Pacte financier : le gouvernement ne fait des concessions qu’à la marge

La deuxième Conférence nationale des territoires, qui s’est tenue hier à Cahors en présence du Premier ministre et d’une large partie du gouvernement, a donné lieu à plusieurs annonces. Outre celles concernant la couverture numérique du territoire et un plan de revitalisation des c½urs de villes (lire article ci-dessous), les questions financières ont été évidemment abordées. Le gouvernement a certes confirmé les annonces d’Emmanuel Macron au congrès des maires : la « règle d’or » ne sera pas durcie pour les collectivités. Mais en dehors de cela, les projets du gouvernement en matière de finances restent globalement en l’état.
Le durcissement de la règle d’or prévoyait de mettre sous surveillance les collectivités dont le ratio d’endettement (rapport entre l’encours de la dette et la capacité d’autofinancement brute) dépassait treize années. Il constituait l’article 24 du projet de loi de programmation des finances publiques, avant d’être supprimé par le Sénat. Cette mesure était refusée en bloc par les associations d’élus. La résolution finale adoptée au Congrès des maires demandait sa « suppression » définitive : ce dispositif y était jugé « inutile » et « instaurant le rationnement de la dette au détriment des investissements publics locaux ».
Le gouvernement, sur ce terrain, a entendu les collectivités et s’est engagé à ce que l’article 24 soit supprimé du projet de loi de programmation des finances publiques. Ce texte, après l’échec de la commission mixte paritaire entre députés et sénateurs, doit repasser aujourd’hui en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. Le gouvernement va apporter ses amendements, qui ne sont pas publiés à l’heure où nous écrivons. Dans un rapport publié hier en fin de soirée, la commission des finances de l’Assemblée nationale confirme que, suite à la Conférence nationale des territoires, le gouvernement va proposer « une nouvelle rédaction de l’article 24 ».
Pour Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF et présent à la CNT au titre de président du CSFPT, c’est « la seule avancée réelle » annoncée hier. « Et encore, nuançait-il hier pour Maire infoOn ne peut pas dire qu’on a gagné quelque chose, c’est simplement un retour à ce qui existait avant… ».
Un autre article du projet de loi va être réécrit aujourd’hui : c’est l’article 10, qui traite de la maîtrise des dépenses de fonctionnement pour les collectivités – la barre étant fixée par le gouvernement à 1,2 % pour les collectivités prises dans leur ensemble, et à 1,1 % pour les communes et EPCI. Cet article fixe également le principe de la « contractualisation » entre l’État et les collectivités. Là encore, l’AMF dénonce depuis le début ce système, estimant que ces contrats sont « léonins » et « rétablissent de fait une tutelle sur les collectivités territoriales ».
Il va falloir attendre que soient rendus publics, aujourd’hui, les amendements gouvernementaux sur l’article 10, pour savoir précisément ce que seront ces contrats, mais plusieurs points sont sortis hier de la CNT. D’abord sur le périmètre des collectivités concernées par la contractualisation. Le gouvernement a retenu en partie la préconisation de la mission Bur-Richard, consistant à prendre en compte les collectivités en fonction de leur budget. Seraient concernées les collectivités ayant un budget supérieur à 60 millions d’euros – soit 340 collectivités et non 319 comme il était prévu au départ. Sur ce point, Philippe Laurent remarque qu’il n’a pas été clairement indiqué si ce chiffre de 60 millions inclut ou non les budgets annexes, « ce qui change tout ».
Le Premier ministre a précisé le dispositif envisagé, dans son discours de clôture : « Ce contrat fonctionnera autour de trois objectifs : maitrise des dépenses de fonctionnement (…), évolution du besoin de financement, trajectoire de désendettement ». Le niveau de maîtrise des dépenses serait « modulable à la hausse ou à la baisse » en fonction de trois critères (démographie, revenu par habitant, efforts déjà réalisés). Chacun de ces trois critères pourrait donner lieu à un bonus de 0,15 % de dépenses supplémentaires autorisées.
