Depuis le 16 mars, veille du début partout en France du confinement général (lire Maire info du 17 mars), les crèches, comme l’ensemble des établissements scolaires – de l’école élémentaire à l’université – ne reçoivent plus chaque matin les 13 millions d’élèves qui les fréquentent habituellement (lire Maire info du même jour). Toutes, n’ont, pour autant, pas complètement fermé au public. Les enfants de personnels dits « prioritaires »* – car en première ligne pour endiguer l’épidémie de covid-19 – sont accueillis dans certains établissements afin que ces derniers puissent sauver des vies.
Pour « faciliter » l’accueil des plus petits d’entre eux, les 0-3 ans, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a annoncé, lundi, que l’accueil des enfants de ces personnels de santé serait désormais « gratuit » en crèche. Les Caisses d’allocation familiales (Caf), via la prestation de service unique (PSU), prendront ainsi directement en charge le coût de la garde pour les familles.
Un mode de garde peu privilégié pour l’instant
Jointe par Maire info, Elisabeth Laithier, adjointe au maire de Nancy (Meurthe-et-Moselle) et co-présidente du groupe de travail Petite enfance à l’AMF « ne peut que (se) réjouir » de cette annonce. Sans laquelle ces personnels prioritaires auraient été condamnés à « la double peine : continuer à travailler au contact de patients gravement atteints du covid-19 et confier, dans le même temps, leurs enfants à des structures qu’ils devraient payer ».
Mais s’il a le mérite d’exister, ce mode de garde n’est, pour l’heure, pas privilégié par les parents. À Nancy, où la gratuité pour les enfants de soignants inscrits en crèche est la règle depuis le 17 mars, 13 enfants seulement sont accueillis dans la crèche municipale ouverte à cet effet. « Ils sont une trentaine à Bordeaux (Gironde), une petite centaine à Lyon (Rhône) », recense Élisabeth Laithier. Qui observe : « Les parents essaient, pour le moment, de trouver des modes de garde n’impliquant ni de déplacements ni de contacts entre les enfants ». Des enfants qui, rappelons-le, doivent être séparés par groupe de dix au maximum pour réduire les risques de transmission du virus, selon les consignes sanitaires du ministère des Solidarités et de la Santé.
Sur le terrain, la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC) fait le même constat : « L’accueil familial est clairement privilégié. Très rapidement, on s’est rendu compte que les villes parviendraient à répondre aux demandes des familles avec un ou deux établissements », assure Damien Tondelli, son président, à Maire info. Sur les 20 établissements privés réquisitionnés – comme les structures d’accueil dans les hôpitaux par exemple -, certains n’accueillent qu’un ou deux enfants.
« Nous sommes prêts à ouvrir une autre crèche »
L’afflux d’enfants dans ces crèches pourrait intervenir dans un second temps (le conseil scientifique a préconisé hier un confinement de six semaines), une fois les premières solutions des parents épuisées. « Si la demande est là, nous sommes prêts à ouvrir une autre crèche et à mobiliser du personnel », garantit Élisabeth Laithier. Pour l’heure à Nancy, seule une dizaine d’agents, qui se relaient selon la logique deux jours ouvrés travaillés, deux jours de repos, sont mobilisés, alors qu’une cinquantaine sont disponibles.
En pratique, les places disponibles dans les établissements, renseignées par les crèches et les assistants maternels sur le site monenfant.fr depuis le 20 mars, « seront transmises à la préfecture et à la Caf de leur département », qui se chargeront de la mise en relation « avec les familles ayant formulé une demande de mode d’accueil ». Les personnels prioritaires pourront également « transmettre leurs besoins de garde pour leurs enfants jusqu’à 16 ans ».
Ces décisions de la Cnaf font suite à l’annonce par cette dernière de l’octroi d’une aide de 27 euros par place fermée et par jour pour les crèches publiques et de 17 euros pour les structures privées ou associatives (lire Maire info du 19 mars). Une différence de traitement mal vécue par la FFEC. Dans un communiqué, publié le 17 mars, celle-ci s’étonnait « du montant annoncé de 17 euros d’aide alors que 28 euros de subvention PSU étaient budgétés » et appelait, en conséquence, « les pouvoirs publics à revoir rapidement le dispositif », en accordant aux entreprises de crèches une aide d’un montant équivalent à celui octroyé aux crèches municipales.
Vers une « destruction » de places en crèches en septembre ?
Hier encore, Damien Tondelli assurait à Maire info que les paramètres retenus dans ce mode de calcul sont « erronés ». « Ils ne prennent pas en compte, par exemple, l’amplitude horaire de nos établissements (11 heures en moyenne) et par conséquent le nombre de collaborateurs que cela implique. On subit une réelle perte et ce qui nous révolte, c’est que la Cnaf cherche à faire des économies ». Il déplore, en outre, que « les micro-crèches (dix enfants maximum) ne bénéficient pas de cette aide de 17 euros par place et par jour (les crèches associatives non plus, ndlr) » et appelle la Cnaf à revenir sur sa décision.
« Nous portons un regard vigilant sur la situation », reconnaît Élisabeth Laithier, pour qui « l’important est que toutes les structures, publiques, privées ou associatives, puissent être pérennisées et que de nouvelles places en crèche soient créées après cette crise, dans le respect des conventions d’objectifs et de gestion (Cog) ».
C’est bien là tout l’enjeu. Et Damien Tondelli de prévenir : à la rentrée prochaine, « la destruction de places en crèches » est possible avec le « risque de faillite de petits acteurs » ou la disparition de crèches dans certaines entreprises. Il invite ainsi les collectivités, dont les crèches sont gérées par délégation de service public (DSP), à « participer au montant de la place en crèche qui aujourd’hui n’est pas occupée ».
Dans la petite enfance, les structures collectives (publiques, privées, associatives) représentent 17 % des modes de garde, loin derrière les assistants maternels (33 %) et la garde par des proches de la famille (50 %).
Ludovic Galtier
*Sont considérés comme « prioritaires », « tout personnel travaillant en établissements de santé publics/privés : hôpitaux, cliniques, centres de santé » ; « tout personnel travaillant en établissements médico-sociaux pour personnes âgées et personnes handicapées : maisons de retraite, EHPAD » ; « les professionnels de santé et médico-sociaux de ville : médecins, infirmiers, pharmaciens, sages-femmes, aides-soignants, transporteurs sanitaires, biologistes, auxiliaires de vie pour personnes âgées et handicapées » ; « les personnels chargés de la gestion de l’épidémie des agences régionales de santé (ARS) des préfectures et ceux affectés à l’équipe nationale de gestion de la crise ».
© sources : AMF France (www.amf.asso.fr) – BW39990 – 25/03/2020