Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a présenté hier en Conseil des ministres une nouvelle ordonnance qui a été publiée ce matin au Journal officiel. Ce texte assez touffu (26 articles) contient plusieurs dispositions qui intéressent directement les collectivités locales.
Taxe locale sur la publicité extérieure
L’article 16 de l’ordonnance autorise les communes et EPCI qui ont instauré la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) avant le 1er juillet 2019 à adopter un abattement sur cette taxe compris entre « 10 et 100 % », pour tous les redevables, au titre de l’année 2020. Si ce choix est fait, il doit faire l’objet d’une délibération avant le 1er septembre prochain. Le taux de l’abattement doit être le même pour tous les contribuables de la commune ou de l’EPCI.
Associations
Une des ordonnances du 1er avril a relevé à 2 000 euros le plafond en dessous duquel la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » peut être défiscalisée et exonérée de cotisations sociales. Toutefois, cette possibilité était réservée aux entreprises ayant conclu un accord d’intéressement. Problème : les fondations et associations reconnues d’utilité publique n’ont, en général, pas d’accord d’intéressement – eu égard à leur logique non lucrative. Elles se retrouvaient donc exclues de cette possibilité de porter à 2 000 euros la prime. Or, écrit le gouvernement, « dans le contexte de crise actuel, il apparaît cohérent d’inciter ces associations et fondations qui disposent des marges de manœuvre financières nécessaires à soutenir le pouvoir d’achat de leurs salariés. C’est d’autant plus pertinent que ces salariés se mobilisent actuellement très fortement pour assurer dans cette période troublée la continuité d’activité de structures indispensables. » L’ordonnance permet donc aux fondations et associations reconnues d’utilité publique de bénéficier du nouveau plafond sans avoir conclu d’accord d’intéressement.
Délégations de service public et commande publique
Certains délégataires de service public ne peuvent plus exercer leur activité à cause du confinement. C’est le cas, par exemple, de bon nombre de structures d’accueil de la petite enfance. Afin de « sécuriser leur situation », l’ordonnance précise que ces délégataires peuvent bénéficier de mesures de soutien financier, sous forme d’avances, non seulement si l’arrêt de leur activité leur a été imposé par une décision de l’autorité concédante ; mais également « lorsque l’arrêt de l’activité est la conséquence nécessaire d’une mesure de fermeture d’établissement prise par l’autorité de police administrative ».
Pour l’ensemble de ces cas (DSP et AOT), un avenant de modification du contrat sera indispensable pour déterminer les modifications apparues nécessaires.
Pour les entreprises exerçant « une activité commerciale sur le domaine public » – par exemple les entreprises de publicité extérieure – les activités sont, là aussi, souvent à l’arrêt. Or ces entreprises doivent verser à l’autorité gestionnaire du domaine une redevance d’occupation ou d’utilisation du domaine public. L’article 20 de l’ordonnance suspend le paiement de cette redevance si l’activité de l’entreprise est dégradé « dans des proportions manifestement excessives au regard de sa situation financière ».
Cet article 20 prévoit également, pour les collectivités et leurs groupements, que pendant la durée du confinement il n’est plus obligatoire de convoquer les commissions d’appels d’offres et les commissions de délégation de service public « pour les avenants aux DSP et aux marchés publics qui entrainent une augmentation du montant du contrat de plus de 5 % ».
Syndicats de communes
L’article 22 répond à un problème pointu et très précis. Il permet aux syndicats de communes à contribution fiscalisée « de percevoir des avances de fiscalité avant le vote de leur budget ». Explication : si les syndicats de communes n’ont pas de fiscalité propre, le comité syndical peut décider de lever une part additionnelle aux quatre taxes directes locales et de la reverser au syndicat (c’est ce que l’on appelle une « contribution fiscalisée »). Ceci permet au syndicat de percevoir des avances de fiscalité. Mais le Code général des collectivités territoriales précise que « la mise en recouvrement de ces impôts ne peut toutefois être poursuivie que si le conseil municipal, obligatoirement consulté dans un délai de 40 jours, ne s’y est pas opposé ». Tant que les communes n’ont pas voté les taxes et leurs taux, et que ce délai de 40 jours n’est pas expiré, les syndicats ne peuvent donc pas percevoir d’avance. Or l’ordonnance du 25 mars 2020 a repoussé au 3 juillet la date avant laquelle les collectivités doivent prendre leurs décisions en matière de taxe. L’ordonnance répond à ce blocage en permettant à la DGFiP de procéder à des avances de fiscalité aux syndicats fiscalisés en 2019 avant le vote du budget et avant l’expiration du délai de 40 jours.
Autorisations d’urbanisme, préemption
Le feuilleton des délais en matière d’autorisation d’urbanisme (lire Maire info du 17 avril) continue. Rappelons qu’une première ordonnance (25 mars) avait suspendu la plupart des délais en matière d’urbanisme, avant que le gouvernement fasse marche arrière dans une seconde ordonnance (15 avril), qui précise que les délais d’instruction devront reprendre leur cours dès la fin de l’état d’urgence, et non un mois plus tard comme le prévoyait le premier texte. Le « mois tampon » a disparu aussi pour les délais relatifs au droit de préemption dans le cadre des déclarations d’intention d’aliéner. « La suspension de ces délais pour une période plus brève doit s’accompagner de la possibilité pour le pouvoir réglementaire de fixer par décret la reprise du cours des délais », écrit le gouvernement dans le rapport accompagnant l’ordonnance parue ce matin. L’ordonnance prévoit donc que la reprise des délais se fera « par décret ». L’ordonnance prévoit aussi la suppression du « mois tampon » dans de nouveaux domaines, afin de « relancer le plus rapidement possible de nombreux travaux ». Sont concernés en particulier les travaux liés à la sécurité incendie et à la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) et des immeubles de grande hauteur (IGH).
Titres de séjour, droits sociaux
L’ordonnance prévoit de nombreuses autres dispositions diverses. Elle prolonge notamment de trois à six mois la durée de validité des titres de séjour des étrangers, afin de ne pas engorger les services des préfectures à la sortie du confinement et de laisser toute priorité aux personnes non munies d’un titre de séjour qui devront régulariser leur situation dans l’urgence.
Elle permet également de prolonger un certain nombre de droits sociaux. La possibilité de percevoir l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) est prolongé, « pour éviter toute rupture de droit », au-delà de la limite d’âge de 20 ans si la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées n’a pas pu rendre sa décision à temps. Idem pour l’AJPP (allocation journalière de présence parentale), qui ne peut être reconduite que si les parents d’un enfant malade peuvent fournir un justificatif de la poursuite du traitement de l’enfant. Vu la difficulté actuelle pour obtenir et transmettre ce type de documents, le versement de l’AJPP peut désormais être prolongé de trois mois après expiration d’un certificat médical même en l’absence de renouvellement de ce certificat.
Franck Lemarc
© sources : AMF France (www.amf.asso.fr) – BW40082 – 23/04/2020