Qu’il reste des places ou non, l’accès à la cantine scolaire est « un droit » pour tous les enfants scolarisés. C’est ce que vient de juger le tribunal administratif (TA) de Besançon qui a imposé hier au maire de la ville « de réexaminer la demande » d’une mère de famille d’inscrire à la cantine son fils scolarisé en CE1. La mairie de Besançon avait en effet refusé en septembre dernier d’inscrire cet élève, âgé de 7 ans, à la cantine et à l’accueil périscolaire de son école primaire Paul-Bert, faute de place et parce qu’elle avait déposé en retard son dossier d’inscription.
Saisi par la mère de l’enfant, le tribunal administratif a annulé cette décision de refus du maire et a ordonné à la commune « de réexaminer la demande de l’intéressée » d’inscription de son enfant au service de restauration dans un délai de 15 jours.
Se référant à l’article L. 131-13 du Code de l’éducation, modifié par la loi Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017, le TA rappelle que « l’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés » et qu’il « ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ». Cela implique, poursuit le tribunal, que les « personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires dont elles ont la charge sont tenues de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit ». En conséquence, « elles doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif du manque de place disponible, refuser d’y inscrire un élève qui en fait la demande ». Le règlement des accueils périscolaires de Besançon, conditionnant l’inscription d’un enfant à la cantine au nombre de places disponibles « méconnaît donc les prescriptions de l’article L. 131-13 du Code de l’éducation », a jugé le tribunal administratif.
« On fixe des droits mais on ne s’occupe pas de prévoir les moyens pour les faire respecter », réagit ce matin Yves-Michel Dahoui, adjoint au maire de Besançon, chargé de l’éducation. L’élu a fait le calcul : « S’il s’agit d’un droit pour tous les élèves, il faut que la ville s’organise pour accueillir le double des enfants inscrits aujourd’hui à la cantine ». Pour accueillir 9 000 élèves, contre 4 500 actuellement, Besançon devrait notamment doubler la capacité de sa cuisine centrale municipale, un coût de plusieurs millions d’euros. Yves-Michel Dahoui évoque aussi les autres contraintes, normatives, qui s’imposent aux maires. « Certaines écoles sont organisées en multisites pour lesquels il y a des seuils que l’on ne peut pas dépasser. Il s’agit de contraintes incontournables liées à la sécurité des enfants. Pour en accueillir un plus grand nombre, il faudrait alors créer de nouveaux locaux ». « On ne peut pas en même temps demander aux collectivités encore plus de rigueur de gestion et leur demander d’ouvrir des services à tout le monde », critique-t-il.
« On avait déjà alerté que l’on se trouverait face à des problèmes insolubles et que les dispositions de la loi égalité et citoyenneté sur la restauration scolaire étaient inapplicables en l’état », explique ce matin à Maire info Isabelle Maincion, co-présidente du groupe de travail restauration scolaire de l’AMF. Dans son volet consacré à l’égalité réelle, la loi entérine en effet le droit à la restauration scolaire pour tous les écoliers, stipulant que « l’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés » (lire Maire info du 7 juillet 2016).
« Toutes les communes ne vont pas forcément avoir les moyens d’accueillir tous les enfants à la cantine sauf à procéder à des travaux immobiliers d’agrandissement et cela au moment où l’Etat réduit à nouveau nos ressources, poursuit Isabelle Maincion. Quand une commune ne pourra accueillir tous les élèves qui le demandent, que va-t-elle faire ? Supprimer ce service ? ».
Le tribunal administratif de Besançon n’a pas, en revanche, donné raison à la mère de famille qui contestait le refus d’inscription de son enfant en accueil périscolaire du matin et du soir. Pour les juges, il ne s’agit pas d’un droit. « Les dispositions qui autorisent les personnes publiques à créer des services périscolaires n’instituent pas un droit d’y être inscrit pour chaque élève. Pour ces services, la commune peut ainsi rejeter les demandes d’inscription lorsque la capacité d’accueil, qu’elle a déterminée, est atteinte », énonce le jugement.
C’est la première fois en France qu’un tribunal administratif se prononçait sur ce sujet. Un jugement qui n’a sûrement pas fini de faire parler de lui.
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