Le prélèvement sur fiscalité des communes à « DGF nulle » se poursuit

L’arrêté listant les communes et EPCI concernés par un prélèvement sur leur fiscalité au titre du redressement des finances publiques a été publié ce matin. Exactement comme l’an dernier à la même date, 439 communes et 132 EPCI sont concernés – pour les mêmes montants. Ces prélèvements concernent les communes et EPCI dont la DGF est égale à zéro… Mais pas toutes, ce qui demande quelques explications.
Lorsqu’en 2014 le gouvernement a décidé de diminuer les dotations aux collectivités au nom de la contribution au redressement des finances publiques, il s’est posé la question de savoir comment les collectivités qui ne touchent pas de dotations allaient, elles aussi, contribuer à ce redressement. Les collectivités qui touchaient alors de la DGF allaient se voir ponctionner fortement ; il apparaissait alors inéquitable que celles qui ne touchaient pas de DGF – d’autant qu’il s’agit, souvent, de collectivités qui bénéficient de l’implantation de grandes entreprises, donc plus riches – ne puissent pas contribuer, elles aussi, d’une façon ou d’une autre. Solution trouvée : prélever chaque année, par douzième, une somme équivalente sur les recettes fiscales de ces communes et EPCI. C’est ainsi que des communes sont passées d’une DGF nulle à une DGF négative, après prélèvement.
Ce prélèvement a touché un nombre de communes croissant au fil des années : elles étaient moins de 60 en 2015, puis 167 en 2016 et enfin 439 l’an dernier (lire Maire info du 26 septembre 2017). La « contribution » que versent ainsi ces 339 communes s’élevait l’an dernier à 26,5 millions d’euros, mais avec des disparités considérables : les prélèvements s’échelonnent de 24 euros pour la commune d’Ardon, dans le Jura, à 1,54 million pour la commune de Puteaux, dans les Hauts-de-Seine, qui abrite une partie du centre d’affaires de La Défense, voire 1,77 million pour Martigues (Bouches-du-Rhône), haut lieu de l’industrie chimique.

Un prélèvement ad vitam aeternam
Reste à comprendre pourquoi ces prélèvements continuent, alors que la période « officielle » de baisse des dotations est terminée depuis 2017. La chose a été actée par la loi de finances pour 2018, qui précise à l’article 159 que ce prélèvement sera désormais « reconduit chaque année ». Même précision dans la note d’information publiée par la DGCL le 18 mai dernier, relative à la dotation forfaitaire des communes : « La contribution au redressement des finances publiques n’est pas reconduite en 2018. Toutefois (…), le prélèvement sur fiscalité opéré en 2017 est reconduit chaque année à compter de 2018 ».
Contrairement aux apparences, cette décision est cohérente. Pour la comprendre, il faut avoir en tête que, bien que la contribution au redressent des finances publiques ne soit « pas reconduite » en 2018, ce n’est pas pour autant que la DGF est revenue à ses niveaux d’avant 2014 ! Ce qui a été retiré aux collectivités au fil des années ne leur a pas été rendu depuis cette année. Autrement dit, le montant global de la DGF issu des baisses successives de dotations est bien plus bas aujourd’hui qu’il ne l’était en 2013 (de l’ordre d’une dizaine de milliards d’euros). Cela signifie que les collectivités, dans leur ensemble, même s’il n’y a plus de baisse annuelle, continuent somme toute de « contribuer au redressement des finances publiques » chaque année ! C’est d’ailleurs un des aspects qu’a dénoncé hier André Laignel, le président du CFL, lors de sa conférence de presse (lire article ci-dessus).
Dans ce contexte, c’est au nom de l’équité que le gouvernement demande également aux collectivités ne touchant pas de DGF de continuer, elles aussi, à payer, via la poursuite des prélèvements sur fiscalité.
Reste enfin à comprendre pourquoi la liste des collectivités touchées est exactement la même que l’an dernier, alors que le nombre de communes en « DGF nulle » a fortement augmenté : il y en a, en 2018, 640. Or, on l’a dit, seules 439 communes sont concernées par le prélèvement cette année encore.
Rien d’illogique dans cette situation : les communes qui sont en situation de « DGF nulle » depuis cette année seulement touchaient, par définition, de la DGF les années précédentes. Elles ont donc été touchées par la baisse des dotations entre 2014 et 2017 et les prélever, au même titre que les autres, reviendrait à les faire payer deux fois. Toutefois, leur DGF a été ramenée à zéro en 2018 sous l’effet d’un mécanisme d’écrêtement. Ce mécanisme, qui est indépendant de la contribution prélevée sur la période 2014-2017, continue à s’appliquer chaque année. L’écrêtement touche environ 18 000 communes (c’est d’ailleurs principalement ce dispositif qui explique qu’un nombre très important de communes ont constaté une nouvelle baisse de leur dotation cette année). En raison de cet écrêtement, le nombre de communes à DGF nulle continuera donc à augmenter chaque année.

À noter que l’arrêté comporte également la liste des communes et EPCI soumis à un prélèvement sur leur fiscalité au titre d’autres dispositifs que la contribution au redressement des finances publiques.
Franck Lemarc

Télécharger l’arrêté.
Retrouver la carte des communes et EPCI concernés par les prélèvements sur fiscalité dans Maire info du 26 septembre 2017.


© sources : Maire Info (www.maire-info.com) – 26/09/2018