Formation AMF83 spéciale “budget et dotations”: de quelles marges de manoeuvre les maires disposent-ils vraiment ?

Preuve de l’intérêt ou de l’inquiétude des maires, la nouvelle session de formation organisée le 23 Septembre dernier à Trans en Provence par l’AMF83 s’est nourrie de plusieurs dizaines de questions sur l’élaboration du budget communal : modalités de résorption de la dette, modulation des crédits et des emprunts, révision des bases, mutualisation des services, révision des contrats de DSP,  financement des nouveaux rythmes scolaires… De mémoire d’Association des Maires, on a rarement vu les élus soumis à une telle pression financière. Alors que l’Etat vient d’annoncer une baisse de 3,7 milliards d’euros de ses dotations aux collectivités locales ( 2,71 milliards d’euros pour le bloc communal), certains édiles ont d’ores et déjà annoncé un repli massif de leurs investissements au détriment de l’emploi. Pas de quoi se réjouir…

“Bien connaître la procédure d’élaboration budgétaire, c’est un bon début !”

Les mairies, en train de boucler leur budget 2015, sont obligées de sabrer dans les dépenses. Pour les petites communes varoises, déjà fortement impactées par le gel des dotations, les efforts sont particulièrement douloureux. La réunion n’avait pas commencé que d’emblée, certains élus ont demandé à prendre la parole. “Nous nous réjouissons qu’une formation sur le budget communal soit inscrite à l’agenda des formations car en ce qui nous concerne, nous sommes contraints de réfléchir à ce que nous n’allons pas pouvoir faire en 2015. Je ne suis pas naïf, mon équipe et moi savions que nos marges de manoeuvre seraient faibles. Mais aujourd’hui, avec tout ce qu’on nous demande d’assumer en terme de dépenses, même avec toute la meilleure volonté du monde, même en actionnant l’impôt, je ne suis même pas certain de pouvoir présenter un budget à l’équilibre “ a déclaré, dépité, un jeune maire nouvellement élu. “On nous rabâche que nous sommes de mauvais gestionnaires de l’argent public et que nous investissons à tort et à travers. Mais encore faudrait-il qu’on ait les moyens de notre mauvaise gestion. L’équation est simple : quand on a zéro, on fait zéro!”

A la tribune, Monsieur le Président de l’AMF83 Jean-Pierre VERAN a souhaité immédiatement réagir : “Rassurez-vous, cher collègue, cette question, vous n’êtes pas le seul à la poser, car on ne fait rien sans rien et c’est le sens même de notre engagement dans la vie publique qui s’en trouve affecté ! Je crois néanmoins qu’il faut distinguer les choses : d’un côté, il faut faire preuve de réalisme en déterminant précisément, parfois à l’euro près, la marge de manoeuvre dont on dispose, ne serait-ce qu’au regard de la gestion passée, puisqu’il faut assumer la continuité des comptes. Et de l’autre, il nous incombe de nous conformer à un certain calendrier pour pouvoir établir et faire voter notre budget, qu’il soit bon ou mauvais d’ailleurs. Mais attention, un mauvais budget et une mauvaise gestion, c’est pas tout à fait pareil. On peut avoir très peu de ressources et avoir une gestion saine. L’inverse est possible aussi, mais c’est tout de même plus embêtant, car les ennuis commencent généralement à ce moment là.  Alors bien sûr, l’endettement d’une commune est toujours inquiétant mais ce n’est pas une fatalité pour autant. En acceptant par exemple de se regrouper et de mutualiser leurs ressources, certaines communes réduisent considérablement les coûts de fonctionnement et d’investissement, et du coup, infléchissent la dette. Tous les maires ne le font pas. On verra ce que l’avenir nous réserve. Pour ma part, je pense que nous, les maires, nous devons nous résoudre à la mutualisation pour minimiser les coûts et pour pouvoir continuer à soutenir l’investissement local. Les dotations de l’Etat ne soutiendront plus les initiatives individuelles, “à toi le stade, à toi le musée, à moi la salle des fêtes”. Ce temps-là est révolu. En revanche, bien connaître la procédure d’élaboration budgétaire, croyez moi, ça, c’est un bon début ! “.

