A rebours des critiques lancinantes de l’Exécutif contre l’action des collectivités locales, ravivées récemment par le Président de la République et le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, le rapport de Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, choisit une approche constructive, réaliste et sans acrimonie de l’organisation et du fonctionnement des pouvoirs locaux. Même si l’AMF n’en partage pas toutes les conclusions, ce travail précis est une contribution utile à la réflexion sur notre modèle territorial.
Le rapport pointe d’abord le taux de confiance très élevé des citoyens à l’égard de la capacité des collectivités territoriales, et particulièrement des communes (68%) à « gérer efficacement l’argent public », et le rapport constate que « la dépense publique des collectivités apparait maîtrisée sur la période récente et plutôt faible en comparaison européenne ». Cet utile rappel confirme la légitimité de la parole portée par les représentants des collectivités dans le débat avec l’Etat et le Parlement sur les finances publiques locales.
La question de la libre administration des collectivités est à juste titre au cœur du rapport en confirmant qu’il ne peut y avoir de mise sous tutelle des collectivités, ni par l’Etat par l’émission des normes, la contractualisation ou le fléchage des dotations, ni entre les collectivités elles-mêmes, par la voie des chefs de file. L’AMF partage le constat du rapport selon lequel la principale cause de l’enchevêtrement des compétences au niveau communal reste l’intervention excessive de l’Etat dans les politiques publiques décentralisées. Confirmant le mouvement de centralisation dénoncée de longue date par l’AMF, le rapport constate, sur la base des dépenses publiques effectuées par les collectivités, que « la France est le grand pays européen le moins décentralisé ».
Le rapport place au premier rang de ses propositions le renforcement du rôle et de la place du CNEN qui doit pouvoir pleinement remplir sa mission de contrôle et de limitation de l’émission des normes, qui constituent pour l’AMF la principale contrainte qui pèse sur l’efficacité de l’action des collectivités.
Parmi les nombreuses propositions, l’AMF portera une attention vigilante sur toutes les propositions de concentration de compétences, par exemple sous l’autorité de chefs de file, de certaines compétences aujourd’hui partagées, ainsi que sur les modalités de simplification des circuits comptables qui ne doit pas se faire au détriment de la clause de compétence générale des communes, du juste emploi et de la sécurité des financements, ou sur les conditions de réorganisation des responsabilités en matière de fonction publique territoriale.
Boris Ravignon est allé sans doute au-delà du périmètre de la mission qui lui était confiée, ce qui enrichit son rapport, mais pose la question de son articulation avec le rapport Woerth.
Pour aller plus loin
© sources : amf.asso.fr – Réf : BW42221 / Auteur : AMF / 30 Mai 2024