Planification écologique : comment va se passer la territorialisation ?

Une circulaire de la Première ministre fixe les modalités de la déclinaison territoriale de la planification écologique. Le programme est chargé avec des COP régionales à organiser dès à présent. D’ici l’été 2024, elles ont pour tâche de fournir des feuilles de route à l’horizon 2030. Leurs objectifs devront se traduire en projets concrets à l’échelle des bassins de vie via de nouveaux CRTE, rebaptisés « contrats de réussite pour la transition écologique », qui auront un rôle central pour devenir « la fabrique à projets des territoires ». Elisabeth Borne reconnaît que la planification écologique « ne réussira que si elle associe étroitement tous les niveaux de collectivités ».

Le 25 septembre, à l’issue du conseil de planification écologique, Emmanuel Macron a dressé les grandes lignes de ce vaste chantier. Avec pour finalité une trajectoire précise de réduction de notre empreinte écologique avec des objectifs par secteur à atteindre d’ici 2030. Elle doit relever cinq défis majeurs : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’adaptation au changement climatique, la préservation de la biodiversité, la gestion durable des ressources et la réduction des pollutions. Le président de la République en a profité pour appeler les collectivités à mener cette planification écologique dans leurs territoires. Quelques jours plus tard, la Première ministre, Élisabeth Borne, a été plus précise en demandant aux préfets de région et de département d’organiser les modalités de la déclinaison territoriale de la planification écologique, dans une circulaire datée le 29 septembre et mise en ligne sur le site de l’ANCT (1).

« Associer étroitement les territoires »

Affirmant la transition écologique comme « une priorité absolue », elle reconnaît que la planification ne réussira que « si elle associe étroitement les territoires et tous les niveaux de collectivités » car « une partie des leviers (…) relève de leurs champs de compétences ». Autre constat fait par la cheffe du gouvernement : nombre de collectivités, « rouages essentiels de la transition écologique », se sont engagées de longue date. Et de rappeler les différents outils de planification déjà mobilisés par les élus : Agenda 21, Plan climat-air-énergie territorial (PCAET), éco-quartiers, programme Territoire engagé transition écologique… En pratique, la planification territoriale consiste à lancer des conférences des parties (COP) régionales et, à l’échelle infrarégionale, de mobiliser la nouvelle génération de CRTE, rebaptisés « contrats de réussite pour la transition écologique ». Ceux-ci et l’échelle du bassin de vie auront un rôle central.

COP régionales

Pour les COP régionales, les délais sont très courts. En effet, elles devraient être organisées dès ce mois d’octobre ! Avec un diagnostic partagé du territoire établi avant la fin décembre. Objectif : « mesurer le chemin déjà parcouru par les actions portées par les collectivités » et ce qu’il reste à faire pour « atteindre les objectifs de chaque région », précise la circulaire. Phase suivante : conduire un débat pour s’approprier le diagnostic, identifier les efforts à fournir pour atteindre les objectifs régionaux et définir les projets à lancer. Dans la foulée, il s’agira de partager à l’échelle infra régionale (départements et périmètres des CRTE) la déclinaison des actions à mener.

Pas d’« objectifs contraignants »

Avec ce programme au pas de charge, les COP régionales aboutiront, d’ici à l’été 2024, à des feuilles de route régionales fixées à l’horizon 2030. Ces plans d’actions devront être alignés avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de préservation de la biodiversité au niveau national. Autre finalité : intégrer « de manière cohérente » tous les volets de la planification écologique, et notamment ceux déjà engagés : plan Eau, rénovation énergétique des écoles, révision des documents stratégiques de façade, identification des zones d’accélération de production d’énergies renouvelables… La Première ministre précise qu’elle n’a pas fait le choix de fixer des « objectifs contraignants pour chaque strate du territoire ». Tout en appelant à mettre en place « un dispositif de déclinaison partagée de la planification écologique qui garantisse l’atteinte effective des objectifs au niveau national ». La COP est coanimée par le préfet de région et le président de région, avec une mobilisation des services et agences de l’Etat. Y sont associés les départements, EPCI et groupements porteurs des CRTE (Pays, PETR, PNR), associations départementales des maires… Elisabeth Borne encourage aussi, dans certains cas, à organiser des COP au niveau départemental, et à associer les acteurs du monde économique et de la société civile.

Nouvelle génération de CRTE

Les objectifs définis lors des COP régionales devront ensuite se traduire à l’échelle des territoires de CRTE en « projets concrets » en identifiant les moyens nécessaires pour les mener. A l’échelle de chaque bassin de vie, les CRTE deviendront « le cadre privilégié d’accompagnement de mise en oeuvre de la stratégie retenue au niveau régional et de l’EPCI ». Autrement dit, l’outil de déclinaison « au niveau le plus fin » de la planification écologique dans un cadre pluriannuel d’engagement de l’Etat « projet par projet ». Les CRTE seront le cadre coordonné des politiques publiques pour accompagner la stratégie retenue au niveau régional et du bassin de vie par les collectivités – élus communaux et intercommunaux. L’ensemble des politiques publiques sont concernées, comme par exemple le plan de rénovation énergétique des écoles ou les stratégies de préservation de la biodiversité.

Une gouvernance renforcée

Se voulant « l’espace privilégié de dialogue entre l’État et les collectivités », les CRTE sont définis comme une « fabrique à projets des territoires pour parvenir aux objectifs de planification écologique collectivement choisis lors de la COP territoriale ». Leur gouvernance sera renforcée. Un binôme associera le sous-préfet et un cadre de la DDT (direction départementale des territoires) par CRTE pour être le point d’entrée unique de l’arrondissement pour les porteurs de projets, « en lien étroit avec l’intercommunalité ». Il mobilisera et animera les services déconcentrés pour articuler leur contribution au CRTE.

Si la démarche, relativement descendante et menée selon un calendrier resserré, doit permettre de maximiser l’action des communes et de leurs intercommunalités en faveur de la transition écologique, l’AMF sera néanmoins attentive au respect des compétences de chaque collectivité ainsi qu’à la nécessaire visibilité de leurs moyens.

Accompagnement de l’Etat

Par ailleurs, les sites du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et de l’ANCT mettent à la disposition des collectivités différents outils, une méthode type d’animation des CRTE, l’ingénierie disponible à l’échelle des département, des ressources pédagogiques comme « la boussole de la planification écologique »… En complément de la circulaire de la Première ministre, il est aussi proposé un guide pour l’organisation d’une COP territoriale (2). Au menu : le pilotage, l’articulation entre les différents exercices de déclinaison régionale, les modalités d’organisation et d’animation, les ressources disponibles et mobilisables par le préfet… Enfin, les territoires ultramarins, fortement impactés par les conséquences du changement climatique, vont recevoir une instruction dédiée à leurs spécificités et priorités.

Philippe Pottiée-Sperry

 

(1) Circulaire de la Première ministre du 29 septembre 2023 :

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/circulaire%20n°%206420-SG%20du%2029%20septembre%202023%20-%20territorialisation%20planification%20écologique.pdf

(2) Guide pour l’organisation des COP territoriales : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/RIM%20Territorialisation_Guide.pdf


© sources :  amf.asso.fr – Réf : BW41918 / Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l’AMF / 20 Oct 2023