Alors que les services instructeurs et les opérateurs pouvaient craindre une nouvelle évolution, liée à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, du décompte des délais en matière d’urbanisme, une ordonnance, publiée au Journal officiel du 8 mai, « stabilise » – tout en apportant « des aménagements et compléments » – le cadre juridique existant. Et fige la reprise de ces délais au 24 mai 0 h, indépendamment de la période dite d’« état d’urgence sanitaire » – prorogée jusqu’au « 10 juillet inclus » par la loi qui vient d’être adoptée au Parlement et est actuellement examinée par le Conseil constitutionnel.
Mise en cohérence
Promise par Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, afin de rassurer les acteurs de la construction, cette « mise en cohérence » du cadre juridique fait suite à la publication de trois premières ordonnances (25 mars, 15 avril et 22 avril). Quatre textes auront ainsi été nécessaires pour aboutir à un « compromis » entre les contraintes des collectivités et la peur de la paralysie du secteur du BTP (lire Maire info du 17 avril), tout en tenant compte des spécificités du droit de l’urbanisme.
Comme prévu initialement, les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme, des déclarations d’intention d’aliéner, et des certificats d’urbanisme reprendront bien leur cours à compter du 24 mai. Pour mémoire, si le délai était engagé avant le 12 mars, il reprendra pour le reste à courir. S’il résulte du dépôt d’une demande d’autorisation durant la période dérogatoire, il sera prorogé et commencera à courir à compter du 24 mai à 0 h.
De même, les délais de recours reprendront leur cours le 24 mai à 0 h, une période « sanctuarisée » de 7 jours s’appliquant quel que soit le solde restant (lire Maire Info du 4 mai).
Purge des autorisations
Mais cette dernière ordonnance répond également à certaines interrogations, requêtes et suggestions d’acteurs et de spécialistes de la construction et de l’aménagement. En particulier, le régime de retrait des autorisations d’urbanisme relève désormais de l’article 12 ter de l’ordonnance du 25 mars consolidée. En clair, la suppression du « délai tampon » d’un mois s’applique aussi aux délais de retrait des autorisations d’urbanisme.
Prévu par l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme, le délai de 3 mois laissé à l’auteur de l’acte (expresse ou tacite) pour le retirer commencera ou reprendra dès le 24 mai – et non le 24 juin. Les professionnels de l’immobilier et de la construction peuvent se réjouir : la purge des délais de recours (et de retrait) coïncide désormais. Il s’agit néanmoins d’un point de vigilance pour les services instructeurs et leurs collectivités, le risque d’autorisations tacites pouvant ressurgir.
Urbanisme commercial
Autre « précision » notable : la reprise des délais de recours (et déférés préfectoraux) est étendue aux agréments prévus par l’article L. 510-1 du Code de l’urbanisme – pour « la construction, la reconstruction, l’extension, le changement d’utilisateur ou d’utilisation de locaux ou installations ou de leurs annexes servant à des activités industrielles, commerciales, professionnelles, administratives, techniques, scientifiques ou d’enseignement ne relevant pas de l’Etat ou de son contrôle ».
De même, les recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) sont intégrés à ce régime de suspension et de reprise à compter du 24 mai 0 h.
En bref, les textes évoluent, mais l’objectif reste le même : il s’agit bien d’« éviter qu’une purge trop tardive des délais de recours contre l’autorisation de construire paralyse le secteur de la construction et constitue un frein important à la relance de l’économie », selon les termes du rapport relatif à l’ordonnance. L’art du changement, dans la continuité.
Caroline St-André
Accéder à l’ordonnance du 8 mai.
© sources : AMF France (www.amf.asso.fr) – 11/05/2020