Le Premier ministre et plusieurs membres de son gouvernement ont dévoilé hier les détails du plan de relance de 100 milliards d’euros, baptisé France relance, dont on ne connaissait jusque-là que les grandes lignes : un plan divisé en trois tiers, consacrés à la transition énergétique, à la compétitivité des entreprises et à un volet « social et territorial ».
Pour comprendre quelles mesures concernent directement les collectivités, on peut s’appuyer sur le lourd document de près de 300 pages annexé au plan de relance, qui détaille l’ensemble des mesures. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici les principaux points à retenir pour les élus.
Rénovation thermique
L’un des sujets les plus attendus par les élus est celui de la rénovation thermique des bâtiments publics. Ce chantier colossal – le Conseil national d’évaluation des normes estimait, en 2017, qu’il représenterait un coût de presque 7 milliards d’euros pour les collectivités locales – figure en première place dans le plan France relance, avec l’objectif répété d’en finir avec les « passoires thermiques » en 2030. Le plan distingue les bâtiments appartenant à l’État et ceux des collectivités, qui feront l’objet d’un « dispositif spécifique », finalement peu détaillé dans le plan : les montants financiers restent très flous : si l’on sait que « 4 milliards d’euros » seront investis par l’État, aucun chiffre n’est donné sur « l’enveloppe (qui) sera dédiée aux projets de rénovation thermique des bâtiments des collectivités locales via les préfets ». S’agit-il des enveloppes, déjà budgétées et fermées, de la Dsil et/ou de la DETR ? Ou verra-t-on apparaître des enveloppes supplémentaires prises sur les « 4 milliards » prévus à ce chapitre ? Impossible de le savoir pour l’instant.
Sur le même sujet, le plan intègre un volet sur la rénovation thermique du parc de logement social. Des subventions seront octroyées « aux organismes HLM et aux collectivités » pour des opérations de rénovation lourde. L’enveloppe « envisagée » est de 500 millions d’euros « pour les années 2021 et 2022 », ce qui permettrait de rénover (en « restructuration-réhabilitation lourde »)… « environ 40 000 logements ». Ce chiffre paraît étonnamment faible. On est bien loin de l’objectif posé en 2012 par le président Hollande (et jamais atteint) de traiter 500 000 logements par an.
Biodiversité et lutte contre l’artificialisation
Environ 1,2 milliard d’euros sera consacré à ce volet, qui inclut la « restauration écologique » de sites, des opérations de « densification urbaine » et de réhabilitation des friches. Un fonds de 300 millions d’euros sera consacré à ce dernier sujet, dont les collectivités seront les maîtres d’ouvrage.
Par ailleurs, un dispositif spécifique, sous forme d’une aide forfaitaire, sera ouvert en direction des communes pour subventionner des opérations de densification : si par exemple une commune envisage une opération de création de logements sur quatre étages, elle pourra toucher une subvention pour construire deux étages supplémentaires, afin d’augmenter le nombre de logements sans augmenter l’emprise au sol. 350 millions d’euros sur deux ans seront alloués à ce dispositif, et les premières aides devraient être versées à partir de novembre 2021.
Enfin, 300 millions d’euros seront consacrés à la modernisation des réseaux d’eau et des stations d’épuration, notamment pour lutter contre les fuites et réduire les pollutions dues aux stations d’épuration. Un « co-financement » sera exigé des collectivités sur le volet de rénovation du réseau d’eau potable.
Centres de tri et déchets
500 millions d’euros seront consacrés à l’économie circulaire et au traitement des déchets : développement des centres de tri, soutien au tri des déchets recyclables, « via une aide financière aux collectivités locales pour le déploiement du tri sélectif sur la voie publique », soutien à la valorisation des biodéchets, aides financières à l’investissement dans des unités de production d’énergie à partir de combustibles de récupération… Les fonds seront débloqués et versés, via l’Ademe, entre 2020 et 2022.
Alimentation
Au chapitre « transition agricole », le plan prévoit de consacrer 400 millions d’euros à l’alimentation, notamment en développant « une alimentation saine, sûre, durable, de qualité et locale dans les cantines scolaires des petites communes » et en soutenant les projets alimentaires territoriaux (PAT).
Infrastructures et transports
Le plan de relance était très attendu sur le volet transport. Au final, 1,2 milliard d’euros sera consacré aux « mobilités du quotidien », 4,7 milliards au ferroviaire et 550 millions aux travaux sur les infrastructures.
Sur les mobilités du quotidien, un important chapitre du plan est consacré au vélo, avec pour objectif « une accélération sans précédent de travaux d’aménagement de réseaux cyclables ». Deuxième axe : « Doubler la part modale du transport ferroviaire autour des grands pôles urbaines d’ici dix ans », notamment en créant des RER (réseau express régionaux) dans les métropoles, à l’image de ce qui existe en région parisienne. Le troisième axe, enfin, concerne les transports collectifs en site propre (tramways, bus en site propre).