Arbitrages

Précisément ! Comment se familiariser avec cette procédure ? Selon Mme Léticia HACHEM du Groupe la Poste, “il faut éviter un certain nombre d’écueils et procéder dans l’ordre, en gardant toujours à l’esprit deux éléments importants : le respect du calendrier qui est fixé par la loi, et le respect de cinq principes vertueux : l’annualité, l’unité, l’universalité, la sincérité et l’équilibre. Si ces conditions sont réunies, on peut dire que, pour le maire et son équipe le plus gros est fait”.

Mme HACHEM a également rappelé que certains documents budgétaires comme des décisions modificatives, des budgets supplémentaires, annexes ou autonomes pouvaient être annexés au budget et votés par le conseil municipal, et plusieurs fois dans son exposé, elle a rappelé les modalités d’organisation du débat d’orientation budgétaire et précisé les procédures de contrôle des comptes communaux “à postériori”.

On retiendra particulièrement, à propos du volet “informations nécessaires à l’élaboration du budget”, que la commune, en plus des données relatives à la fiscalité locale fournie par les services de l’Etat, doit pouvoir consulter aussi souvent que nécessaire tous les documents dont elle dispose en mains propres, c’est-à-dire les comptes administratifs des exercices précédents, l’avancement des différents programmes de travaux ou encore le tableau d’amortissement de la dette.

S’agissant typiquement de la dette, M. Mathieu BERAUD du Groupe Ecofinance a rappelé que les obligations posées par les textes instituent une règle conforme au principe de prudence pour prévenir les risques liés à l’endettement mais sans pour autant pénaliser le recours à des financements à remboursement différé : “En fait, la loi est faite de telle façon qu’elle contraint les collectivités à dégager un autofinancement pour faire face à une charge ultérieure. Ce principe de prudence est parfois vécu comme pénalisant par les communes. Mais c’est avant tout une règle de bon sens”.

Au delà des arbitrages que le maire devra effectuer en terme de fiscalité (jouer sur les bases en fonction des taux) ou en terme de recours à l’emprunt, plusieurs pistes méritent d’être explorer dans le contexte actuel de réduction de la dépense publique : juguler les relations financières aux tiers (associations, délégataires, fournisseurs), revoir ses modes de gestion de services publics (régie, affermage, dsp), prioriser la mutualisation des biens et des ressources autour d’actions spécifiques, ou encore maîtriser les consommations (énergétiques, fluides) etc…

Réactions mitigées

Globalement les élus donnent le sentiment d’avancer les pieds et les mains liés. “On ne peut pas gérer une commune avec des bouts de ficelles !” s’indigne un adjoint. “L’Etat nous demande de faire plus avec toujours moins. Pourra-ton continuer encore longtemps ainsi?” demande une conseillère municipal. “Nos charges sont trop hautes. Chaque jour, nous prenons le risque de mettre la commune en cessation de paiement”, regrette un élu aux finances.

Jean-Pierre VERAN a invité les maires à plancher sans tarder sur le budget 2015 en travaillant sur les bases . Il a également incité les élus à renégocier leurs contrats de délégation de services publics ou d’affermage. Tout comme il a invité les élus à réfléchir à d’autres modes d’organisation et de financements, notamment en associant les privés (SPL, PPP, épargne locale..)

