Le secrétaire d’État chargé du Budget, Christian Eckert, a présenté, mardi soir, aux membres de la commission des finances du Sénat, les résultats de l’expérimentation de la future révision des valeurs locatives des 46 millions d’habitations françaises. Celle-ci a notamment pour objectif de rétablir l’équité fiscale entre les Français en actualisant les bases de calcul des taxes foncières, d’habitation et d’enlèvement des ordures ménagères, inchangées depuis les années 1970.
La première partie de ce travail, qui portait sur la phase de recueil des informations auprès des propriétaires bailleurs, a déjà été publiée l’an passé (lire Maire info du 16 mars 2016). Christian Eckert a dévoilé, cette fois, les résultats des simulations réalisées dans cinq départements (Charente-Maritime, Nord, Orne, Paris et Val-de-Marne). Ils donnent une idée des conséquences engendrées par la révision des valeurs locatives d’habitation.
Et elles ne sont pas minces puisque, suite à leur révision, les valeurs locatives des locaux d’habitation du parc privé pourraient augmenter de 151,5 %. « De quoi faire sauter plusieurs gouvernements », juge Daniel Raoul, sénateur du Maine-et-Loire, reprenant la célèbre phrase de Michel Rocard. Un pourcentage qui cache, en outre, une « forte hétérogénéité » entre les différents départements étudiés puisqu’à Paris l’augmentation s’élèverait à plus de 131 % alors que dans le Nord elle culminerait à près de 240 %.
Concernant les logements sociaux, les résultats divergent sensiblement selon le scénario choisi. Soit les valeurs locatives des logements sociaux augmenteraient bien moins que celles des logements du parc privé, à hauteur de 18,7 %, soit elles suivraient un ordre de grandeur comparable au parc privé, avec plus de 128,5 %. Définir la bonne méthode sera « une décision politique importante », indique Christian Eckert.
Autre enseignement, la réforme engendrerait des transferts de charge entre différents contribuables afin de rétablir l’équité fiscale. Mais il s’avère que, « assez systématiquement », ce sont les petits logements qui y perdent au change. En effet, les résultats de l’expérimentation montrent que les tarifs des locaux de petites surfaces sont plus élevés que ceux des locaux de grandes surfaces. « Pour les appartements, les valeurs locatives issues du travail mené dans les cinq départements augmentent de 125 %, alors que pour les maisons d’habitation, elles augmentent de 185 %. Pour les petits appartements, l’augmentation serait de 223 %. Les écarts sont donc importants et il en va de même pour les maisons », détaille le secrétaire d’Etat au Budget.
Il prévoit, toutefois, la mise en place de « mécanismes atténuateurs pour étaler dans le temps les transferts de charge et rendre ainsi la réforme soutenable pour les locaux d’habitation et professionnels qui enregistrent les plus fortes révisions de valeurs locatives ».
« Il risque d’y avoir autant de perdants que de gagnants, beaucoup de nos concitoyens vont protester, prévient le sénateur de l’Essonne, Vincent Delahaye, qui juge que, si un gouvernement a le courage de mener une réforme globale, il faudra prévoir un délai suffisant ». Réponse de François Marc, sénateur du Finistère : « On entend des plaintes mais cette réforme n’a d’autre but que la justice. Aussi ne faut-il pas trop l’étaler. Voilà des années que certains profitent du système en payant moins qu’ils ne le devraient. Certes, un lissage sur dix ou douze ans est acceptable. Mais pendant trente ou quarante ans, d’autres ont payé trop, et il est grand temps de rectifier leur situation ».
Pour les collectivités, Christian Eckert réaffirme que « la réforme peut être sans impact sur les ressources des collectivités ». Pour assurer cette neutralité, il estime qu’il serait notamment « nécessaire d’ajuster les taux d’imposition sur le périmètre de chaque collectivité », sans quoi, « les ressources de l’ensemble des collectivités des cinq départements expérimentateurs augmenteraient de 154 %, soit 4,6 milliards d’euros ».
Christian Eckert propose, in fine, d’articuler la réforme des locaux d’habitation selon quatre grands axes. D’abord, il suggère la simplification des modalités de collecte des informations nécessaires au calcul des valeurs locatives révisées, la participation des élus et des représentants des propriétaires des locaux d’habitation afin de prendre en compte les spécificités du tissu local, mais aussi la mise en place d’un dispositif de « mise à jour permanente », qui mobiliserait les particuliers, tant occupants que propriétaires. Enfin, le dernier axe aurait trait à la gestion des annexes aux appartements et aux maisons et des dépendances isolées qui, « bien que peu nombreuses, ont fait apparaître des difficultés particulières ».
© sources : Mairie info (www.maire-info.com) – 24/02/2017
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