En procédant à l’extinction définitive de son réseau analogique, la France connaissait, en novembre 2009, une évolution technologique historique. Près d’une décennie plus tard, la réception de bonne qualité de la télévision numérique terrestre (TNT) est pourtant loin d’être une formalité partout sur le territoire. Dans certaines communes rurales, les « brouillages des signaux de la TNT » (phénomènes de pixellisations des images, de coupures intermittentes voire de perte totale de la réception) sont persistants. Bien souvent, l’implantation de parcs éoliens « entre l’émetteur et la commune » peut affecter la bonne réception des chaînes de télévision reçues par une antenne râteau [utilisée par plus de la moitié des foyers, ndlr], confirme, à Maire info, Isabelle Hautbois, directrice de la communication et des relations institutionnelles à l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et auteure d’une brochure sur le sujet à destination des maires.
Un lien de causalité à établir
« Si un maire reçoit plusieurs plaintes de téléspectateurs en mairie, il peut faire une demande d’enquête à l’ANFR, qui procédera gratuitement à une expertise technique », assure Isabelle Hautbois. Conjointement avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, l’ANFR est chargée par la loi de la protection de la réception de la TNT par voie hertzienne. C’est elle qui établira ou non le lien de causalité.
Deux options se présentent alors au maire. Soit les brouillages sont liés à l’implantation d’un parc éolien à proximité de la commune, soit l’origine du problème est à chercher ailleurs (problème d’émetteur, équipement de téléspectateurs qui ne serait pas aux normes…).
Si le lien de causalité est établi, l’ANFR oriente alors le maire vers le constructeur – le plus souvent privé – du parc éolien. L’article L112-12 du Code de la construction et de l’habitation oblige, en effet, ce dernier (cela vaut également pour les constructeurs de centrales nucléaires) à « faire réaliser à ses frais, sous le contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel, une installation de réception ou de réémission propre à assurer des conditions de réception satisfaisantes dans le voisinage de la construction projetée. Le propriétaire de ladite construction est tenu d’assurer, dans les mêmes conditions, le fonctionnement, l’entretien et le renouvellement de cette installation. »
Le constructeur peut « mettre en place un émetteur TNT qui viendrait couvrir uniquement la zone perturbée ou financer un mode de réception alternatif via le satellite, le câble ou l’ADSL », complète Isabelle Hautbois, qui conseille aux maires « d’inciter, avant l’implantation du parc éolien, le constructeur à réaliser une étude d’impact sur la réception TNT pour identifier en amont les difficultés qui surviendront et les solutions à mettre en œuvre ».
« Un peu plus de 300 dossiers »
La mauvaise réception de la TNT touche de nombreux foyers en France : depuis 2009, l’ANFR a traité « un peu plus de 300 dossiers » en lien avec ce type de brouillage. C’est, par exemple, encore le cas à Saint-Amand-sur-Fion (Marne), où « une médiation est en cours, affirme l’ANFR. Plusieurs parcs éoliens sont présents sur la zone et la difficulté est d’identifier la responsabilité du parc concerné pour les plaintes reçues. L’ANFR a réalisé une première série de mesures qui n’ont pas permis d’identifier clairement les responsabilités. De nouvelles mesures sont à prévoir ».
La mauvaise réception de la TNT est, en revanche, de l’histoire ancienne pour les habitants de Neuvy-en-Mauge (Maine-et-Loire) et de Travecy (Aisne), où l’ANFR a mené « une médiation entre la mairie, les téléspectateurs et les deux constructeurs des parcs éoliens ». Ces derniers ont accepté la prise en charge des travaux chez les téléspectateurs « afin qu’ils optent pour un mode de réception alternatif à l’antenne râteau ».
Ce matin, l’AMF dit suivre l’évolution de la situation depuis le passage au numérique. Pour l’association, « les changements de normes de diffusion ne peuvent être acceptés que si cela se traduit par une amélioration sensible de la couverture des territoires et l’attribution d’une aide de l’État à destination des foyers modestes. » Devant la « persistances des difficultés locales », l’AMF entend se rapprocher de nouveau de l’ANFR pour faire un nouveau bilan.
Les perturbations de la TNT par des éoliennes pourraient encore se poursuivre à l’avenir. « Le parc français est le quatrième plus important d’Europe avec 13,6 GW de capacités installées en 2017, estime EDF. En 2017, le parc éolien français a produit 24 TWh soit 4,5% de la production d’électricité nationale. Cela représente une progression de 14,8 % par rapport à 2016. En 2017, 3 régions totalisent plus de 60 % de la production d’électricité d’origine éolienne nationale. Il s’agit du Grand-Est (5,56 TWh), des Hauts de France (5,71 TWh) et de l’Occitanie (3,13 TWh) ».
Accéder à la brochure de l’ANFR.
© sources : Maire Info (www.maire-info.com) – 25/03/2019