Plusieurs propositions intéressantes du Sénat pour renforcer la protection civile

Le groupe de travail sénatorial conduit par Françoise Dumont sur la sécurité civile a rendu son rapport hier, avec à la clé un certain nombre de préconisations pour faire face aux défis à venir.

Par Franck Lemarc

« Pas de grand soir de la sécurité civile »  au menu des recommandations de la mission sénatoriale, mais une série de recommandations pour « préserver le modèle français »  et « réfléchir aux adaptations nécessaires pour faire face aux défis » . Après les terribles incendies qui ont frappé la Gironde en 2022 et face aux difficultés annoncées par le réchauffement climatique, les sénateurs LR ont souhaité faire le point sur l’état de la sécurité civile en France et proposer des pistes pour la renforcer et la moderniser.

Ministère délégué

Les rapporteurs posent pour commencer le problème du pilotage de la sécurité civile en France, assurée aujourd’hui par la DGSSCGC (Direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise), sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Selon ces sénateurs, les « spécificités »  de la sécurité civile sont telles qu’elle « ne peut se confondre avec les autres services régaliens »  du ministère de l’Intérieur. Ils prônent donc, à l’instar de ce qui se fait dans plusieurs pays d’Europe, la création d’un ministère délégué à la protection civile, toujours placé néanmoins sous la tutelle du ministre de l’Intérieur, mais capable d’assurer « un portage politique centré sur ces problématiques ». 

Ce ministre délégué pourrait, en outre, être chargé de la coopération internationale en la matière, notamment à l’échelle de l’Union européenne.

À une échelle plus locale, les rapporteurs proposent la création d’un « état-major de sécurité et de protection civile auprès de chaque préfet » . Les Comités départementaux de sécurité qui existent actuellement manquent en effet, selon eux, d’une « dimension opérationnelle » . Il s’agirait donc de créer dans chaque département « une formation réduite et permanente rassemblant le préfet, les représentants des administrations de l’État directement concernées par la sécurité civile, ainsi que ceux du SDIS départemental », sans oublier, le cas échéant, les associations agréées de sécurité civile.

Études d’impact

Sur le terrain législatif, les sénateurs plaident pour une « réflexion de fond sur la conciliation dans les textes de la préservation de l’environnement et de la garantie de protection de la vie humaine ». Il existe en effet selon eux un certain nombre « d’injonctions contradictoires »  entre la protection de l’environnement et la sécurité civile – par exemple dans le domaine de la protection des espaces boisés, qui peut s’avérer contradictoire avec les nécessités de la lutte contre le risque d’incendie. Conscients de la complexité « juridique, politique et économique »  de ce sujet, les sénateurs se contentent de demander « une réflexion approfondie »  et ne donnent qu’une recommandation : l’intégration des enjeux de sécurité civile dans les études d’impact des projets de loi.

Renouvellement des flottes

La deuxième partie du rapport traite de la question des moyens, en particulier aériens. Dans la lutte contre l’incendie, cette question est centrale, et les sénateurs déplorent que la flotte française (12 Canadair, 8 Dash-8 et 3 Beechcraft), si elle est « substantielle » , soit « vieillissante » . Ils rappellent que les Canadair ont été acquis il y a 25 ans et que la société qui les fabriquait ne le fait plus aujourd’hui, amenant une raréfaction des pièces détachées. Leur taux de disponibilité va donc nécessairement se réduire, et la flotte française de lutte contre l’incendie va rapidement approcher « ses limites qualitatives et quantitatives ». 

L’annonce faite l’an dernier par le chef de l’État de la location d’hélicoptères bombardiers d’eau n’est que « palliative », jugent les sénateurs, qui estiment que « le renouvellement de la flotte de bombardiers d’eau lourds constitue l’enjeu industriel majeur de la sécurité civile en France pour les années 2020 » , dans un contexte où le seul producteur de ces appareils (le canadien De Havilland) est en situation de « quasi-monopole ». 

Il est donc proposé de bâtir une filière industrielle française de construction de ces appareils, en s’appuyant notamment sur les capacités d’Airbus et de Dassault. Les sénateurs demandent un accompagnement fort de l’État, arguant que le développement de cette filière n’aurait que des avantages à la fois sur le terrain de la sécurité civile et sur celui des retombées économiques.

En ce qui concerne les moyens routiers, les rapporteurs pointent le prix élevé des véhicules de lutte contre l’incendie, qui empêche trop souvent les Sdis de renouveler leur équipement. Ils recommandent la multiplication des achats mutualisés entre les Sdis, avec l’aide technique et juridique de la DGSCGC.

Sur le plan financier enfin, les sénateurs appellent à la création de ressources nouvelles pour les Sdis – en plus d’une meilleure utilisation des possibilités offertes par les fonds européens.

Constatant que dans les zones touristiques, les services d’incendie et de secours sont excessivement sollicités pendant les périodes de vacances, souvent au-delà de leurs moyens, les sénateurs proposent d’affecter une part de la taxe de séjour au financement des Sdis, de manière à ce que l’affluence touristique finance en partie les services de sécurité civile.

Par ailleurs, ils proposent que les assurances participent de façon plus active au financement de la protection civile, via une « rénovation »  de la TSCA (taxe sur les conventions d’assurance) pour en améliorer le rendement.

Culture du risque

Enfin, les sénateurs font diverses propositions pour « préparer la sécurité civile de demain » . Ils demandent que soit accélérée la mise en place d’un « numéro unique »  d’accès aux secours (comme le fameux 911 aux États-Unis), prévue par la loi Matras de 2021 mais dont l’expérimentation n’a que très timidement débuté.

À l’instar de nombreux autres rapports récents, ils préconisent également un profond renforcement de la « culture du risque » , permettant « de faire du public un acteur à part entière de la sécurité civile ». Ce qui pourrait passer par un renforcement de la formation au secourisme dans les entreprises et dans la fonction publique. Les établissements scolaires, le SNU et le services civique pourraient également être d’utiles vecteurs de la sensibilisation et de la formation des jeunes : les sénateurs plaident pour une meilleure « articulation entre enseignement, collectivités territoriales, service civique, SNU et jeunes sapeurs-pompiers »  pour mieux accompagner les jeunes vers l’engagement dans la sécurité civile.


 

Source : maire-info.com – 29 mai 2024 – Auteur : Franck Lemarc