LDM : Les maires du Var ont toujours cultivé des liens réguliers et privilégiés avec la chambre d’agriculture, dont ils partagent les exigences et les préoccupations au quotidien.
Alain BACCINO : L’agriculture varoise, c’est 14% de la population active et 690 millions d’euros de chiffres d’affaires. C’est donc un secteur porteur, qui a fabriqué sa renommée européenne et mondiale sur la qualité de ses produits et grâce à l’exigence de ses producteurs. C’est une partie de notre identité qui ne nous a jamais quittée, et qu’il convient de préserver. Non pas pour la cacher et la cultiver dans notre coin, mais plutôt pour en faire découvrir toutes les richesses, toutes les saveurs… Nous voulons agir pour valoriser nos terroirs, pour pereniser nos exploitations, parce que nous pensons qu’il n’y a pas de préservation sans promotion. En tant que porte-parole, légitime car élu, du monde agricole et rural, la Chambre d’Agriculture du Var émet chaque année des avis et des voeux auprès des pouvoirs publics, et rédigent des délibérations et des propositions en matière agricole. Nous restons particulièrement vigilants sur les questions d’actualités professionnelles, économiques, sociales, techniques, ou encore sur les orientations stratégiques ayant des conséquences sur les hommes et l’espace rural, ou bien sur les textes législatifs ou réglementaires…
LDM : vous pensez à la fabrication de vin rosé par coupage de vin blanc et de vin rouge ?
Alain BACCINO : Oui, je me réjouis de la décision de la Commission européenne de ne pas autoriser la fabrication de vin rosé par coupage. Je remercie particulièrement, pour leurs mobilisations et interventions décisives, M. le Ministre et Maire de Toulon Hubert Falco, Madame Josette Pons, Députée du Var et Vice Présidente du Conseil Général pour son intervention à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, Madame le Sénateur Maire de la Valette Christiane Hummel pour son appui au Sénat, M. Véran, président de l’Association des maires ainsi que tous les maires qui ont relayé la motion contre le coupage. Je félicite également l’ensemble de la profession viticole varoise qui s’est unie au sein du collectif « Couper n’est pas rosé » dont l’action et la détermination ont été des facteurs déterminants de l’abandon de cette réforme.
LDM : Les réformes, les projets structurants, le jeu des nouvelles gouvernances territoriales bouleversent les états d’esprits, les habitudes, les pratiques. On imagine facilement que les agriculteurs puissent être éprouvés par tous ces changements.
Alain BACCINO : Bien sûr, et c’est pour cela que nous essayons de nous positionner le plus en amont possible. A la chambre, notre rôle consiste à apporter à chaque agriculteur les informations, les références et les conseils dont il a besoin pour s’adapter à la nouvelle donne technique, réglementaire, économique, sociale et environnementale. Mais nous faisons également valoir nos projets de développement auprès des collectivités territoriales pour valoriser les atouts de leur territoire, développer des partenariats avec les intercommunalités en vue de maîtriser la pression foncière sur la surface agricole et d’organiser et développer les espaces fonciers et agricoles à l’intérieur de chaque territoire.
LDM : C’était déjà le cas de vos prédecesseurs, non?
Alain BACCINO : Effectivement. Mais aujourd’hui, nous abordons ces questions sur un angle volontairement plus offensif. Je revendique d’ailleurs ce terme. Pendant longtemps, et pas seulement dans le var d’ailleurs, le discours dominant était volontairement défensif. Avant, c’était : « touche pas à mon terrain ». Aujourd’hui, c’est plutôt: « nous avons un projet, voilà ce que nous proposons, voilà nos objectifs, voilà les moyens qu’on peut mettre sur la table ». Nous ne voulons pas être considérés comme des censeurs ou des empécheurs de projets, ou à défaut, comme de simples médiateurs. Nous voulons vraiment être des acteurs au service de nos ressortissants, et faire valoir notre force de proposition. Par exemple, nous souhaitons accompagner la multifonctionnalité de l’agriculture en favorisant la diversification et en développant des opérations de type tourisme et accueil social, marchés de proximité, énergies renouvelables, intégration paysagère… Nous avons beaucoup d’arguments, et nous voulons les faire entendre ! Alors bien entendu, pour tous ces sujets, le partenariat avec les maires est précieux.
