Discours de clôture de M. Jean Pierre Véran à la tribune de l’AG 2019 de l’AMF83

AMF83-AG2019--VERAN-min

Mes chers collègues,

Cette assemblée générale est la dernière de la mandature 2014-2020. Je voudrais vous remercier du travail important accompli dans vos communes et de la confiance que vous m’avez témoignée depuis maintenant douze années. Les problèmes devant lesquels nous sommes confrontés sont de plus en plus complexes, c’est grâce à notre solidarité dans ce département que nous pouvons avancer et je peux dire : nous avançons. Mais il est temps que le législateur et je lance un appel aux parlementaires de ne plus légiférer des lois qui deviennent insupportables. Cette loi NOTRE dont il faudrait se débarrasser et la loi ELAN également. Peut-être aurons-nous plus de chance avec la dernière mouture en préparation « engagement et proximité » mais j’émets beaucoup de réserves. Malheureusement ils ne sont pas tous là aujourd’hui mais nous n’avons pas pu faire autrement que de choisir cette date par rapport à la disponibilité de cette belle structure le Palais Neptune mise à disposition gracieusement par le président Falco. Le président Baroin, qui se faisait un plaisir de venir, préside le Comité Directeur de l’AMF. Il m’a chargé de vous transmettre toute son amitié. Je ne voudrais pas être trop long mais je classerai mes propos en quatre thèmes. Le premier qui m’est et nous est très cher c’est la compétence eau et assainissement qui doit être normalement transférée aux communautés d’agglomération au 1er janvier 2020. Or le président de la République lors du débat national à GREOUX LES BAINS nous avait assuré à mon collègue André GUIOL et moi-même que la question serait revue et qu’il prenait en compte notre requête. Nenni, nous avons reçu en réponse un courrier de Monsieur le Ministre LECORNU, sans toucher la loi NOTRE qui ne doit pas être touchée, qui d’après lui, proposerait un conventionnement entre la communauté d’agglomération et les communes membres souhaitant conserver la gestion de l’eau et de l’assainissement, cette faculté de délégation par convention étant soumise à la condition que la commune ait adopté un plan des investissements qu’elle entend réaliser avec engagement de respecter un cahier des charges fixant des objectifs de qualité du service rendu et de pérennité des infrastructures. Pourquoi faire compliquer alors que conserver cette gestion qui aujourd’hui nous satisfait et satisfait nos concitoyens posera de nombreuses questions sur l’étendue de la délégation quant à son organisation financière, qui fixera le prix de l’eau, l’organisation des services, la soumission aux règles de la commande publique etc… et j’ajouterai certainement un coût supplémentaire pour nos administrés car toutes ses transformations n’entraînent jamais des baisses.

Faisant parti du Bureau National de l’AMF, je vous confirme que le Président BAROIN continue de se battre pour obtenir le report de cette obligation de transfert mais je reste sceptique. L’AMF prône en effet une approche plus simple visant à rendre le transfert des compétences eau et assainissement optionnel dans les communautés de communes et d’agglomération. Pour l’AMF le transfert de la compétence eaux pluviales urbaines aux communautés d’agglomération doit également rester facultatif. Voilà la situation a à peine deux mois et demi du 1er janvier 2020, rien n’est gagné et comme je l’avais dit l’année dernière les grands rédacteurs de textes devraient écouter les maires. Deuxième sujet, le premier ministre l’a annoncé en juin 2019, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales. Je me souviens jeune étudiant qu’un professeur de droit fiscal nous disait que lorsqu’on supprime un impôt il faut le remplacer par un autre impôt. Depuis l’annonce de suppression de cette taxe, nous constatons que l’on navigue sans boussole, un jour on nous dit suppression pour tous en 2020, puis 2021, puis 2022, puis 2023.

