Budget 2026 : comment le Sénat compte revoir la copie du gouvernement au profit du bloc communal

Gérard Larcher a détaillé, hier devant les maires, la manière dont la « chambre des territoires » allait alléger la ponction imposée aux communes, notamment. Ces dernières pourraient ainsi être exonérées de Dilico en 2026 et voir leur effort total « divisé par trois ».

Une « épargne forcée »  révisée, un resserrement du FCTVA supprimé, mais aussi l’enterrement de la fusion des dotations d’investissement… Le président du Sénat, Gérard Larcher (LR), est venu, hier matin, devant les maires avec des « nouvelles fraîches », à l’occasion de leur 107e congrès et de l’habituel débat sur les finances locales.

On le sait, l’effort de 4,6 milliards d’euros réclamé aux collectivités l’an prochain par le gouvernement – que celles-ci évaluent à « plus de 7 milliards d’euros »  – est jugé « inacceptable »  tant par l’ancien ministre de Jacques Chirac que par les maires qui ont dénoncé, en début de semaine, des ponctions qui les conduiraient inévitablement à renoncer à certains investissements. Si ce n’est « à la rupture » .

Les communes exonérées de Dilico

Bien que Sébastien Lecornu n’ait pour l’heure rien cédé sur ces ponctions, le moment semble se prêter à la négociation. Le Premier ministre a ainsi confirmé, en clôture de congrès, qu’il avait « donné mandat »  à ses ministres pour composer avec les sénateurs afin de remanier la copie de l’exécutif. La chambre haute a donc proposé de revoir à la baisse l’effort frappant les collectivités en fixant « un plafond maximal »  qui s’établirait à « 2 milliards d’euros, hors CNRACL », a redit Gérard Larcher qui considère toutefois que « chacun doit contribuer »  étant donné « la situation difficile »  du pays. 

Pour y parvenir, les sénateurs ont choisi d’agir sur plusieurs dispositions. D’abord, sur « le fameux Dilico »  et sa version remodelée pour 2026. Prévu pour être doublé et étendu à près de 4 000 communes notamment, ce nouveau « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités »  serait ainsi transformé afin que « les communes en soient totalement exonérées ». C’est ce qu’a « validé »  la commission des finances sénatoriale mercredi matin, a révélé Gérard Larcher, alors qu’au même moment les députés rejetaient, eux aussi en commission, la partie « dépenses »  du budget de l’État.

S’agissant des modalités de reversement de ce prélèvement, « il n’est pas question [qu’il soit] de cinq ans »  ni de le « baisser à 80 % », comme le prévoit le projet de budget du gouvernement, a tranché Gérard Larcher, enjoignant « l’Etat [à tenir] sa parole »  en revenant sur un reversement de 90 % sur une période de trois ans.

Quelques minutes plus tôt, le président de la délégation aux collectivités et sénateur centriste du Cantal Bernard Delcros avait précisé que le montant du Dilico pourrait être « divisé par deux a minima ». Dans ces conditions, la mise en réserve imposée à l’ensemble des collectivités ne devrait donc pas dépasser le milliard d’euros, au lieu des 2 milliards actuellement prévus en 2026.

Le coprésident de la commission finances de l’AMF, Emmanuel Sallaberry, a toutefois mis en garde sur un « petit point de détail ». « Il faut essayer de faire très attention aux modalités de remboursement du Dilico. Je ne sais pas quel génie est derrière l’écriture des conditions, mais la mobilisation de tous les moyens informatiques ne permet pas de comprendre dans quel cas il nous sera remboursé », a déploré le maire de Talence, en ironisant : « Il aurait été plus simple d’écrire qu’il ne le serait jamais… » 

« Dégommer le FIT »  pour rétablir la DETR

Deuxième mesure dans le viseur des sénateurs, le resserrement du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Un dispositif « attaqué depuis plusieurs années », a d’ailleurs rappelé Bernard Delcros. « Nous proposons donc que la restriction prévue de l’assiette soit supprimée […] pour toutes les collectivités. Les dépenses d’entretien des bâtiments publics, de voiries, des réseaux sont ainsi réintégrées dans l’assiette du FCTVA », a ainsi annoncé le président du Sénat.

