Police unique, urgence, transfert à l’EPCI: après l’ordonnance du 16 septembre 2020, issue de la loi Élan du 23 novembre 2018, certaines questions restaient encore en suspens pour les maires confrontés au fléau de l’habitat indigne sur leur territoire. Les derniers doutes sont désormais levés : publié au Journal officiel du 27 décembre, un décret du 24 décembre précise la mise en œuvre de la réforme au niveau local, en fixant notamment la procédure contradictoire devant se tenir – sauf urgence – avant la prise de décision, mais aussi les modalités d’exécution des arrêtés « de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité ».
Pilotage intercommunal
Pour mémoire, le volet habitat indigne de loi Élan visait trois objectifs : simplifier et harmoniser les polices administratives, répondre plus efficacement à l’urgence, favoriser l’organisation de cette politique au niveau intercommunal. En ce sens, l’ordonnance du 16 septembre a institué une police spéciale unique « de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations », absorbant les douze polices existantes, éparpillées entre le Code de la construction et de l’habitation et le Code de la santé publique (lire Maire info du 17 septembre 2020).
Autre avancée : le produit des astreintes (jusqu’à 1 000 euros par jour de retard) prononcées par l’autorité compétente en cas de non-respect des délais fixés pour les travaux, va désormais à la commune ou à l’Agence nationale de l’habitat, selon que l’autorité en question soit le maire ou le préfet. Ces derniers ont également la possibilité de procéder d’office à leur exécution, aux frais du propriétaire. Enfin, l’ordonnance facilite effectivement le transfert des pouvoirs des maires aux présidents d’EPCI. Si auparavant, le refus d’un seul maire pouvait l’empêcher, il est désormais nécessaire que la moitié des maires au moins – ou ceux représentant au moins 50 % de la population de l’EPCI – s’opposent à ce transfert pour qu’il n’ait pas lieu. De même, le maire peut désormais procéder à ce transfert à tout moment, et non plus seulement lors de l’élection du président d’EPCI.
Contradictoire, délais et spécificités
Sur le fond, le décret du 24 décembre liste les équipements communs qui peuvent faire l’objet d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité. Il s’agit notamment des ascenseurs, de la VMC, des systèmes de sécurité incendie, les installations de ventilation et de désenfumage des circulations communes, les installations et canalisations d’eau, de gaz ou d’électricité.
Avant d’édicter un arrêté, le décret précise que l’autorité compétente doit informer les personnes concernées « des motifs qui la conduisent à envisager de mettre en œuvre la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations et des mesures qu’elle compte prendre ». Un délai minimal d’un mois doit leur être laissé pour présenter des observations. Si l’arrêté concerne l’occupation à usage d’habitation de caves, sous-sols, combles ou pièces dotées d’une hauteur sous plafond insuffisante, ce délai est réduit à 15 jours. À défaut de connaître l’adresse actuelle des personnes concernées ou de pouvoir les identifier, le décret indique que « l’information les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune (…), ainsi que par affichage sur la façade de l’immeuble. » À noter que lorsqu’un monument historique, un site patrimonial remarquable classé, etc., est en jeu, l’avis de l’architecte des Bâtiments de France (ABF) est requis avant toute mesure de réparation ou de démolition. En l’absence de réponse au bout de 15 jours, cet avis est réputé émis. Autre spécificité : lorsque la procédure porte sur les parties communes d’une copropriété, le syndic a au moins deux mois pour présenter ses observations.
Danger imminent et délais d’exécution
C’était l’une des mesures les plus attendues : en cas de danger imminent, les maires peuvent désormais ordonner, par arrêté et sans procédure contradictoire préalable ni rapport d’expertise, les mesures indispensables pour faire cesser ce danger. Et ce, en un temps record : une journée peut suffire à faire aboutir la procédure, si la situation l’exige afin de protéger les occupants. Auparavant, le maire était contraint d’utiliser sa police générale sans possibilité de lancer le recouvrement des frais engagés par la commune, et pouvoir appliquer le régime du droit des occupants. Un des cas de recours à cette procédure d’urgence est le risque d’exposition au plomb. En ce sens, le décret prévoit que lorsque le maire a exécuté d’office les mesures prescrites, « le constat après travaux est mis à la charge de la personne tenue de réaliser les mesures ». À noter que les femmes enceintes sont désormais considérées comme cas de situation à risque.
Une fois édictés, les arrêtés doivent être notifiés au maire, au président de l’EPCI, aux organismes payeurs des APL, aux gestionnaires du fonds de solidarité pour le logement du département (pour les bâtiments à usage d’habitation) – mais aussi au procureur de la République, lorsqu’il s’agit d’arrêtés de traitement de l’insalubrité.
Sur le délai d’exécution des mesures de réparation ou de démolition, le décret précise qu’il « ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de la notification de l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, sauf dans le cadre de la procédure d’urgence ».
Enfin, la procédure de substitution du maire, président d’EPCI ou préfet aux copropriétaires défaillants est précisée.
La question de la mutualisation des services et la création d’un fonds dédié aux travaux d’office font (encore) défaut à cette réforme – ce que l’AMF a regretté. Cette réforme n’opère pas de révolution, mais une simple clarification, déjà bienvenue. Dernière étape, a priori formelle : la ratification de l’ordonnance du 16 septembre 2020.
Caroline Saint-André
Consulter le décret du 24 décembre.
Source : www.amf.asso.fr – Ref : BW40500 – auteur : Caroline Saint-André – 06/01/21