Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation, s’est longuement exprimée devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale le 1er juillet pour présenter certains aspects de son projet de loi de réforme territoriale – le deuxième projet de loi, qui traitera des compétences des collectivités territoriales. Ce projet de loi a aujourd’hui son sigle : il s’appellera « Notre » – pour « nouvelle organisation territoriale de la République ». Pour résumer la philosophie de ce texte, Marylise Lebranchu a déclaré : « Nous voulons d’une part renforcer les régions, et d’autre part rationnaliser l’intercommunalité, créer et faire fonctionner un couple régions/interco. ».
L’une des dispositions fondamentales de ce texte (article 6) devrait être la création des SRADT (schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire). Ces schémas, a précisé la ministre, devront être « prescriptifs et opposables ». Ce qui n’ira pas sans difficulté : « Comment faire, alors qu’il ne peut y avoir de tutelle d’une collectivité sur une autre, comment agir, dans le respect de l’autonomie des collectivités locales ? », s’est demandée la ministre. Les SRADT, a-t-elle précisé, devront être approuvés par les préfets pour pouvoir être opposables. Mais il est nécessaire pour elle de mettre fin à « l’empilement » de trop nombreux schémas – non-prescriptifs – qui dévorent énormément de temps aussi bien dans les collectivités qu’au niveau de l’État : sont visés, par exemple, les schémas régionaux climat air énergie, les schémas régionaux de cohérence écologique, etc. « Le SRADT se substituera à tous les schémas existants », a déclaré la ministre – qui ne cache pas qu’il reste encore des questions à résoudre : comment, par exemple, les SRADT vont-ils « s’articuler » avec les SCoT et les PLU ?
Marylise Lebranchu est également revenue sur l’un des points clés du futur texte : « Ouvrir la possibilité pour les régions d’adapter la loi aux réalités locales ». Un sujet compliqué, qu’il faudra impérativement anticiper et surtout « très bien encadrer » : « Pour que cela marche, il faudra que la loi définisse ce qui est adaptable et ce qui ne l’est pas ». La ministre a pris l’exemple de la loi Littoral, qui dans certaines communes aboutit aujourd’hui à « des soucis, voire des aberrations » en matière d’urbanisme. C’est sur de tels sujets que les régions pourraient, demain, « adapter » la réglementation, en partant de l’idée qu’un texte ne doit pas forcément s’appliquer de la même façon sur tous les points du territoire.
Autres confirmations apportées par la ministre : le projet de loi va proposer le transfert aux régions des transports scolaires et interurbains, ainsi que de la voirie départementale. Certaines collectivités (régions et métropoles) auront la possibilité de se voir transférer la gestion des aérodromes et des ports.
Le texte visera aussi à « rationnaliser » les syndicats – rationnaliser signifiant ici, clairement, en réduire le nombre. Marylise Lebranchu a rappelé qu’il existait début 2014 « 13 408 syndicats dont 7 200 sont sur les compétences déchets, eau potable, assainissement, énergie ou transports. Certains sont infra-intercommunaux, d’autres sont départementaux. Il faut rationnaliser ces syndicats. »
À la marge de son intervention, qui traitait essentiellement des questions liées au développement durable, la ministre est revenue sur la question du rôle des intercommunalités après la suppression programmée des conseils départementaux. On sait que le projet de loi Notre prévoit d’organiser les intercommunalités autour des bassins de vie et de placer la barre à 20 000 habitants, sauf dans les zones rurales ou les zones de montagne. S’il est aussi prévu de supprimer à l’horizon 2020 les conseils départementaux, la ministre a reconnu que « dans les départements ruraux, il faudra bien qu’il continue d’exister une instance de proximité ». Elle a à nouveau émis l’idée que cette instance puisse être « une conférence des présidents d’intercommunalité ». Sauf que, a-t-elle reconnu, cela pose aujourd’hui « un problème de constitutionnalité », les présidents d’intercommunalité n’étant pas élus au suffrage universel. Leur éventuelle assemblée ou « conférence » ne pourrait donc pas, en l’état actuel des choses, remplacer les conseils départementaux – collectivités locales de plein exercice. Sans aller plus loin, Marylise Lebranchu a donc indiqué qu’allait forcément « se poser la question du mode d’élection des représentants des intercommunalités ».
Sur ce sujet, le débat sera certainement passionné avec, notamment, l’Association des maires de France, qui ne rejette pas la présence de représentants des intercommunalités à l’échelle du département, mais s’est toujours opposée à ce que les intercommunalités deviennent des collectivités territoriales. Comme le disait à Maire info Pierre Jarlier, vice-président de l’AMF, le 26 juin dernier, « l’intercommunalité doit rester une structure qui assure des compétences déléguées des communes, et surtout pas une « supracommunalité » qui pourrait se substituer demain aux communes. »
Pierre Jarlier insistait par ailleurs pour que les futurs SRADT soient « co-construits en liaison avec le bloc local qui assure les compétences de sa mise en oeuvre, qu’il s’agisse d’urbanisme, d’habitat, d’eau, d’assainissement ».
Visionner l’audition de Marylise Lebranchu sur le site de l’Assemblée nationale.
Lire l’interview complète de Pierre Jarlier à Maire info sur la réforme territoriale.
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