Dans la salle, un adjoint au maire en charges des finances a souhaité réagir : “En presque vingt ans passés en mairie, j’aurai entendu à peu près tout et son contraire sur la bonne manière de gérer un budget mais aussi sur la mauvaise manière. Pendant des années, l’Etat nous a incité à casser le monopole public et à déléguer les compétences en masse. Aujourd’hui, grosso modo, l’Etat se dessaisit de tout, constate la gabegie et nous demande de compenser, de juguler de mutualiser à tout va et de revoir nos modes de gestion de services publics. C’est comme pour les autoroutes quoi ! On décaisse, on décaisse, et puis un jour, on se rend compte que les caisses sont vides et qu’on ne peut plus suivre. Alors voila : un beau jour, le maire décide d’actionner l’impôt parce qu’il pense que l’administré pourra suivre. Mais ça, aujourd’hui, il sait bien qu’il ne peut plus le faire ! La seule chose qu’on a bien compris pendant la dernière campagne des municipales, c’est que les tirelires des administrés sont vides et plus que vides ! Et malgré ça, on continue d’espérer que le maire puisse trouver des solutions miracles. Alors OK, on nous dit : réduisez les coûts, mutualisez. Mais on fait quoi, ensemble, à l’arrivée? On continue de gaver les mêmes délégataires! Ce que l’on nous dit moins en revanche, c’est que tous ces délégataires qu’on engraisse pour l’eau, l’assainissement, les déchets, la propreté, les réseaux… crise financière ou pas, on ne leur demande jamais de réduire leurs coûts, sinon autrement que par des négociations qui durent des années et qui enquiquinent tout le monde ! D’accord pour raboter, mais à condition que tout le monde consente à faire des efforts. Pas seulement que le maire !”.


Appartenance intercommunale : bien identifier qui paie quoi

Depuis le 1er Janvier 2014, toutes les communes sont membres d’une communauté à fiscalité propre, dotée de compétences obligatoires. En moyenne, une commune est membre de 4 syndicats intercommunaux (SIVU, SIVOM, Syndicats mixtes). En début de mandat, il est indispensable de bien savoir qui fait quoi entre la commune et l’EPCI, qui paie quoi, quels sont les flux financiers entre les deux et surtout quel est le régime fiscal de la communauté (additionnelle ou professionnelle). Car c’est de ce régime que dépend le réel pouvoir fiscal de la commune membre.

Dans le cas de la fiscalité additionnelle, les communes lèvent 4 taxes et les EPCI 4 taxes.

Dans le cas de la FPU, la fiscalité professionnelle de toutes les communes membres est perçue par la communauté. Les communes lèvent les trois taxes. Leur groupement lève toute la CET en plus des 3 taxes additionnelles. Ce régime fiscal permet de supprimer à terme les écarts de taux existants, d’atténuer la concurrence entre les communes vis-à-vis de l’accueil des entreprises, de mutualiser les risques économiques (pertes de bases de ressources suite à une diminution d’activité, une fermeture d’entreprise, etc…), d’accompagner une politique économique intercommunale en unifiant le taux de la cotisation foncière et les différentes aides (exonérations, bâtiments, terrain-promotion, etc…) mais aussi d’atténuer les disparités de richesses fiscales en créant une dotation de solidarité (possible dans certains cas).

Si dans tous les cas, des règles de lien entre les taux limitent effectivement le pouvoir fiscal de la commune, avec la FPU, des reversements de produit fiscal à la commune sont possibles. Ils prennent la forme d’une compensation ou d’une dotation de solidarité communautaire.
L’attribution d’une compensation permet à la commune d’assurer la neutralité budgétaire du passage en FPU lors du transfert des compétences. Elle est calculée de manière égale pour chaque commune et correspond au produit de fiscalité perçu l’année précédent le passage en FPU déduction faite du coût net des charges transférées.

Quant à la dotation de solidarité communautaire, qui reste facultative pour les communautés de communes ou d’agglomération, elle est répartie en fonction, prioritairement, de la population et du potentiel fiscal par habitant, les autres critères étant fixés librement par le conseil communautaire.

Pour de plus amples informations :

Téléchargez la présentation powerpoint projetée lors de la réunion de formation au format.pdf
Téléchargez le document : Les différents régimes fiscaux des groupements de communes au format .pdf

Téléchargez le document : La dotation globale de fonctionnement au format .pdf