Internet, 4G, inclusion numérique… Julien Denormandie et Mounir Mahjoubi répondent aux maires

Chacun dans leur domaine de prédilection, Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique, se sont prêtés au jeu des questions-réponses avec les élus hier au congrès des maires à Paris. Les enjeux sont considérables. Aujourd’hui en France, l’accessibilité au numérique fait l’objet de pas moins de trois plans : deux sur les infrastructures numériques, le Plan France Très Haut Débit (2013) et le New Deal Mobile (janvier 2018), et le plan national pour un numérique inclusif (septembre 2018). Les objectifs de chacun d’entre eux sont annoncés et martelés par l’exécutif depuis des mois. Les maires sont pour autant loin d’être rassurés.
La concrétisation du plan France très haut débit, dont l’ambition est d’apporter du haut débit à tous en 2020 (débit minimum de 8 mégabits par seconde) et du très haut débit à tous en 2022 (30 mégabits par seconde) pour atteindre « la société du gigabit » en 2025, se fait particulièrement attendre. « Quand un concitoyen n’a pas de débit, il demande des comptes aux maires », s’impatientait, dès l’introduction Nicolas Bonneau. Le maire de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) a notamment interrogé Julien Denormandie sur la capacité des opérateurs à tenir les délais. Rappelons que les opérateurs se devront d’avoir déployer le FTTH (fibre optique jusqu’à l’abonné) dans les zones Amii (3 400 communes) au plus tard à la fin de l’année 2020. « Nous avons fait en sorte que tous les engagements pris par les opérateurs soient contraignants pour les Amii mais aussi pour les Amel », a précisé le ministre, qui sait la méfiance que certains élus entretiennent à l’encontre de ces derniers (lire Maire info du 26 octobre). « Pour les Amel, il faut bien comprendre qu’à la fin des fins, le donneur d’ordre c’est l’élu local. Nous allons clore l’Amel à la fin de l’année et 1 million de prises seront déployées via ce dispositif. Ça valait le coup », a-t-il assuré. En parallèle, un guichet de cohésion numérique ouvrira le 1er janvier 2019. Doté de 100 millions d’euros, il viendra soutenir l’équipement des utilisateurs via une autre technologie : THD Radio, réseaux hertziens terrestres, satellite…

73% de zones blanches en Guyane
Pour ce qui est du mobile, Julien Denormandie a garanti que 10 000 pylônes auront basculé de la 2G-3G à la 4G d’ici fin 2020. « Le point d’achoppement, c’est la question du coût de la mise à disposition des terrains, a alerté Michel Sauvade, maire de Marsac-en-Livradois (Puy-de-Dôme) et référent téléphonie pour l’AMF. Les communes n’ont pas vocation à les mettre à disposition gratuitement. » Zacharia Alahyane, directeur de la Mission France Mobile, a alors rétorqué que lorsque des communes mettent à disposition un terrain viabilisé à un opérateur et participent ainsi à l’accéléreration du déploiement de la 4G, l’opérateur « lui versera un loyer pour amortir les coûts portés au premier instant par la collectivité. C’est en tout cas un des scénarios ».
Les élus d’outre-mer ont, de leur côté, dénoncé « des injustices de territoires ». « En Guyane, il y a 73% de zones blanches », a déploré une élue. « En outre-mer, on a des opérateurs locaux qui ne répondent pas aux mêmes spécificités qu’en métropole », a répondu Julien Denormandie. « 10 millions d’euros vont être engagés pour qu’on arrive à un dispositif dans le même esprit. »

Dématérialisation des services publics : « une agression » pour certains
Au-delà des infrastructures, la transition numérique est aussi un sujet qui touche à l’humain. Le défi est colossal : quand le gouvernement a pour objectif de dématérialiser 100% des services publics en 2022, 13 millions de Français, soit un sur cinq se disent aujourd’hui éloignés du numérique. « Et ce n’est pas forcément les personnes âgées comme on pourrait spontanément le penser », a témoigné Hélène Lacroix, maire d’Ayen, village de Corrèze de 750 habitants. Pour les réseaux sociaux, ça va. Mais dès qu’il s’agit de remplir un document administratif, ça ne va plus du tout. Il y a une difficulté de compréhension des documents. Avant, lorsque vous ne compreniez pas la question sur une feuille de papier vous la sautiez, aujourd’hui si vous ne répondez pas à une question sur un document dématérialisé, ça bloque tout ! ».
Invité à conclure les débats, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du Numérique, a reconnu que l’objectif de dématérialisation des services publics pouvait être vécue comme une « agression ». « L’enjeu, c’est la maîtrise. C’est la raison pour laquelle il faut faire des services publics en ligne simples. L’objectif est de simplifier les interfaces à partir d’une charte sur laquelle nous travaillons. »
Le secrétaire d’État a ensuite déroulé une série de mesures du plan national pour l’inclusion numérique lancé en septembre (lire Maire info du 20 septembre). Notamment le Pass Numérique. Co-financé par l’État et les départements – un appel à projets sera passé en janvier 2019 – le pass Numérique, d’un montant de 100 euros, sera distribué par ceux qui font de l’accueil au public. Ces derniers bénéficieraient de formations et seraient ainsi mieux à même d’orienter les publics en difficulté vers des lieux de médiation numérique. Convaincus de l’intérêt de cette politique, les maires ont en revanche émis des doutes sur son opérationnalité.

Ludovic Galtier


© sources : Maire Info (www.maire-info.com) – 22/11/2018