Après avoir été largement adopté à l’Assemblée nationale le 28 mai (351 voix contre 156), le projet de loi Transformation de la fonction publique est, depuis hier soir, à l’ordre du jour du Sénat en séance publique. Divisé en cinq chapitres, le texte élargit, entre autres, les conditions de recrutement sous contrat. Si Jean-Marie Mizzon, sénateur UDI de la Moselle, estime qu’il s’agit d’une « bonne chose », Éliane Assassi (CRCE, Seine-Saint-Denis), auteure d’une question préalable, y voit là « une étape supplémentaire vers la privatisation » ainsi qu’une « remise en cause du statut (des fonctionnaires) créé en 1946 ». Sur les bancs socialistes, la méfiance est aussi de mise. « Vous élargissez massivement la possibilité de recruter des contractuels en mettant ces derniers en concurrence avec les fonctionnaires – que vous fragilisez. Vous multipliez les risques d’emplois de complaisance, au détriment de la compétence, et vous réduisez fortement les perspectives de carrière des fonctionnaires qui ont fait le choix de s’engager en faveur de l’intérêt général », a déploré Didier Marie (Socialiste et républicain, Seine-Maritime).
« Pas de remise en cause du statut général de la fonction publique »
Olivier Dussopt, secrétaire d’État à Bercy, avait répondu, par anticipation, à ces critiques. « En aucune façon, ce texte ne constitue une remise en cause du statut général de la fonction publique, a-t-il assuré en ouverture de la discussion générale. Nous avons veillé à respecter le principe posé par l’article 3 de la loi de 1983, selon lequel les emplois permanents de l’administration sont occupés par des agents titulaires ». Et d’ajouter : « Cet élargissement favorisera la diversification de la fonction publique. Les contractuels pourront occuper des emplois de direction des trois versants de la fonction publique. Un contrat de projet sera mis en place mobilisant des profils divers et sécurisant le recrutement d’agents contractuels ».
Le gouvernement a, par ailleurs, déposé un amendement pour « élargir la portabilité des CDI entre versants de la fonction publique, sans ouvrir le primo-recrutement en CDI dans la fonction publique territoriale ». Et répond ainsi à une revendication des employeurs publics territoriaux.
En commission des lois, les sénateurs ont « élargi ce contrat de projet aux agents de catégorie C [ce contrat d’un à six ans n’était ouvert qu’aux agents des catégories A et B dans le projet de loi initial pour la fonction publique territoraile, à la demande des employeurs territoriaux – ndlr], permis aux communes de moins de 2 000 habitants de pourvoir l’ensemble de leurs emplois par voie de contrat et conforté les concours sur titres comme le recrutement de policiers nationaux ou de militaires dans les cadres de la police municipale », a résumé Catherine Di Falco, sénatrice Les Républicains du Rhône. Mathieu Darnaud, son homologue de l’Ardèche, a ajouté que certaines dispositions retenues par le gouvernement avaient été proposées par le Sénat, « comme l’harmonisation par le haut du temps de travail annuel des agents ou la possibilité de procéder à des ruptures conventionnelles ».
« Vider les CAP de leurs compétences n’améliorera pas le dialogue social »
Le projet de loi prévoit aussi de « simplifier », selon les mots d’Olivier Dussopt, les conditions d’exercice du dialogue social en créant le Comité social territorial (issu de la fusion du comité technique et du CHSCT) mais aussi en révisant les missions de la commission administrative paritaire (CAP). Il autorise aussi le gouvernement à légiférer par ordonnances sur le sujet. « Vous remettez en cause le dialogue social à tous les étages de la fonction publique (…) Les CAP voient leurs prérogatives réduites, au motif qu’elles seraient facteurs de rigidité, alors qu’elles sont bien plutôt un gage de transparence », a fustigé Didier Marie. Les mutations et les promotions ne seront, en effet, plus examinées en commission administrative paritaire (CAP) : « Vider les CAP de leurs compétences n’améliorera pas le dialogue social. Pire, on risque d’accroître les rapports conflictuels. Ne rayons pas d’un trait de plume leurs compétences en matière d’avancement ou de promotions », a prévenu Jean-Marie Mizzon, sénateur UDI de la Moselle.
Olivier Dussopt a garanti que les questions d’hygiène et de sécurité ne seraient « pas oubliées ». « Alors que seuls les membres des CHSCT sont assujettis à une obligation de formation aujourd’hui, tous les membres de la nouvelle instance y seront désormais soumis. Une formation spécifique à l’hygiène et à la sécurité est prévue à partir de 300 ETP dans la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière, à partir de 200 ETP dans la fonction publique territoriale, à la demande de l’AMF ».
Le financement de l’apprentissage « sécurisé »
Retenons, en outre, deux dispositions qui concernent les collectivités. La prime de précarité sera réservée aux contrats d’une durée inférieure ou égale à un an dont la rémunération n’excède pas deux smic. « Ce dispositif entrera en vigueur pour les contrats conclus à partir de 2021 de manière à ce que les employeurs publics puissent s’emparer du dispositif. Le coût est estimé à 350 millions d’euros par an, dont 150 millions d’euros pour la fonction publique territoriale et 90 millions d’euros pour la fonction publique hospitalière », a détaillé Olivier Dussopt.
Enfin, la commission des lois « a sécurisé le financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale qui en emploie actuellement 14 000, s’est réjoui Alain Marc, sénateur Les Indépendants de l’Aveyron. Initialement, il était prévu que le CNFPT contribue à hauteur de 75 % aux frais de formation des apprentis pour un coût estimé à 58 millions d’euros. C’est trop et je salue le compromis de la commission des lois où l’État contribue à hauteur de 30 % (23 millions d’euros) tandis que le CNFPT prendrait à sa charge 20 % ».
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© sources : Mairie Info (www.maire-info.com) – 19/06/2019