C’est à Gérard-François DUMONT, Recteur d’Académie, Professeur à la Sorbonne, Président de la revue Population & Avenir, que l’animation de la deuxième table ronde a été confiée. D’où vient la commune? Où en est-elle? Que devons-nous faire? : voici les trois questions qui ont guidées l’intervenant devant l’assemblée des maires.
D’où vient la commune ?
Pour répondre à la première question, M. DUMONT s’est référé à l’histoire et à la géographie : « Il n’est pas anormal que le pays le plus peuplé et le plus vaste de l’Union Européenne ait crée plus de communes que l’Allemagne, l’Italie ou l’Angleterre. Pendant des siècles, la France a été le pays le plus peuplé d’Europe. Nos ancêtres se sont organisés en paroisse. La superficie de nos communes n’est pas, comme on le pense parfois, trop faible. Les tailles des différentes communes sont variées et sont fonction de la population. Dans les départements denses, on a crée davantage de communes, donc les superficies des communes sont petites. Dans le Nord, nous sommes à 9km2 contre 15km2. En revanche, dans les Landes où la densité est limitée, les tailles de communes sont plus élevées car le peuplement est faible. Enfin, on entend souvent que la gestion de nos 36000 communes coûtent cher. Pourtant, l’essentiel des citoyens qui s’engagent pour la gestion administrée de leur territoire sont bénévoles ou très peu payés. Et si on observe le ratio entre les dépenses communales et le nombre d’habitants, on s’aperçoit que plus une commune est peuplée, plus la dépense par habitant est élevée. »
En outre, cette question du coût élevé doit être rapprochée de la dotation de DGF que la commune reçoit pour fonctionner. Quant à la masse salariale, jugée parfois excessive, il faut en connaître les raisons qui ont favoriser son existence. Pour M. DUMONT, « cette masse salariale est la conséquence de la masse de services que les communes rendent à la population et que l’Etat a imposé ou contraint aux communes. Il suffit de regarder le nombre de normes extrêmement coûteuses qui ont été mises en oeuvre ces dernières années pour s’en rendre compte : la suppression des jours de carence, les rythmes scolaires, la sécurité… »
Quant à l’esprit de chapelle des communes… il suffit de se référer à l’histoire, encore une fois. Les premières lois de l’intercommunalité remonte à 1890 : « Cela fait plus d’un siècle que les communes font de la mutualisation. Elles n’ont pas entendu les années 90 de ce siècle pour le faire » a rappelé M. DUMONT.
Où en est la commune?
Face à ce monde du XXI ème siècle, où en est la commune? Dans un pays atteint « de prurit législatif », avec pas moins d’une loi territoriale par an, les communes font face à trois lubies idéologiques : la première consiste à penser que l’avenir de la France réside en la concentration de sa population dans des grands coeurs urbains qui ne cessent de croître (77% d’urbains contre 23% de ruraux). Ce concept est fondé sur des critères qui n’ont jamais été fournis et qui sont donc discutables. Selon l’INSEE, le taux d’urbanisation stagne. Or, lorsqu’on étudie le document de l’INSEE, on peut voir que pour empêcher l’affichage d’une baisse du taux d’urbanisation, l’INSEE change la méthode de calcul d’écart des deux cents mètres. « On est donc bien dans une approche idéologique ici », a souligné M. DUMONT, « car depuis quelques mois, l’INSEE reconnait que ses calculs surévaluent la réalité de l’urbanisation en France. On parle de 41,7% de population urbaine avec de nouveaux critères de calcul. Vous mesurez donc l’écart ! »
La deuxième lubie concerne la métropolisation. L’idée dominante suggère que seules les métropoles créent des richesses et de l’attractivité. « Et bien il n’y a pas de miracle. Les 14 métropoles créées par la loi ne créent pas plus d’emplois supérieurs qu’avant. Les Métropoles ont même des résultats plus mauvais que les autres territoires en terme de création d’emplois. En étudiant les 50 unités urbaines les plus développées en France, aucun effet Métropole se constate. Paris n’est pas le phare de l’Europe mais est même sensiblement en recul. Dans les zones d’emplois en France, il y a des taux de chômage faible en Mayenne, en Vendée, malgré la crise. L’idée que l’Etat devrait donner plus aux métropoles est donc une erreur ».
Toujours selon M. DUMONT, la troisième lubie concerne la croyance, tenace, que les villes fonctionnent nécessairement sur le mode centre-périphérie, avec des périphéries qui n’existeraient que par leurs liens avec les centres. Cette réalité est dépassée dans la mesure où nos concitoyens ont leurs propres espaces de vie, de travail, de loisirs, de consommation. Aujourd’hui, nos vies sont réticulaires, organisées en réseau. « Cette logique ne va que s’amplifier. En 2007, dans le monde, il y avait zéro smartphones. En 2016, deux milliards de smartphones. Qu’est-ce qu’un smartphone sinon un outil qui démultiplie la logique réticulaire ? Les lois territoriales qui s’empilent les unes sur les autres ne sont pas adaptées aux besoins de la population et sont extrêmement chronophages à mettre en place pour les élus et leurs collaborateurs. »
Que devons-nous faire?
Au cours de son allocution, M. DUMONT a invité les maires à adhérer à plusieurs principes : un principe de réalité (comprendre l’évolution des principes d’organisation réticulaires, adhérer à un principe de simplification urbaine), un principe d’égalité réelle des territoires (tous les citoyens doivent être considérés de manière égale), un principe de numérisation des territoires (avec un Etat assurant ses responsabilités), un principe d’oxygénation des territoires (intercommunaliser l’eau quelle que soit la géographie du territoire est une erreur). « Je suis partisan d’une extrême simplification des lois intercommunales, avec moins de territoires XXL. Ceux qui sont loin des centres de décision des territoires ne se sentent plus concernés par les territoires. La voie de la raison, c’est la voie de l’expérimentation et de l’innovation territoriale ».
« Ce que Gérard-François DUMONT vient de dire, nous le partageons » a déclaré Monsieur Philippe LAURENT, Secrétaire Général de l’Association des Maires de France, Maire de Sceaux. « L’intercommunalité équilibrée et le « fait communal »sont notre crédo. Toutes les communes, quelles que soient leurs tailles doivent être représentées. Les questions de présence postale, de gestion des cartes d’identité, la répartition des compétences GEMAPI, la représentation des élus dans les schémas hospitaliers de territoires, les normes sont des questions qui concernent l’AMF et les élus, et nous relayons nos avancées sur ces points ».
A l’occasion de l’élection présidentielle, l’AMF proposera à chaque candidat une charte simple sur les relations financières entre l’Etat et les collectivités territoriales, le rôle de l’intercommunalité ou sur le statut de l’élu local.
Les élections législatives seront l’occasion pour les électeurs et les parlementaires de se positionner sur les questions d’aménagement du territoire. Pour M. Olivier AUDIBERT-TROIN, député du Var« la désindustrialisation, la financiarisation de l’économie, l’ubérisation de la société, la réduction des dépenses publiques ont changé la donné et aggravé la crise dans la ruralité. On n’est plus dans une redistribution keynesienne des richesses dans nos territoires. Les contrats de plan Etat-region irriguent les grands espaces urbains, ce n’est pas juste. La solidarité, c’est quand un territoire en difficulté est aidé. Nous proposons à ce titre qu’une agence des territoires ruraux soit d’ailleurs créée sur le même modèle que l’ANRU ».