Malgré la franche opposition que lui opposent les associations d’élus, AMF en tête, le gouvernement est donc décidé à avancer et dessine les contours de la future compétence. Le décret, qui s’appuie sur le seul texte officiel existant, à savoir la loi Maptam, fixe une date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Sauf que, dans le cadre du projet de loi Notre, députés et sénateurs sont d’accord pour retarder cette entrée en vigueur de deux ans, au 1er janvier 2018. Le texte n’a certes pas encore été voté, mais le report semble quasiment acquis.
Comme le prévoit la loi, le décret reprécise que ce seront bien les communes et les EPCI qui seront « gestionnaires » des ouvrages «construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et les submersions» ; c’est donc à eux que reviendra l’application des règles prévues par ce décret.
Le texte décrit, dans deux sous-sections, les ouvrages concernés (digues et barrages). Il fixe les nouveaux délais laissés aux collectivités pour « régulariser les ouvrages existants » : tous les ouvrages existant antérieurement à la date de publication du décret (14 mai 2015 donc), devront obligatoirement faire l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation administrative. Pour les ouvrages de classe A (protégeant plus de 30 000 personnes) ou de classe B (protégeant entre 3 000 et 30 000 personnes), la date limite de dépôt du dossier de régularisation est fixée au 31 décembre 2019 ; pour les ouvrages de classe C (protégeant de 30 à 3 000 personnes), au 31 décembre 2021.
Reste que si la compétence ne prend effet qu’en 2018 au lieu de 2016, il y a fort à parier – ou du moins on peut espérer – que ces délais seront décalés parallèlement.
Tel que le précise le décret, en tout cas, si le dossier n’a pas été déposé à ces échéances, l’ancienne autorisation dont disposait l’ouvrage est « réputée caduque » au bout de deux ans, c’est-à-dire respectivement les 1er janvier 2021 et 2023. L’ouvrage ne sera alors « plus constitutif d’une digue » ou, s’il s’agit d’un barrage, sera réputé « ne plus contribuer à la prévention des inondations et des submersions ».
La conséquence saute aux yeux, et elle est très importante : faute de cette autorisation, le gestionnaire de l’ouvrage (commune ou EPCI) sera considéré comme pleinement responsable de dommages causés par une éventuelle inondation ou submersion, sans aucune exonération.
Le décret fixe également les règles de la nouvelle « étude de danger » que le gestionnaire va devoir fournir au préfet. Sont concernés par cette obligation les barrages de classes A et B, les digues « quelle que soit leur classe », les aménagements hydrauliques et les conduites forcées. L’étude de danger doit être conduite par un organisme indépendant et agréé ; elle liste tous « les risques pris en compte » (crues, séismes, glissement de terrain, avalanche…) et comprend notamment « un diagnostic exhaustif de l’état des ouvrages ».
Une fois que l’étude de danger a été remise au préfet, elle devra être actualisée « tous les dix ans pour les barrages, systèmes d’endiguement et aménagements hydrauliques qui relèvent de la classe A, tous les quinze ans pour ceux qui relèvent de la classe B et tous les vingt ans pour ceux qui relèvent de la classe C ».
Le décret fixe enfin des règles en matière de rapports de surveillance et, le cas échéant, de rapport d’auscultation.
Rappelons que l’Association des maires de France, depuis le vote de la loi Notre, s’est élevée contre les modalités d’attribution de cette compétence nouvelle, obligatoirement dévolue aux communes et ECPI sans qu’aucune étude de son impact financier pour les communes ait été faite, et sans que les collectivités concernées connaissent ni l’état ni le linéaire des ouvrages qui vont leur être transférés. L’AMF, le 17 février dernier encore, demandait dans un communiqué « le réexamen complet de cette compétence », et réitérait sa demande de voir « l’État revenir au premier rang » dans ce dossier de la prévention des inondations.
Il paraît un peu surprenant que le gouvernement publie maintenant ce décret d’application, alors que rien ne l’y obligeait, au moment où le projet de loi Notre va revenir au Parlement et rebattre en partie les cartes… et où un groupe de travail est à l’œuvre entre les associations d’élus et les ministères concernés, dont les réunions ne sont pas finies ! On peut se demander quel message veulent faire passer le Premier ministre et sa ministre de l’Écologie en publiant un décret qui a toutes les chances d’être caduc dans quelques semaines en matière de délais.
Sauf si le gouvernement ne veut, en fait, pas céder sur l’échéance de 2016.