L’idée de la suppression de la taxe d’habitation est une mauvaise idée. Mauvaise pour les finances locales et les finances publiques en général, y compris pour l’Etat qui perd 20 milliards de ressources, mauvaise pour la décentralisation et la responsabilisation des élus locaux, mauvaise pour les propriétaires immobiliers (y compris les plus modestes) qui risquent de subir des hausses de taxe foncière le jour, inévitable, où la compensation annoncée ne sera plus intégrale, mauvaise pour les citoyens qui ne seront plus assujettis à cette taxe car le gain financier qu’ils réaliseront risque de ne pas être à la hauteur de la diminution du niveau de services publics qui pourrait en être la conséquence, d’autant plus que les inventeurs de cette belle suppression seront parvenus à faire encore progresser leur fantasme, qui date de loin, de la suppression totale des impôts locaux et de leur remplacement par des dotations qui permettent de tenir solidement en laisse les élus locaux. Alors mes chers collègues, cette disposition sera difficile à avaler car il y aura des perdants et les premiers seront les propriétaires car dans nos communes nous ne disposerons plus que de la recette du foncier et seuls les propriétaires supporteront les charges communales, ce qui créera une grande disparité entre les imposables et les non imposables qui pourtant bénéficieront des mêmes services publics. Danger par conséquent pour l’application à venir de la disparition de la taxe d’habitation et cela conforte mes propos car pas plus tard que mardi 1er octobre, l’AMF, l’Association des Maires Ruraux de France, l’Association des Petites Villes de France, Villes de France et France Urbaine ont publié un communiqué de presse pour s’opposer à une nouvelle réduction de leurs ressources. Elles constatent que la réforme visant à supprimer la taxe d’habitation qui devait être neutre pour les communes pourrait en réalité leur coûter quelques 250 millions d’euros par an. En suspendant la revalorisation des bases de taxe d’habitation le gouvernement va amputer sans aucune légitimité les ressources des budgets locaux ; c’est un coup dur pour nous élus et nous demandons, en respect de l’engagement de la compensation à l’euro près, un calcul qui tienne compte de l’évolution des valeurs locatives.

Deuxième communiqué de presse de l’AMF du 4 octobre dernier qui dénonce de nouveaux prélèvements sur les ressources des services publics locaux. En effet, le projet de loi de finances 2020 prévoit d’annuler en 2020 les effets des augmentations de taux décidés par les communes et EPCI en 2018 et 2019 et prive les conseils municipaux et communautaires de la possibilité de délibérer en 2020 pour fixer les taux de taxe d’habitation mais aussi de GEMAPI et de taxe d’habitation sur les logements vacants. Pour la taxe d’habitation sur les locaux vacants, ce gel des effets des délibérations perdure même jusqu’en 2023.

Une perte de 160 millions d’euros pour les collectivités. Concernant les dotations mises en place pour compenser la suppression de ressources locales antérieures, le projet de loi de finance prévoit une nouvelle réduction des ressources de 120 M€.
A cela s’ajoute la non indexation de ces dotations sur l’inflation (1,2 % par an) ainsi que la non prise en compte de l’augmentation de la population (0,3 % par an), soit une perte sèche de 600 millions d’euros par an sur la seule DGF.

Aussi l’AMF demande la modification du projet de loi de finances 2020 mais surtout un moratoire sur la réduction des ressources locales car elle conduit à une nouvelle réduction de l’offre de services, aux reports des dépenses d’entretien et de renouvellement des équipements publics indispensables à la population et à la baisse de l’investissement public porté à plus de 70 % par les collectivités locales.

Alors mes chers collègues je persiste et je signe : le jeune étudiant que j’étais il y a maintenant plus de 55 ans a toujours suivi les conseils de son professeur de droit en fiscalité qui disait que lorsqu’on supprime un impôt il faut le remplacer par un autre impôt. Quelle mascarade depuis maintenant plusieurs mois et je dirai pourquoi changer ce qui fonctionne. On n’est pas sorti de l’auberge mais du courage mes chers collègues, nous en avons besoin, mais jusqu’à quand. Le troisième point est aussi critique. Il s’agit de la loi SRU et des différentes lois qui ont suivies et aujourd’hui la loi ELAN qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants l’obligation d’un quota de 25 % de logements sociaux ou conventionnés. Cela paraît totalement illusoire dans notre département compte tenu du travail accompli par les élus concernés qui confrontés à la cherté du foncier, aux contraintes administratives et problèmes environnementaux malgré leurs efforts n’arrivent pas au but imposé d’une part et regrettent de ne pouvoir être maître de l’attribution des logements sur leur territoire d’autre part. Certaines qui malheureusement ne remplissent pas les conditions sont assujetties à des pénalités exorbitantes qui représentent autant d’investissements qu’elles n’ont pu faire au titre des infrastructures (routes, écoles, etc…). Je pense que le législateur devra revenir à des contraintes moins fortes. Personnellement en qualité de président de la commission habitat de la Communauté d’Agglomération Provence Verte, j’ai suggéré que les communes soumises ou non participent à la construction de logements sociaux afin de créer un véritable équilibre territorial plutôt que des concentrations qui posent ensuite des problèmes de mieux vivre ensemble. J’ajouterai cependant que certaines communes dans le département ont obtenu une exemption et je tenais à la souligner.

