Un guide pour réguler l’implantation des « dark stores »

Ces nouvelles formes de distribution alimentaire se développent dans les grandes villes et entraînent des nuisances auxquelles les maires doivent faire face. Avec ce guide, le gouvernement rappelle les outils permettant de réguler ces implantations.

« Dark stores », « dark kitchens », « quick commerces » *… Autant d’anglicismes pour désigner un nouveau phénomène qui a émergé dans les grandes villes françaises à la faveur de la crise sanitaire.

Nuisances sonores, perturbations du trafic…

Remplaçant souvent des anciens commerces ou services commerciaux, ils entraînent toute une série de problèmes, allant aussi bien des nuisances sonores pour les riverains aux perturbations du trafic routier, en passant par des émissions de gaz à effet de serre accrues ou des problèmes d’esthétisme des devantures des locaux concernés.

Avec des livraisons promises en moins de 15 minutes, cette nouvelle forme de commerce est généralement assurée par ce que l’on appelle des dark stores : d’anciens magasins transformés – pour l’entreposage, le stockage et la préparation des livraisons – en restaurants et magasins « fantômes »  que l’on retrouve au rez-de-chaussée des immeubles sans accueil du public.

Ces restaurants virtuels s’installent souvent dans de grands entrepôts pour bénéficier de surfaces plus importantes et partager les espaces entre de nombreuses enseignes. Le site d’Aubervilliers accueille par exemple huit enseignes différentes tandis que le dernier ouvert à Bagneux en accueille une dizaine. « En janvier 2022, plus de 80 dark stores appartenant à une dizaine d’enseignes ont été recensés sur le territoire parisien et sa proche banlieue », constate une étude récente (lire Maire info du 25 février).

Le développement rapide des acteurs de quick commerce a pu susciter des inquiétudes et des interrogations en ce qui concerne les règles applicables en matière d’urbanisme. Pour cette raison, le gouvernement a donc élaboré un guide destiné aux élus locaux pour réguler ce nouveau phénomène.

Commerces ou entrepôts ?

La première des clarifications apportée par le gouvernement concerne la classification même des dark stores d’un point de vue du Code de l’urbanisme.

Deux cas de figure sont possibles. Soit le dark store doit être considéré comme un commerce, soit comme un entrepôt. Dès lors qu’il est « exclusivement utilisé pour de la livraison », celui-ci doit être considéré comme un entrepôt, et non comme un commerce. Ainsi, lorsqu’un dark store s’installe dans un ancien supermarché ou une ancienne supérette, il se doit de « procéder à un changement de destination du local pour se mettre en conformité avec la réglementation ».

En revanche, si le dark store exerce aussi une activité en « drive »  (piéton ou non) permettant le retrait de commandes sur place par le client, alors il est considéré comme un commerce au regard de la législation et il n’a donc pas à procéder à un « changement de destination ». Reste que le comptoir de retrait de marchandises doit avoir « des horaires d’ouverture habituels correspond à celle d’un commerce alimentaire », l’ouverture ne devant « pas être limitée à quelques heures et constituer ainsi une manière détournée d’être considéré comme un commerce », soulignent les auteurs du guide.

Cette distinction, explique le gouvernement, « doit conduire les entreprises du secteur à faire évoluer leur modèle, afin d’ouvrir les locaux à de l’accueil du public, le cas échéant sur une surface réduite à un comptoir de retrait de commande ». Et ainsi permettre de « mieux s’insérer dans le tissu urbain et de réduire les inquiétudes liées à l’implantation des dark stores (moindre fréquentation des rues, vitrines peu esthétiques) ».

Plusieurs outils réglementaires

À l’instar de Paris, certaines communes demeurent toutefois « provisoirement soumises aux dispositions en vigueur avant la loi Alur, faute d’avoir adopté un nouveau plan local d’urbanisme ». Pour elles, le gouvernement suggère de « se reporter aux définitions données dans le PLU, pour savoir si l’implantation du  »dark store » exige des démarches administratives spécifiques ». « Les définitions prévues au niveau national en application du Code de l’urbanisme ne s’appliqueront que lorsqu’un nouveau PLU aura été adopté », prévient l’exécutif.

De manière générale, les auteurs du guide constatent que l’outillage réglementaire actuel donne « une série d’outils à la main du maire ou du président d’EPCI »  pour réguler l’implantation des dark stores, que ce soit en matière de planification urbaine, d’application du droit du sol ou encore à travers les autorisations d’exploitation commerciale.

Les plans locaux d’urbanisme (PLU), par exemple, permettent de réglementer les implantations des dark stores « en interdisant ou en soumettant à conditions particulières la sous-destination  »entrepôt » dans un secteur délimité ». Ils permettent aussi « d’identifier des quartiers, ilots, voies dans lesquels doit être préservée la diversité commerciale ». L’implantation de structures logistiques peut également être réglementer en faisant du « droit positif »  ou en définissant des orientations d’aménagement et de programmation (OAP).

Il est également possible de définir à l’échelle des schémas de cohérence territoriale (ScoT) « la localisation préférentielle des locaux logistiques commerciaux »  ainsi que « les conditions permettant le développement ou le maintien du commerce de proximité dans les centralités urbaines et au plus près de l’habitat ».

Concertation locale et sanctions

En cas d’infractions, les sanctions existent, notamment pour les installations sans autorisation ou déclaration (ou encore si celles-ci sont refusées ou annulées). Il est d’ailleurs rappelé que, une fois un procès-verbal d’infraction au Code l’urbanisme dressé, « l’autorité compétente en matière d’autorisations d’urbanisme, qui est la plupart du temps le maire, a la faculté de mettre en demeure le responsable de cette infraction soit de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de la construction, des travaux ou installations illicites, soit de déposer une demande d’autorisation visant à les régulariser ». Une décision qui peut être assortie d’une astreinte de 500 euros maximum par jour de retard, dont le produit revient à la commune ou l’EPCI.

« L’exercice du pouvoir de police du maire pour le faire appliquer pourra peut-être être renforcé par des opérations de contrôles ciblées, pour un effet dissuasif », conseillent les auteurs du guide.

Pour autant, le gouvernement recommande, avant d’en arriver là, de mettre en place une « concertation locale »  étant donné le fait que le « quick commerce »  reste une activité encore récente, rappelant au passage « le principe de liberté de commerce et d’industrie ». Il préconise ainsi d’« expliquer aux acteurs économiques du secteur leurs obligations »  et « organiser une période de transition pour ceux d’entre eux qui devraient se mettre en conformité avec la réglementation ».

 

* magasins sombres, cuisines sombres et commerces rapides.

Accéder au guide.


© sources :  maire-info.com – Auteur : Maire-Info / 22 Mars 2022