pas fait débat en séance ou en CMP. Mais des oppositions apparemment « inconciliables » sont apparues sur le champ d’application de la pratique avancée. Stéphanie Rist a résumé ces divergences en CMP : « Le point de désaccord le plus substantiel porte sur la question de l’accès direct aux professionnels de santé dans le cadre d’un exercice coordonné. Le Sénat a supprimé les dispositions permettant à un patient de consulter en première intention un infirmier en pratique avancée, un infirmier pour la prévention et le traitement des plaies, ou un masseur-kinésithérapeute, dans le cadre d’une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). » Alors que de leur côté, les députés souhaitaient « ouvrir une telle possibilité non pas pour toutes les CPTS, mais uniquement pour celles qui ont développé un véritable projet dans lequel le médecin, tout en restant le pivot du parcours de soins, n’en constitue plus nécessairement la porte d’entrée ».
Expérimentation
Après une interruption de séance de la CMP, un compromis a finalement été trouvé sur cette question : l’article 1 de la proposition de loi a été récrit, pour permettre, d’une part, l’exercice de la pratique avancée pour les infirmiers dans les établissements de santé, les services médico-sociaux et les structures d’exercice coordonnées. Dans ces différentes structures, les infirmiers en pratique avancée (IPA) « peuvent prendre en charge directement les patients ». Quant à la prise en charge en pratique avancée dans les CPTS, elle n’est pas complètement supprimée mais fera l’objet d’une expérimentation de cinq ans dans six départements, que le gouvernement désignera par arrêté.
Après discussion, un accord a également été trouvé sur un sujet qui faisait débat – la possibilité pour les préparateurs en pharmacie d’administrer des vaccins. Fallait-il limiter cette possibilité aux seuls vaccins contre la grippe, le covid-19 ou la variole du singe, ou l’élargir ? Sénateurs et députés sont tombés d’accord pour que la liste de ces vaccins pouvant être administrés par les préparateurs en pharmacie soit fixée par arrêté ministériel.
Compromis
Les sénateurs ont, de leur côté, mis de l’eau dans leur vin en acceptant finalement que le texte fasse mention de la « responsabilité collective de la permanence de soins ». Cette notion avait été ajoutée au texte initial par le gouvernement lui-même, sous cette forme : les médecins et professionnels de santé « sont responsables collectivement de la permanence des soins ». Explication du gouvernement : « Cela permettra de garantir à nos concitoyens un accès aux soins non programmés pendant les horaires de fermeture des services hospitaliers et des cabinets médicaux en répartissant cet effort entre toutes les structures et tous les médecins d’un territoire. » Une idée, rappelons-le, portée par l’AMF dans sa contribution à l’élection présidentielle, pour faire face aux difficultés d’accès aux soins rencontrées dans de nombreuses communes.
Pas le Sénat, qui a supprimé cette disposition en séance. Finalement, en CMP, les sénateurs ont accepté de « réintroduire » cette notion de « responsabilité collective », sous une forme un peu différente. Le texte final dispose désormais que « les usagers du système de santé bénéficient de la permanence des soins. (…) Les établissements de santé (…) ainsi que les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les infirmiers diplômés d’État sont responsables collectivement de la permanence des soins. » Les sénateurs ont toutefois, jusqu’au bout, émis de fortes réserves sur cette notion de « responsabilité collective », jugée « éminemment contestable en droit ». Les modalités de ces dispositions ont été renvoyées à un décret, qu’il faudra regarder de très près.
En revanche, la notion « d’engagement territorial » des médecins, que le gouvernement avait là encore ajoutée au texte, a bien été supprimée du texte final, à la demande du Sénat. Il s’agissait, dans l’esprit du gouvernement, de « valoriser » les médecins « qui s’engagent à la coopération, l’accès aux soins de proximité, aux soins non programmés, avec des pratiques tarifaires maitrisées ». Ce passage a été supprimé du texte de la CMP.
Notons enfin que les sénateurs ont renoncé, pour aboutir au compromis, à la « taxe lapin » qu’ils avaient introduite dans le texte : il s’agissait de mettre à la charge des patients les rendez-vous médicaux non honorés.
Le texte de la commission devrait maintenant être rapidement présenté devant les deux chambres pour une adoption définitive.
© sources : Maire-info.com – Auteur : Maire-info / Référence : BW41661 / 11 Avr 2023