Alors que la courbe des décès dus au covid-19 continue de grimper et que le pic de l’épidémie n’est pas encore atteint, le gouvernement a dû faire évoluer la réglementation en matière de droit funéraire, afin « d’éviter la saturation » des équipements funéraires et de « fluidifier les démarches administratives ». Ces préconisations doivent absolument être connues des maires.
Le gouvernement a publié ce week-end un décret et un arrêté sur ce sujet, et la DGCL a élaboré une note très exhaustive, qui est disponible sur son site internet, et que Maire info publie ce matin.
Les principales dérogations
Le droit commun en matière funéraire ne change pas et reste la règle générale « privilégiée » – avertit d’emblée la DGCL. En particulier, il n’est pas possible « d’interdire l’accès au service extérieur des pompes funèbres aux personnes décédées du covid-19 », car cela serait constitutif d’une « discrimination ».
Mais des règles spécifiques ont été édictées qui doivent s’appliquer « lorsque les circonstances locales le justifient ». Le décret du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec collectivités territoriales, paru au Journal officiel de samedi, permet plusieurs dérogations au droit commun.
La première porte sur l’article R.2213-7 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui dispose que le « transport avant mise en bière du corps d’une personne décédée vers son domicile, la résidence d’un membre de sa famille ou une chambre funéraire » ne peut se faire sans une déclaration écrite préalable effectuée auprès « du maire du lieu de dépôt du corps ». Cette déclaration préalable n’est plus nécessaire pendant l’épidémie. De même, il n’est plus nécessaire de procéder à une déclaration préalable auprès du maire avant le transport d’une commune à une autre après la fermeture du cercueil. Dans les deux cas, une déclaration devra toutefois être adressée au maire « au plus tard un mois » après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Les délais imposés par les articles R.2213-33 et R.2213-35 du CGCT sont également assouplis (l’inhumation, le dépôt en caveau ou la crémation doivent avoir lieu au moins 24 h et au plus 6 jours après le décès). Ces délais peuvent à présent être dépassés sans accord du préfet « dans la mesure nécessaire au regard des circonstances ». Le délai ne peut toutefois dépasser 21 jours, sauf dérogation du préfet.
De plus, contrairement aux dispositions habituelles, qui obligent l’officier d’état civil à transmettre l’autorisation de fermeture du cercueil « sur papier libre », cette autorisation peut, pendant l’épidémie, être transmise « par voie dématérialisée ».
Un arrêté du ministre des Solidarités et de la Santé, paru le même jour, implique que les soins de thanatopraxie sont désormais interdits pour les personnes décédées du covid-19. En revanche, la maladie n’a pas été intégrée dans la liste de celles qui justifient une mise en bière immédiate en cercueil hermétique. « La mise en bière en cercueil simple (…) autorise la crémation ».
Enfin, « lorsque le corps doit être transporté hors de la commune de décès et qu’aucun membre de la famille n’est présent (conditions cumulatives) », le décret prévoit qu’il n’est plus nécessaire que les personnes habituellement habilitées (policier, gendarme, maire, adjoint, garde champêtre ou policier municipal) procèdent à la surveillance de la fermeture du cercueil ni y apposent les scellés. En revanche les opérations de surveillance sont toujours maintenues lorsque le corps est destiné à la crémation.
État civil
Le maire, en tant qu’officier d’état civil, ou l’élu à qui il a délégué ces fonctions, a la responsabilité de la rédaction de l’acte de décès. Il a également l’obligation d’informer les administrations de l’État, en particulier l’Insee, de chaque décès. Ce point est particulièrement important en ce moment, où le gouvernement souhaite mettre en place un suivi le plus précis et le plus rapide possible de la surmortalité y compris en dehors de l’hôpital. Cette mission doit donc, précise la DGCL, être maintenue à tout prix, « y compris les dimanches et jours fériés », sous la forme d’une « permanence « état- civil » joignable à tout moment ». Cette information devra être portée à la connaissance du public et des opérateurs funéraires. Maire info reviendra très prochainement et plus précisément sur ce point.
L’autorisation de fermeture du cercueil doit toujours être délivrée par le maire malgré le contexte épidémique. Mais elle peut l’être de façon dématérialisée. Le décret prévoit toutefois que si cette autorisation n’a pas été obtenue « 12 heures avant les obsèques », les opérateurs funéraires peuvent procéder à la fermeture du cercueil.
Permettre l’accès aux cimetières pour les opérations funéraires
Les cérémonies liées aux obsèques ne sont pas interdites, mais elles sont très encadrées : elles entrent dans le cadre général de l’interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes et de l’interdiction des déplacements, sauf, notamment, déplacements pour motif familial impérieux. Dans les lieux de culte, le nombre de personnes admises à participer à une cérémonie funéraire est au maximum de 20.
Pendant les cérémonies, les mesures d’hygiène et de distanciation sociale doivent impérativement être respectées. Le maire, au titre de son pouvoir de police générale et de son pouvoir de police spéciale des funérailles et des cimetières, a la possibilité de durcir ces mesures.
L’accès aux cimetières est, dans bien des communes, interdit au public au même titre que les parcs et jardins. Néanmoins, précise le ministère, l’accès au cimetière par les opérateurs doit pouvoir se faire « de manière fluide ». Les interdictions d’accès ne doivent donc en aucun cas empêcher les opérateurs d’accéder au cimetière. La DGCL, dans sa note, suggère aux communes, « comme cela peut se prévoir dans un plan communal de sauvegarde, d’indiquer aux opérateurs funéraires les coordonnées d’un responsable à même de faciliter l’accès au cimetière pour les inhumations ».
Respecter les volontés du défunt
Reste que les maires, dans un certain nombre de régions, doivent ou vont devoir faire face à la saturation des cimetières. Même dans ce cas, il ne saurait être question de ne pas respecter la volonté du défunt – ou de la personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles – par exemple en procédant à une crémation faute de pouvoir procéder à une inhumation. La DGCL rappelle à toutes fins utiles que même en période d’épidémie, « sur le choix de mode de sépulture, la volonté du défunt a valeur légale et doit être respectée ».
Le retour des dépositoires
C’est notamment pour faire face à ce problème de saturation – et également pour permettre aux familles de retarder les obsèques afin de permettre, après l’épidémie, à davantage de proches de s’y rendre – que le gouvernement a décidé de remettre en vigueur les dépositoires – c’est-à-dire des locaux permettant d’entreposer un cercueil hermétique avant les obsèques. L’utilisation des dépositoires a été interdite en 2011 par décret – elle est à présent de nouveau autorisée, et le restera après la levée de l’état d’urgence sanitaire, souligne la DGCL. La note fournit une définition précise : « Tout équipement ou local situé hors de l’enceinte du cimetière (…) et, notamment, situés dans un local indépendant, dans une annexe ou dans un bâtiment juxtaposé à l’édifice cultuel, dans un bâtiment juxtaposé au cimetière, dans un cimetière désaffecté, dans un local provisoire déterminé par le maire etc. Ces équipements sont gérés par la commune comme pour un caveau provisoire. »
Le décret précise (article 8) que « le dépôt d’un cercueil hermétique dans un dépositoire ne peut excéder six mois. À l’expiration de ce délai, le corps est inhumé. »
Franck Lemarc
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Télécharger la note de la DGCL.
Réf. : BW40011
© sources : AMF France (www.amf.asso.fr) – 31/03/2020