Dans un rapport sur la sous-utilisation chronique des fonds européens (1) en France, publié mardi et pour lequel l’AMF a fait une contribution écrite, les sénateurs observent que « les collectivités territoriales de petite taille dont les ressources administratives sont limitées » connaissent davantage de difficultés à accéder à ces fonds. Ils estiment également que la France connaît des difficultés à consommer les fonds du programme Leader, qui soutient des projets de développement rural, et ceux du Feamp, au bénéfice de la pêche. En revanche, ils jugent que l’essentiel des 27,8 milliards d’euros de fonds structurels européens alloués à la France seront consommés à l’horizon 2023, selon la règle « n+3 » en vigueur à Bruxelles..
« Il n’y a pas réellement de sous-consommation »
En effet, selon la rapporteure de la mission d’information et sénatrice de la Seine-et-Marne, Colette Mélot, « il n’y a pas réellement de sous-consommation car la France est dans la moyenne des pays membres de l’Union européenne » avec actuellement « 61 % de programmation des fonds ».
Cette conclusion peut paraître « surprenante », reconnaissent les auteurs du rapport, « eu égard au ressenti négatif exprimé dans les territoires », mais leur analyse leur « permet de penser raisonnablement que notre pays sera en mesure d’avoir utilisé la quasi-totalité de ses fonds européens d’ici à la fin effective de la programmation en cours », en 2023. Le taux de consommation de ceux-ci s’était bien « établi à 99 % pour la France » lors de la précédente programmation, rappellent-ils.
Difficultés autour du programme Leader et du Feamp
Cette constatation faite, les sénateurs n’éludent pas « la grande difficulté des porteurs de projets à bénéficier des fonds européens » et insistent sur le fait qu’il serait « erroné de prétendre que ces difficultés » soient « mineures », pointant notamment le « peu de lisibilité » du dispositif français.
En conséquence, ils observent « une inégalité de consommation selon la nature des fonds européens » avec des « difficultés » évidentes mais « circonscrites » au programme Leader, qui soutient des projets de développement rural, (avec un taux de paiement d’à peine 5 % fin 2018) et au Feamp, qui bénéficie à la pêche (avec un taux de paiement de 17 %). Des anomalies que l’on ne retrouve pas en analysant le Feder, le fonds européen de développement régional, ou le FSE, le fonds social européen, pour lesquels « la consommation est tout à fait dans la norme ».
« Ces difficultés résultent de différents facteurs : adoption tardive de la réglementation européenne, empilement de normes européennes, nationales et régionales, transfert de compétence précipité dans un contexte de fusion des régions, manque de ressources humaines, problèmes informatiques, enchevêtrement de compétences entre les régions et l’État, prise en compte insuffisante de l’échelon infrarégional, contrôles multiples et redondants, etc. », précisent les auteurs du rapport.
Faute d’ingénierie, « les petites collectivités sont souvent évincées »
« Plus qu’un problème de sous-consommation chronique, ce sont plutôt des difficultés chroniques dans le montage de projets » qui ont été observées par Laurence Harribey, présidente de la mission d’information et sénatrice de la Gironde. En premier lieu pour les collectivités de petite taille qui font état d’un « manque criant d’ingénierie au plan local », notamment en raison du nombre réduit d’agents formés à l’accompagnement des porteurs de projets, et par la suite, à l’instruction des dossiers.
Ce qu’explique Bernard Delcros, sénateur du Cantal : « Les fonds européens sont difficiles à consommer et sont souvent captés par les grosses collectivités ou les grandes entreprises qui disposent de l’ingénierie nécessaire. À l’inverse, les petites collectivités, les commerçants, les artisans sont souvent évincés, faute d’ingénierie. Or, on a besoin de cette ingénierie de proximité et il faut donner les moyens ad hoc aux petites intercommunalités, rurales notamment. »
Pour dépasser ces difficultés lors de la prochaine programmation, les auteurs du rapport formulent 13 propositions visant à « confirmer la décentralisation des fonds européens en clarifiant les compétences respectives de l’État et des régions » mais aussi à « simplifier des procédures de demandes de financement européen ». Afin de développer une réelle ingénierie des fonds européens au niveau local, ils préconisent notamment « d’encourager la formation et la mutualisation de l’expertise entre différentes collectivités, faire de l’intercommunalité ou du département un véritable guichet de soutien pour les porteurs de projets, et inciter les autorités de gestion à désigner une personne référente unique pour le suivi de l’instruction des dossiers ».
Pour rappel, il y a deux semaines, l’AMF avait envoyé au nouveau Parlement européen ses propositions « Pour une Europe plus proche de ses citoyens, partenaire de la démocratie locale ». Elle y demandait notamment que les élus locaux soient davantage associés aux décisions qui les concernent ainsi qu’« une simplification des règles pour l’accès et l’instruction des projets européens » et « le maintien des trois catégories de régions afin de permettre une plus juste répartition des fonds structurels », rappelant également que les fonds du programme Leader sont « un élément fondamental pour le développement des communes » (lire Maire info du 16 septembre).
A.W.
© sources : Maire Info (www.maire-info.com) – 203/10/2019