Intervenant en clôture du 107e congrès des maires, Sébastien Lecornu a entendu la demande de simplification normative exprimée par l’AMF et promet des décisions rapides, « avant Noël ». En revanche, les maires sont restés sur leur faim en matière de finances.
C’est un Premier ministre au ton modeste, conscient de « la précarité » de sa position, qui est venu clôturer le 107 congrès des maires, hier. Renonçant, comme cela semble être devenu la norme, à lire le discours « qu’on lui avait préparé », Sébastien Lecornu a dit plutôt vouloir « partager » avec l’auditoire quelques « réflexions, constats et leçons » .
« Jacobinisme régional »
Il a d’abord constaté un certain nombre « d’acquis » et de débats qui n’ont plus lieu, jugeant qu’aujourd’hui, par exemple, « les discours des hurluberlus qui disaient qu’il fallait réduire le nombre de communes à 5 000 sont derrière nous ». Il a pleinement partagé les constats de l’AMF sur la complexification de l’action publique – « on perd peu à peu en liberté parce qu’on n’arrive plus à faire simple » – et a dénoncé non seulement « le traditionnel jacobinisme parisien mais également un nouveau jacobinisme régional », né depuis l’émergence des grandes régions.
Il a ensuite évoqué une grande question « culturelle » qu’il va impérativement falloir trancher : « Le débat entre liberté et égalité ». « Faut-il gérer les choses de la même manière à Cannes, à Troyes et à Vernon ? Quand on parle de différenciation, tout le monde dit oui, mais quand cela arrive au Parlement plus personne n’est d’accord. »
Ce débat est au centre de la question de la décentralisation – le Premier ministre a reconnu que certaines tentatives de décentralisation ont pu être « un mirage » et que depuis « vingt ou trente ans la décentralisation est en train de se défaire ». La vraie question à poser selon lui étant : « Qu’est-ce qu’on attend de l’État ? ».
Concrètement, il n’a pas donné de réponses très claires à ses propres interrogations, mais a simplement évoqué la question du logement, qui doit « faire l’objet d’une grande clarification » , reprenant une de ses formules qui a fait florès : « Il y a trop de cuisiniers dans la cuisine et on ne sait plus qui fait quoi. » Sébastien Lecornu estime qu’il ne faut pas attendre la présidentielle pour « dénouer la question du logement » . Mais que va-t-il proposer ? S’il s’agit de transférer la compétence aux communes ou aux intercommunalités sans moyens, « ce n’est même pas la peine », notait laconiquement David Lisnard devant des journalistes, après le discours. (Sur ce sujet et les craintes de l’AMF, voir l’interview de Thierry Repentin à Maire info, datant de la veille).
« Élagage » en vue sur les normes
Il y a au moins un sujet où le Premier ministre va donner du concret aux maires : c’est celui des normes, souvent « pavées de bonnes intentions » mais dont la manière de les mettre en œuvre est « déconnectée de la réalité ». Le Premier ministre a pris plusieurs exemples et annoncé des décisions rapides.
Le décret tertiaire par exemple, qui exige de considérables travaux pour automatiser le chauffage et la climatisation dans les bâtiments des collectivités, a une échéance en 2027. Absurde, pour le Premier ministre : « Quelle équipe élue en 2026 va faire cela en un an ? » . Il a promis de prendre un décret pour allonger les délais, à 2030 : « À nous de nous adapter aux réalités du mandat municipal ! ».
Sur la commande publique, il s’est également engagé à pérenniser la dérogation fixant à 100 000 euros le seuil pour les marchés de travaux et à placer à 60 000 euros le seuil pour les achats de fournitures.
Par ailleurs, il a annoncé un « méga-décret » de simplification « avant Noël » , avec « 30 premières normes » qui seront supprimées, avant une deuxième vague de « 70 normes » en janvier et février. Il a listé, sous les applaudissements de l’assistance, certaines d’entre elles, « complétement surréalistes » : le méga-décret pourrait notamment « autoriser les réunions des CDCI en visioconférence, autoriser la fusion de tous les registres de délibération des collectivités locales, supprimer l’obligation de signature des formulaires Cerfa pour les autorisations du droit du sol, (mettre) fin à l’obligation d’impression des documents d’urbanisme pour leur diffusion, supprimer l’obligation de contrôle bimensuel des incinérateurs, (…) fusionner tous les bilans annuels sociaux en un seul document » … Plus applaudie encore, la décision de « supprimer l’obligation annuelle de vidange des piscines municipales » . Tout cela « peut paraître dérisoire » , mais « c’est la vie quotidienne de nos élus ».
Ces mesures sont évidemment bienvenues et demandées de longue date par l’AMF. Mais il faut noter que supprimer des normes, aussi utile que cela puisse être, ne répond pas, en revanche, à la demande de l’association de voir les communes disposer elles-mêmes d’un pouvoir normatif. Le Premier ministre a évité ce point.
Prime régalienne
Sébastien Lecornu a également mentionné un point que l’on avait déjà un peu oublié : sa promesse, faite au moment de son accession à Matignon, de mettre en œuvre « une plus juste reconnaissance de l’engagement des maires comme agents de l’État » (lire Maire info du 18 septembre). Rappelant que le maire exerce par délégation un certain nombre de compétences de l’État, le Premier ministre se propose d’instaurer une « prime régalienne » visant à compenser (du moins en partie) le temps passé par le maire à agir en tant qu’agent de l’État.
Dans la proposition de loi sur le statut de l’élu local, il est prévu l’établissement d’un rapport d’ici à juin prochain pour estimer « l’opportunité » d’une telle prime. Apparemment, le Premier ministre a tranché – et si le principe est louable, le montant a de quoi décevoir, puisqu’il a évoqué « 500 euros par an ».
Il reste à savoir quand et comment cette « prime » sera décidée. Dans le projet de loi de finances actuellement en cours de discussion ? Dans la proposition de loi sur le statut de l’élu ? Si c’est ce dernier choix qui est retenu, cela poserait un problème, car le texte, pour pouvoir être rapidement promulgué, doit être adopté « conforme » par l’Assemblée nationale, c’est-à-dire sans changement. Si le gouvernement y ajoutait cette disposition, cela aurait pour effet mécanique de renvoyer le texte pour une nouvelle navette parlementaire. Un bien, donc, pour un mal.
Budget : rien de concret
On notera enfin, évidemment, que le Premier ministre, sur la question des ponctions sur le budget des collectivités, s’est gardé de toute promesse et en est resté au stade des généralités. « Il y a eu des ratés » dans le projet de loi de finances, a-t-il reconnu – sans dire lesquels –, il faut « que l’État respecte la parole donnée », sans oublier le traditionnel – car prononcé par le Premier ministre ou le chef de l’État presque à chaque congrès de l’AMF – « personne ne comprend plus rien au calcul de la DGF ». C’est tout. Au-delà de la promesse maintes fois faite et jamais tenue de « remettre à plat » la fiscalité locale, le Premier ministre ne s’est engagé à rien, à part à qu’il « a donné mandat aux ministres de trouver le meilleur équilibre sur les finances publiques » , pour donner « de la clarté financière pour l’année prochaine ».
Un silence, sur le sujet, qui n’a hélas surpris personne à l’AMF. David Lisnard, lors de l’ouverture du congrès, avait prévenu de la façon dont les choses se passent habituellement en fin de congrès, lors de la venue du chef du gouvernement ou de l’État : « Flattés en novembre, taxés en décembre. »
© sources : Maire Info (www.maire-info.com) / Franck Lemarc – 21/11/2025