Quant au plan de soutien au secteur ferroviaire, il devrait permettre de mettre en musique les annonces faites avant l’été par le gouvernement, notamment de « réinvestir, aux côtés des Régions, dans les lignes de desserte fine du territoire pour augmenter l’offre dans les territoires moins denses et mieux les relier aux zones urbaines ». D’importants travaux seront également financés pour moderniser et sécuriser le réseau existant. « Une à deux lignes » de trains de nuit devraient être rouvertes, et un soutien sera octroyé en matière de mise en accessibilité des gares. Toutes les opérations seront engagées « entre 2020 et 2022 ».
Le plan prévoit également un budget de 350 millions d’euros pour aider à la modernisation du réseau routier national et des ponts.
Fiscalité locale
Les nouvelles sont nettement moins bonnes sur le terrain de la fiscalité locale, avec l’officialisation de la diminution drastique des impôts économiques locaux. Alors que le gouvernement s’était, dans un premier temps, engagé à ce que la diminution de ces impôts ne touche que la part régionale de la CVAE – ce qui était déjà un problème – il a été, au dernier moment, décidé que les communes et intercommunalités seraient aussi frappées : leur perte de recettes est estimée à 3,3 milliards d’euros par an. En effet, en plus de la part régionale de la CVAE, il est prévu « une réduction de moitié des impôts fonciers des établissements industriels » pour plusieurs dizaines de milliers d’établissements, ce qui aboutira à une perte de 1,75 milliard d’euros de recettes de TFPB et 1,54 milliard de CFE.
La perte de recettes pour les régions sera compensée par l’attribution d’une part de TVA. Pour les communes et intercommunalités, l’engagement habituel est pris – qui ne rassure aucunement les associations d’élus, échaudées par le passé : « L’État viendra compenser chaque année les pertes de recettes, de façon intégrale, dynamique et territorialisée. »
Les compensations seront, promet le gouvernement, intégrées au projet de loi de finances pour 2021.
Emploi
Ce plan de relance semble bien marquer le retour en grâce des emplois aidés… mais hélas pas à destination des collectivités. Un nouveau dispositif de « contrats initiative emploi » (CIE) va être déployé, avec 10 000 bénéficiaires prévus dès cette année et 50 000 l’an prochain, mais uniquement dans le secteur marchand.
Les Parcours emploi compétences (PEC), fléchés vers l’emploi dans les associations, seront eux aussi musclés, avec 60 000 PEC supplémentaires financés d’ici 2022, pour une somme de 417 millions d’euros.
Par ailleurs, le gouvernement souhaite une augmentation de 50 % des places ouvertes en Garantie jeunes (+ 50 000 places) et de 23 % en Parcours contractualisé d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie ou Pacea (+ 80 000 places). Ces dispositifs étant gérés par les missions locales, les moyens financiers alloués à celles-ci seront augmentés de 100 millions d’euros. Les moyens financiers alloués à l’allocation Garantie jeune seront augmentés de 211 millions d’euros.
Enfin, le dispositif Sesame, qui permet d’orienter des jeunes de milieux défavorisés vers les métiers du sport et de l’animation, va être musclé, avec un doublement des places ouvertes d’ici 2022 (+ 3 000 accompagnements sur deux ans). Par ailleurs, les associations sportives verront augmenter le nombre d’emplois aidés que le gouvernement cofinance (+ 2 500 emplois d’ici 2022) à hauteur de 10 000 euros par an.
Territoires
Enfin, le plan de relance comprend un large volet « territoires », un peu fourre-tout, dans lequel ont été intégré des mesures déjà connues et même déjà financées via la loi de finances rectificative votée cet été. On y trouve notamment les mesures de garanties de recettes des collectivités et de soutien direct à l’investissement local (5,2 milliards d’euros).
Ce chapitre contient aussi quelques nouveautés : 250 millions d’euros vont être consacrés à la lutte contre l’illectronisme et la création de tiers-lieux et autres espaces publics numériques, avec des aides directes aux collectivités. Cette mesure va faire l’objet d’une concertation avec les associations d’élus dès cette rentrée 2020 pour être mise en œuvre « à l’automne ».
240 millions d’euros vont être consacrés, au titre du plan de relance, au déploiement de la fibre optique (lire article ci-dessous).
Enfin, diverses mesures de soutien au commerce de proximité et à l’artisanat (150 millions d’euros), et au tourisme durable (50 millions d’euros) ont été décidées.
Franck Lemarc
Télécharger le plan de relance complet (296 pages).
© sources : AMF France (www.maire-info) – 04/09/2020