Rapport Woerth : pas de confiance sans liberté

Le rapport d’Éric Woerth s’ouvre sur le constat que « la confiance entre l’Etat et les collectivités territoriales doit être rétablie ». Quelques jours à peine après la mise en cause, par le Président de la République et le rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale, de la gestion financière des collectivités, cette recommandation apparaît particulièrement pertinente.

Pour l’AMF, retrouver la confiance, c’est respecter le principe de la libre administration, ou, comme l’écrit Éric Woerth, respecter « l’autonomie de décision », rejoignant ainsi le constat de Boris Ravignon sur l’intervention excessive de l’Etat dans le fonctionnement des collectivités.

Retrouver la confiance, c’est exclure la tutelle sous toutes ses formes.

L’AMF salue le travail considérable et la qualité d’écoute d’Eric Woerth. Il formule un ensemble de propositions très diverses, mais d’inégale portée, qui, de ce fait, ne répondent pas vraiment à l’objectif qu’il a fixé lui-même de « donner une vision ambitieuse de la décentralisation ».

Parmi les recommandations importantes, plusieurs rejoignent les propositions de l’AMF. Éric Woerth rappelle à juste titre la normalité de la France en nombre de catégories de collectivités, redonne à l’intercommunalité sa vocation de principe d’être au service des communes dans une organisation respectant la subsidiarité et encourage les communes à se renforcer en s’unissant au sein des communes nouvelles. Le rapport préconise aussi fortement une nouvelle répartition du pouvoir règlementaire, au profit des collectivités.

Mais certains enjeux essentiels ne sont pas traités en profondeur et l’ambition décentralisatrice n’est donc pas au rendez-vous.

C’est particulièrement le cas en matière de finances locales. La proposition de nouvelle « gouvernance partagée » des finances locales est un leurre qui prolonge en réalité le mouvement en cours de recentralisation des moyens et des décisions. Il s’agit de supprimer les organes représentatifs des collectivités au profit d’un dispositif entièrement dominé par l’Etat.

La volonté de donner à la nouvelle instance de gouvernance des finances locales la mission de contrôler les ressources et les dépenses des collectivités en fait un puissant instrument de centralisation.

L’AMF exprime son profond désaccord sur cette vision une fois de plus recentralisatrice de l’organisation des finances locales.

De même, le rapport regrette que le Conseil Constitutionnel ait jusqu’alors refusé que les « collectivités chefs de file » puissent déterminer les modalités d’action des autres collectivités, et propose une révision de la Constitution pour rendre possible ce qui constituera une véritable tutelle d’une collectivité sur les autres.

La recentralisation régionale ou départementale n’est pas une perspective acceptable pour les communes, pas plus que la concentration sur une seule catégorie de collectivités de compétences jusqu’à lors partagées, particulièrement la compétence Tourisme ou celle des SDIS.

L’esprit de confiance que prône le rapport n’est pas non plus au rendez-vous lorsqu’il est proposé la création d’un véritable « délit de carence » opposable à une collectivité que le Préfet pourrait contraindre à prendre des mesures de gestion qui relèvent de sa seule compétence.

Enfin, la suspicion que jette le rapport sur les conditions de gestion des personnels de la FPT par les collectivités doivent conduire à une approche très prudente des propositions de transfert de responsabilités aux collectivités en matière de fonction publique.

Sur les enjeux essentiels de la libre administration, la convergence de certaines propositions avec les positions portées par les grandes administrations de l’Etat n’est pas de nature à rétablir cette confiance que le rapport appelle de ses vœux et place la concertation qui devrait s’ouvrir dans une perspective de prudence et de réalisme.

Après beaucoup de grandes concertations qui sont restées lettre morte comme le Grand Débat ou le CNR, le Président de la République a annoncé un nouveau cycle d’échanges sur la base de ce rapport. Il est sans doute préférable que ceux-ci portent sur des sujets précis qui fassent l’objet d’un examen au cas par cas, plutôt que débattre à l’infini sur les grands principes que l’Etat quoi qu’il en soit n’aborde que de façon centralisatrice.

L’AMF y participera en ayant à cœur de faire respecter la libre administration des collectivités. Avec l’espoir donc de retrouver la confiance.

Pour aller plus loin


© sources :  amf.asso.fr – Réf : BW42222 / Auteur : AMF / 31 Mai 2024