LDM : Vous venez de publier une feuille de route à l’horizon 2013. Elle est particulièrement ambitieuse.
Alain BACCINO : C’est d’abord et surtout un document réaliste ! Depuis deux ans, nous nous employons à remettre l’agriculture et les agriculteurs sur le devant de la scène, en plaidant en faveur d’une agriculture rentable, solidaire et citoyenne inscrite dans tous les territoires.
Pour garantir la rentabilité de toutes les filières, nous souhaitons favoriser un développement économique serein et maîtrisé de chaque exploitation agricole. Pour cela, la Chambre va renforce le développement et la structuration des filières autour de projets structurants, ambitieux et innovants, et autour de pôles d’excellence alliant recherche, technique, commercialisation et production. Nous soutenons les démarches de groupements de commercialisation et de production. Nous pilotons aussi un programme complet de valorisation des produits varois et de développement de circuits courts de commercialisation dans le cadre du Conseil Economique Varois, avec l’appui du Conseil Général. Avec l’ensemble des filières agricoles et le Comité de Promotion des Produits Agricoles Varois, nous coordonnons une stratégie et un plan de communication communs et partagés autour d’un thème porteur : « l’agriculture des 4 saisons ». Enfin nous venons de lancer « la route des vignobles et des produits du terroir », dans le cadre d’une large collaboration issue de la profession, des collectivités territoriales et des acteurs du tourisme…Toutes nos actions de promotion participent à la reconnaissance des zones agricoles comme de véritables zones d’activités économiques de production. A terme, cela devrait permettre une diversification des revenus. Valoriser et faire aimer les produits, les filières, les métiers agricoles, et développer les circuits courts de commercialisation reste notre ambition prioritaire.
LDM: Le défi de l’Environnement pèse aussi fortement sur le destin des exploitations…
Alain BACCINO : En tant qu’acteur public engagé dans les territoires et interlocuteur privilégié auprès des pouvoirs publics en matière de protection de l’environnement, la Chambre participe activement à la définition des politiques agroenvironnementales. C’est donc assez naturellement qu’elle milite en faveur d’une une politique agricole toujours plus respectueuse de l’environnement. Et cela ne date pas d’hier. Il ne faut pas oublier que les agriculteurs ont été les premiers acteurs du développement durable. Leurs capacités d’adaptation aux nouvelles réglementations, aux demandes de la société, ont toujours été constantes. Aujourd’hui, il n’y pas un exploitant qui ne réfléchisse aux moyens d’intégrer les « énergies nouvelles et renouvelables » , comme l’éolien, la biomasse, le photovoltaïque, sur leurs terrains, dans leurs bâtiments, au coeur de leurs exploitations. Dans ce domaine, nous souhaitons fédérer et coordonner les acteurs compétents au sein d’une démarche commune, moraliser et accompagner les projets de développement, en mettant à la disposition des agriculteurs une information objective et détaillée sur le photovoltaïque. Nous étudions aussi la mise en place de diagnostics énergétiques des exploitations pour aider les agriculteurs à réduire leur facture énergétique.
LDM: Vous défendez le principe d’une agriculture solidaire inscrite dans les territoires. N’est-ce pas déjà le cas aujourd’hui?
Alain BACCINO : Les élus de la chambre veulent favoriser et consolider leurs relations avec les partenaires institutionnels (Conseil Général, Etat, Mairies…), les opérateurs fonciers (SAFER, EPFR…) en misant sur des projets structurants de co-construction autour de la territorialisation de la Charte départementale. Mais avant tout, ce qui nous anime, à la Chambre, c’est la reconnaissance, la préservation, l’organisation et le développement d’espaces fonciers agricoles et ruraux qui aient une place de choix sur chacun des territoires. Plus largement, l’objectif est de défendre des projets de développement économique à pure vocation agricole. Nous disposons d’élus référents par territoire aidé d’une équipe d’animateurs, pour faciliter l’émergence et la concrétisation de projets agricoles territoriaux structurants. Nous avons aussi un rôle déterminant à jouer en tant que « Personne Publique Associée» dans les schémas d’urbanisme. Et, fait nouveau, nous proposons en amont aux collectivités des services d’études et d’expertises des problématiques d’aménagement afin d’inclure au mieux les projets de développement des entreprises agricoles… Dans notre département, nous le pensons: l’agriculture, c’est aussi l’avenir !