Dernier point : le statut de l’élu.
Nous l’attendons depuis maintenant près de trente ans. Ce que je constate depuis un certain temps c’est que le Président de la République et le Premier Ministre ont pris conscience que les maires sont des piliers de la République et qu’il faut les écouter. Rappelez-vous le message que j’ai adressé à Madame Jacqueline GOURAULT lors de l’assemblée générale des maires en 2019 : il faut, Madame la Ministre, écouter les maires. Alors aujourd’hui on entend beaucoup de déclarations sur les chaînes de télévision, à la radio, dans les discours et les déplacements des plus hautes autorités de l’Etat et nous attendons depuis 1989 pour ma part, j’ai été élu à cette date et le compte est bon, cela fait bien 30 ans. Le statut de l’élu me paraît être une chose essentielle aujourd’hui. Sur le plan des indemnités, il n’est pas concevable qu’un maire d’une commune de moins de 500 habitants perçoive 661 € brut d’indemnité, il n’est pas tolérable qu’il n’y ait pas un salaire minimum comme le SMIC, d’autant plus que dans les petites communes le maire n’a pas de services étoffés et est amené à accomplir de nombreuses tâches.

Les maires sont victimes d’attaques verbales ou physiques dans l’exercice de leurs fonctions et dans notre département nous avons eu la pire des violences puisque nous avons perdu notre ami Jean-Mathieu MICHEL, victime de malfrats déversant illégalement des gravats de chantier. Notre collègue que nous aimions tous pour sa verve, sa passion, sa bonhomie, sa fidélité et sa joie de vivre a été mortellement renversé par le conducteur d’une camionnette, à qui il venait de reprocher d’avoir déposé des gravas dans un lieu inapproprié, c’était le 5 août dernier et ce décès a provoqué l’indignation nationale. Je vous remercie de votre présence, de votre mobilisation pour la mise en berne des drapeaux et pour avoir fait preuve auprès de tous les élus de la commune de SIGNES, de son épouse et de ses enfants, d’une grande solidarité. Merci Jeannot pour tout ce que tu as fait pour ta commune, pour le Var que tu aimais tant et en particulier le RCT qui t’était si cher, sans oublier les joyeuses agapes que tu nous as fait partager. Je n’oublierai pas ta joie de nous accueillir en 2008 lors de la première assemblée générale des maires que j’ai tenu dans ta belle commune de SIGNES.

Nous souhaitons que la loi « engagement et proximité » aboutisse rapidement et qu’elle contienne une série de mesures pour accompagner les maires dans leurs fonctions et leur redonner du pouvoir.

Mes chers collègues, je vous exprime à nouveau tout le plaisir que j’ai eu pendant cette mandature de présider cette association. Je voudrais remercier mes collègues membres du conseil d’administration pour l’aide apportée en particulier mon premier vice-président Bernard CHILINI qui m’a bien secondé après mon accident qui m’a contraint à l’immobilisation et surtout mes collaboratrices Evelyne CASILE et Laurence CONTESTI pour la préparation de cette journée. Enfin qu’il me soit autorisé de remercier nos partenaires, le Département, la Région pour l’aide apportée aux communes et intercommunalités pour réaliser de nombreux équipements sans oublier Monsieur le Préfet, l’Etat et ses services avec ses dotations qui même si elles sont moindres nous aident à concrétiser nos projets. Pour conclure mon propos, je souhaite à celles et ceux qui se représenteront d’être réélus car je suis certain qu’ils auront la reconnaissance de leurs administrés pour le travail accompli et une bonne retraite pour ceux qui ne se représenteront pas. Je ferai miens les propos tenus par le Président Jacques CHIRAC : “les prévisions sont difficiles surtout lorsqu’elles concernent l’avenir” .

Alors mes chers collègues j’espère que le mandat prochain sera plein d’avenir pour les maires.

Bonne continuation et bon vent à tous.

Jean-Pierre VERAN
Président de l’AMF83,
Maire de Cotignac,
Conseiller Départemental.


© sources : AMF83 (www.amf83.fr) – 12/11/2019

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