La contractualisation ne sera pas obligatoire. Mais pour inciter les collectivités concernées à contractualiser, le gouvernement a annoncé que la « reprise financière » qui sera opérée en 2019 pour celles qui n’ont pas tenu le seuil des 1,2 % ne sera pas la même, selon que la collectivité aura signé ou pas le contrat : les signataires ne subiraient une reprise (c’est-à-dire une diminution des versement sur le compte d’avance) « que » de 75% du montant du dépassement, tandis que les non-signataires seraient ponctionnées de 100 % du dépassement.
Voilà pour le bâton. Côté carotte, le gouvernement a annoncé hier que les collectivités vertueuses bénéficieraient d’une bonification sur l’attribution de la DSIL. Mais cette bonification se fera à enveloppe constante… autrement dit, ce sera autant de moins pour les autres collectivités.
Reste à attendre le texte qui sera présenté par le gouvernement aujourd’hui à l’Assemblée pour y voir plus clair dans un dispositif qui paraît extraordinairement compliqué.
Et reste également à savoir vraiment ce que le gouvernement prévoit… pour toutes les autres collectivités. Selon Philippe Laurent, le gouvernement a laissé entendre hier qu’aucune sanction n’était prévue pour les collectivités non concernées par les contrats en cas de dépassement des 1,2 % de hausse des dépenses de fonctionnement. Mais que faut-il comprendre de la petite phrase prononcée hier par le Premier ministre : « Pour les autres collectivités, elles seront seulement tenues par une obligation raisonnable de maîtrise de leurs dépenses. » Outre le caractère fort subjectif de l’adjectif « raisonnable », cette phrase contient les mots « tenues » et « obligation », ce qui laisse tout de même penser que des règles seront fixées. Et qu’arrivera-t-il à celles qui ne tiennent pas cette « obligation » ? Pour l’instant, pas de réponse.
En dehors de cela, beaucoup des questions qui fâchent n’ont tout simplement pas été abordée par les représentants du gouvernement : « Je remarque que la taxe d’habitation, plus personne n’en parle », souligne Philippe Laurent. Le Premier ministre a seulement annoncé le lancement, en janvier, d’une mission de réflexion sur la réforme de la fiscalité locale.
Rien non plus sur les emplois aidés ou la question de l’APL. Déception également pour ceux qui espéraient en savoir plus sur la future Agence de cohésion des territoires – le Premier ministre a simplement annoncé qu’il allait lancer une « mission de préfiguration ».
Une avancée notable en revanche : Édouard Philippe a annoncé qu’il devrait être possible, « dans certaines circonstances », de déroger au transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux EPCI jusqu’en 2026.
Agnès Le Brun, maire de Morlaix, qui représentait l’AMF à la CNT au titre d’observatrice, a dit la déception et « le goût amer » ressentis par les maires depuis la CNT de juillet et les nombreuses annonces défavorables aux communes. Si elle appelle à une réelle « réouverture du débat », elle résumait le sentiment de l’association, dans la presse, hier : « Nous voulons la concertation parce que la conférence des territoires ne peut pas être l’exposé de ce que veut le gouvernement ; ne peut pas être un exercice de communication dont les maires seraient les figurants ; ne peut pas être une chambre d’enregistrement des décisions d’une part et du constat des désaccords d’autre part.» Et d’ajouter : « Quelles que soient les propositions que nous faisons, c’est à la marge que l’on est entendu. »
De son côté, l’association France urbaine semble plutôt satisfaite des annonces faites hier et estime avoir été entendue. Son président, Jean-Luc Moudenc, demande néanmoins la mise en place d’un « comité de pilotage du dispositif de contractualisation ». L’ADCF a, pour sa part, appelé ses adhérents concernés à signer les contrats de partenariats avec l’État.

Franck Lemarc


© sources : AMF France (www.amf.asso.fr) – 15/12/2017

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