ZFE MOBILITÉ : NE PAS EN FAIRE DES ZONES D’EXCLUSION TERRITORIALE ET SOCIALE

A201800_b60c97a51812b5404b466b11ce687208Professionnels, usagers mais aussi élus locaux, le calendrier d’application des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) suscite de plus en plus d’inquiétudes. L’AMF tire la sonnette d’alarme pour ne pas en faire des zones d’exclusion territoriale et sociale. D’où toute l’importance de faire beaucoup plus sur la communication et l’accompagnement aux personnes les plus défavorisées, sans oublier d’associer les communes périphériques, dont les habitants seront eux aussi fortement impactés. Un webinaire, organisé le 16 février par l’AMF avec des représentants de l’Etat, a montré la diversité des questionnements des élus et tenté d’y répondre. Le gouvernement a annoncé plusieurs mesures et lancé une concertation pour mieux coordonner la mise en place des ZFE-m et accompagner les collectivités.

Chaque année, la pollution de l’air par les particules fines occasionne 40 000 décès, selon Santé publique France. Dans les grandes agglomérations, les transports génèrent plus de la moitié des émissions d’oxydes d’azote. Dans ce contexte, l’amélioration de la qualité de l’air constitue une urgence de santé publique. Les lois « LOM » de 2019 et « Climat » de 2021 ont ainsi fixé un cadre juridique et des obligations pour instaurer des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Leur objectif : Accélérer l’amélioration de la qualité de l’air et préserver la santé des françaises et des français. En dehors de ce cadre légal, ce sont les agglomérations qui définissent le périmètre et la réglementation de la ZFE-m.

Aujourd’hui, elles sont en cours de déploiement dans 11 métropoles. D’ici le 31 décembre 2024, 32 ZFE-m supplémentaires seront créés dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants. Soit un impact fort et à grande échelle pour les Français, en particulier pour les plus modestes comme ceux des zones péri-urbaines et rurales

Un dispositif mal connu et peu lisible

La création de ces fameuses ZFE-m se confronte à l’adhésion difficile des habitants, des professionnels mais aussi des élus locaux. Une mission menée par deux députés à l’automne dernier a pointé « des questions majeures d’acceptabilité et de justice sociale, qu’il faut anticiper dès à présent ». Et de souligner l’urgence sachant que le calendrier est rapide. Constat : l’impact des ZFE-m reste très mal connu de la population. A cela s’ajoute un manque de lisibilité dû à de fortes différences de mise en œuvre d’un territoire à l’autre. De plus, les aides locales, lorsqu’elles existent, varient beaucoup.

Lors d’un webinaire organisé par l’AMF, le 16 février, pour informer et aider les élus, Edouard Manini, coordonateur national pour le déploiement des ZFE-m, a indiqué qu’une campagne d’information et de communicationnationale, associerait les élus locaux, à son élaboration d’ici l’été prochain.

Fractures territoriales et sociales

L’AMF alerte sur les risques de fracture territoriale entre zones urbaines, périurbaines et rurales. Risques également de fractures sociales pour les habitants ne pouvant pas se procurer un véhicule « propre » mais aussi pour une part de ceux des zones périphériques qui seraient interdits de circuler dans les grands centres urbains. Des dérogations sont possibles mais restent très encadrées. Dans ses demandes, l’AMF insiste sur la nécessité d’une concertation et d’une recherche d’équilibre entre les territoires. Cela passerait également par plus de souplesse et de liberté données aux collectivités.

« Une des priorités est de parvenir à faire accepter les ZFE », affirme Sylvain Laval, coprésident de la commission Transports de l’AMF, maire de Saint-Martin-le-Vinoux et vice-président de la métropole de Grenoble.

