Les trois associations qui composent Territoires unis (AMF, ADF et Régions de France) se sont exprimées hier, au Sénat, à l’occasion de leurs vœux, par la voix de leurs présidents François Baroin, Dominique Bussereau et Hervé Morin. L’occasion pour eux de réitérer leur demande de l’organisation d’une « conférence territoriale et sociale » après le Grand débat national, de rappeler la nécessité d’une réforme de la fiscalité locale, et de demander – ce qui est nouveau – la fin du dispositif de contractualisation financière et non plus une simple clause de revoyure au printemps.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a débuté avec un discours très combatif, estimant que la création de l’association Territoires unis, en septembre dernier à Marseille, a été « un des moments politiques les plus importants de 2018 ». Gérard Larcher s’est félicité du retour des maires dans le débat : « Après avoir été balancés, voilà qu’on s’accroche à eux ! ». Il a toutefois vivement critiqué certaines questions mises par le gouvernement au menu du Grand débat, comme la réduction du nombre des élus, celle du nombre de collectivités, ou encore la place et l’utilité du Sénat. Il a souhaité, en revanche, que la question du non-cumul des mandats soit rediscutée, estimant qu’elle a été « une fausse bonne idée, (qui) porte en germe le risque de déconnexion entre le Parlement et les territoires ». Estimant l’union entre les trois associations nationales d’élus « essentielle », Gérard Larcher a souhaité qu’elle soit encore confortée cette année et a promis qu’elle serait soutenue « avec enthousiasme » par le Sénat.
Affirmer les libertés locales
Les trois présidents des associations ont ensuite pris la parole, tous sur un ton également combatif. Dominique Bussereau, pour les départements, a annoncé que les trois associations allaient faire « des propositions communes » sur la réforme des finances locales – dont le gouvernement a récemment laissé entendre qu’elle n’interviendra pas, comme prévu, au printemps, mais plutôt en fin d’année. Dominique Bussereau a également appelé à en finir avec « cette règle stupide du 1,2 % », c’est-à-dire l’exigence du gouvernement de limiter à 1,2 % par an la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Il a d’ailleurs noté que le montant de 10 milliards d’euros « lâché par le gouvernement pour éteindre les incendies » n’était pas très éloigné des 13 milliards d’euros d’effort demandé aux collectivités.
Hervé Morin, président de Régions de France, s’est félicité de la « formidable idée » qu’a été la création de Territoires unis. Il a rapproché le ressenti des élus de celui des Gilets jaunes : « Nous avons ressenti la même chose que nos compatriotes – la verticalité et la concentration du pouvoir. » Estimant que certaines des institutions de la Ve République sont « à bout de souffle », Hervé Morin a appelé à « revoir l’organisation publique et administrative » du pays, ce qui passe par « l’existence de libertés locales affirmées » : « Les bulletins de vote locaux ont autant de valeur que ceux qui permettent d’élire les députés ou le président de la République. » Regrettant le « temps perdu », le président de la région Normandie a appelé à s’attaquer à la résorption de la fracture territoriale avec « deux impératifs » : « Arrêter de construire des collectivités XXL et cesser de supprimer des services publics de proximité. »
« Vision commune » des trois niveaux de collectivités
François Baroin, président de l’AMF, a rappelé tous les points de friction entre le gouvernement et les élus en 18 mois. L’effort financier demandé aux collectivités passé de 10 à 13 milliards d’euros, la baisse des APL, la suppression brutale des emplois aidés (« Qui a reçu dans ses bureaux la douleur des gens ? Ce sont les maires »), la contractualisation à marche forcée – qui, rappelle François Baroin, ne concerne pas que les grandes collectivités, car les plus petites payent aussi les conséquences des économies que les plus grandes sont forcées de faire. Pour le maire de Troyes, la campagne #BalanceTonMaire et l’échec de la CNT ont été les gouttes d’eau qui ont fait déborder le vase et qui ont convaincu les élus des trois échelons de collectivités de s’unir pour « présenter une vision commune ». « Nous souhaitons maintenant que tout cela soit derrière nous, nous demandons l’arrêt des mesures brutales, nous voulons de la considération. » Il a demandé que le débat soit « rouvert » sur tous les sujets qui fâchent : la taxe d’habitation (« la révision des bases devrait être le premier point de réflexion »), les 1,2 % (« l’effort demandé est trop important dans une période de remontée de l’inflation »), la loi Notre, « qu’il faut réviser mais pas dans n’importe quelle condition ». Pas question, par exemple, d’en profiter pour tenter de « remettre en cause les départements ».
François Baroin a estimé que le Grand débat national – lors duquel il a répété que les maires seraient « facilitateurs mais pas animateurs » – était « une grande chance », à condition que « l’État dise tout de suite quel est l’objectif et quelle forme prendront les conclusions de ce débat ». À l’unisson avec ses deux collègues – et avec le président du Sénat – François Baroin a appelé à une « révolution culturelle », consistant à ce que « l’État accepte enfin le principe même de la décentralisation ».
Après la présentation des vœux, lors d’un échange avec la presse (à regarder ci-dessous), François Baroin s’est réjoui des réunions entre le président de la République et les maires, ravi « de voir matin, midi et soir des maires parler à la télévision ». « Les maires sont de nouveau à l’honneur. C’est rassurant pour le pays. »