Le ministre de la Ville, Patrick Kanner, a provoqué ce week-end une petite polémique en évoquant des « similitudes » entre le quartier bruxellois de Molenbeeck – base arrière de plusieurs terroristes impliqués dans les attentats de France et de Belgique – et certains quartiers français. Au-delà de la polémique, le débat est relancé sur les possibilités d’actions des maires dans les quartiers où existe un problème de radicalisation.
Les commentateurs font parfois des raccourcis qui ne facilitent pas la compréhension : un coup d’œil jeté à une revue de presse de ce week-end laisse entendre, formule cent fois répétée, que le ministre de la Ville aurait parlé de « centaines de Molenbeek » en France. En réalité, que l’on soit ou non d’accord avec son analyse, Patrick Kanner a été beaucoup plus nuancé dans ses propos, en déclarant précisément qu’il existe « une centaine de quartiers en France qui présentent des similitudes potentielles avec ce qui s’est passé à Molenbeeck ». Et de développer en parlant de quartiers où l’on déplore un manque criant de mixité sociale, une ghettoïsation, un recul des services publics… Autant de problèmes évidemment bien réels dans de nombreux quartiers prioritaires, et dans lesquels les maires attendent – au-delà des déclarations de Patrick Kanner – une intervention plus volontariste de l’État.
En plus des réactions provoquées par les propos du ministre, des voix se sont élevées, également à propos de Molenbeeck, pour dénoncer le manque de volontarisme dans la lutte contre la radicalisation, voire « la naïveté » de certains élus locaux, en France comme en Belgique. Beaucoup d’élus, de droite comme de gauche, ont réagi ce week-end en rejetant la responsabilité de cette situation, là encore, sur l’État, qui ne donne pas suffisamment de moyens aux collectivités locales pour agir en la matière. Certes, il y a eu la toute récente désignation de « délégués du gouvernement » dans les quartiers les plus difficiles (lire Maire info du 17 mars)… mais personne ne pense sérieusement que cette décision suffira à régler les problèmes. C’est pourquoi nombre de maires ont réagi, ces derniers jours dans la presse, pour demander de l’aide à l’État plutôt que « de la stigmatisation ».
C’est le cas par exemple de François Pupponi, le maire de Sarcelles – par ailleurs président de l’Anru et membre du Bureau de l’AMF – qui a réclamé au gouvernement un « mode d’emploi » à destination des maires. « C’est le maire qu’on appelle en cas de problème », par exemple lorsqu’une famille repère un jeune qui se radicalise, a expliqué François Pupponi jeudi dernier sur France inter, mais « le maire ne peut pas fermer une mosquée qui se radicalise, il n’en a pas le pouvoir, il ne peut pas s’occuper de jeunes radicalisés, n’ayant pas les services compétents… » Il y a donc « urgence » pour le maire de Sarcelles à « se mettre autour d’une table (avec l’État) et à déterminer qui fait quoi ». François Pupponi a insisté sur le fait que les maires ne veulent se substituer « ni à la police ni à la justice », mais a appelé à la constitution de « task-forces » dans les quartiers, au lieu d’une situation où « chacun fait ce qu’il peut de façon trop informelle ». Il a également répété – comme le Premier ministre lui-même l’a fait à plusieurs reprises – que le pays payait aujourd’hui le prix d’avoir créé, au fil des décennies, « des ghettos sociaux et ethniques ».
Ces prises de positions rejoignent celles de l’association Ville et banlieue, qui a, il y a déjà deux mois, publié un rapport contenant de nombreuses propositions pour « prévenir les dérives sectaires et fondamentalistes dans les quartiers prioritaires » (lire Maire info du 15 janvier). Marc Vuillemot, président de l’association et maire de la Seyne-sur-Mer, soulignait déjà alors le paradoxe consistant à « demander aux maires d’être en première ligne sur la détection du risque de radicalisation sans leur en donner les moyens ».
Les maires attendront donc avec d’autant plus d’impatience le Comité interministériel à l’égalité et la citoyenneté, prévu le 13 avril (lire ci-dessous), où des mesures devraient être annoncées en matière de politique de la ville.
La question de la prévention de la radicalisation fera également l’objet d’un atelier au congrès de l’AMF, le 1er juin prochain, à 9h30.
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