« Ecouter plus les maires »

« Il faut écouter plus les maires qui côtoient un peuple qui souffre beaucoup actuellement et s’inquiète des ZFE », a estimé, lors du webinaire, Jean-Charles Moriconi, maire de Pollestres et vice-président de la communauté urbaine de Perpignan. Pour sa part, Dominique Gambier, maire de Déville-lès-Rouen, intégrée à la ZFE de la métropole de Rouen, dénonce « une démarche précipitée et rigide » Et de plaider pour « un moratoire sur la mise en place des ZFE sinon on va vers de très grandes difficultés ». Pour tenter de rassurer les élus, Chantal Derkenne de l’Ademe précise que « le calendrier des restrictions, selon les vignettes Crit’air, ne n’applique qu’aux collectivités dépassant les seuils de pollution ». Pour sa part, Anne Desveronnières, vice-présidente du Grand Reims, indique que sa ZFE-m « ne concerne que 2% du territoire de la communauté urbaine ».

Des groupes de travail jusqu’en juin

Face aux inquiétudes, Édouard Manini confirme la volonté du Ministre d’écouter et d’entendre « l’ensemble des parties prenantes, dont les représentants de collectivités, et de parvenir à un dispositif si nécessaire ajusté en lien avec le comité de concertation, les élus et les acteurs économiques et sociaux ». Après le premier Comité ministériel sur les ZFE-m, organisé par le gouvernement fin octobre, un comité de concertation devrait débuter ses travaux en mars: les travaux porteront notamment sur harmonisation des dispositifs, acceptabilité sociale et territoriale ou la logistique. Ils réuniront des représentants des collectivités, des associations, des entreprises et des artisans, des acteurs du transport routier et de l’Etat. Ces travaux, avec des points d’étape réguliers, doivent rendre leurs conclusions à l’été. Ils permettront de formuler des propositions d’adaptation concrètes pour accélérer l’amélioration de la qualité de l’air et ainsi préserver la santé des françaises et des français.

Aides à se doter d’un véhicule « propre »

La réunion de lancement du comité de concertation s’est tenue le 12 janvier en présence de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires qui a précisé que le fond vert permettrait , par exemple, aux collectivités de financer des parkings relais, des panneaux de signalisation. Un autre volet de mesures concerne le renforcement des aides aux habitants des ZFE-m à se doter d’un véhicule « propre ».

Lors du webinaire de l’AMF, Denis Merville, maire de Sainneville-sur-Seine et président de l’Association des maires de la Seine-Maritime, a regretté que « la concertation avec les collectivités n’ait pas eu lieu en amont », jugeant « la situation équivalente à celle du ZAN ».

Quel accompagnement aux collectivités ?

« Face à tous les enjeux en présence, nous avons besoin de savoir comment l’Etat peut accompagner concrètement les collectivités dans la mise en place des ZFE », interpelle Sylvain Laval. « L’objet du comité de concertation est de savoir si les dispositifs existants doivent être ajustés », lui a répondu Edouard Manini,

Par ailleurs, le coordonnateur national insiste sur l’enveloppe du Fonds vert fléchée sur les ZFE (150 millions d’euros pour financer des études d’analyse préalable, des évaluations ou des infrastructures). « Il y a beaucoup de projets subventionnables dans ce cadre qui peuvent atteindre jusqu’à un taux de 80% », précise Floriane Sauvage, cheffe de projet ZFE à la Direction générale de l’Énergie et du Climat. Covoiturage, autopartage, transports collectifs, vélo, communication, études… « Le champ des aides est très large, ajoute Edouard Manini. « Les lignes budgétaires sont fongibles et à la main des préfets », met-il en avant, en conseillant aux élus de se rapprocher rapidement des préfectures.

Philippe Pottiée-Sperry

 

En savoir plus :
– Ademe : Guide d’aide à l’élaboration et la mise en oeuvre des ZFE-m : https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/5786-guide-d-aide-a-l-elaboration-et-la-mise-en-oeuvre-des-zfe-m.html
– Ademe : Comment réussir le déploiement d’une ZFE-m : https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/6006-comment-reussir-le-deploiement-d-une-zone-a-faibles-emissions-mobilite-zfe-m–9791029720567.html

© sources : AMF France (www.amf.asso.fr) – BW41582 – 20/02/2023