Pour ce qui est de la diminution de la compensation de l’abattement de 50 % sur les valeurs locatives industrielles, la chambre haute a pris le parti de « la réduire de moitié dans la contribution foncière des entreprises (CFE) ». « Ce qui va bénéficier tant aux communes qu’aux intercommunalités», s’est félicité l’ancien maire de Rambouillet.

Enfin, les sénateurs comptent bien « rétablir »  la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) avant qu’elle ne fusionne avec la dotation de soutien à l’investissement local (Dsil) et la dotation politique de la ville (DPV) dans un fonds d’investissement pour les territoires (FIT). L’objectif est de « garantir aux communes rurales de continuer de bénéficier d’une dotation dédiée »  et de conserver « le principe de ruralité ».

« La DPV, c’est quelques communes, mais si on la fusionne avec autre chose, elles vont être dépouillées », a par ailleurs averti le second coprésident de la commission finances de l’AMF, Antoine Homé, qui a tout simplement appelé à « dégommer ce FIT ». Le Sénat va donc revenir sur cette fusion. Sur ce point, le ministre de la Ville, Vincent Jeanbrun, s’est lui aussi positionné, mercredi, pour « enterrer ce truc », à l’occasion d’un débat sur l’avenir de la politique de la ville

En outre, Bernard Delcros a indiqué que les sénateurs demanderaient « la départementalisation de la Dsil », ces derniers étant « favorables à l’instauration d’un guichet unique avec des dossiers instruits par le préfet de département et des attributions qui sont faites par une commission associant les élus », selon Gérard Larcher. 

« Trouver une solution »  pour le Fonds vert

Sébastien Lecornu a toutefois mis en garde hier, en clôture de congrès : « En cas d’absence d’adoption d’un budget », les maires devraient faire face à un tout autre problème puisqu’il n’y aurait « aucune dotation d’investissement »  versée en 2026. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé l’an dernier lorsque le pays a dû fonctionner quelques semaines grâce à une loi spéciale. 

Les subventions ont été suspendues et seuls les paiements des précédents engagements ont été assurés. Si cette situation devait se renouveler, les élus locaux pourraient donc bien bénéficier de la Dsil ou de la DETR pour leurs dépenses déjà engagées, mais ils devraient attendre l’adoption d’un budget 2026 pour percevoir ces dotations sur leurs nouvelles dépenses.

En attendant, si les propositions du Sénat venaient à être adoptées définitivement, elles permettraient de réduire « de 1 milliard d’euros l’effort demandé aux communes, divisant ainsi par trois ce qui était prévu », a calculé le président du Sénat.

En parallèle, Bernard Delcros a signalé que les sénateurs allaient aussi « se battre »  pour « trouver une solution »  à la baisse de 500 millions d’euros du Fonds vert et qu’ils comptaient bien « retravailler »  sur la question de la minoration d’un ensemble de dotations appelées « variables d’ajustement »  (qui comprend notamment la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle).

Compensation pour les communes rurales

S’agissant des communes rurales en particulier, le sénateur du Cantal déposera également, comme l’an passé, un amendement pour obtenir la compensation intégrale de la mesure – adoptée dans le précédent budget – d’exonération de 10 % supplémentaire de taxe sur le foncier non bâti (TFPNB) sur les surfaces agricoles. 

« Dans les toutes petites communes rurales qui ont peu d’habitants, mais des grandes superficies, la taxe sur le foncier non bâti représente parfois plus de la moitié de la recette fiscale totale de la commune », a-t-il pointé alors qu’aucune compensation n’a pour l’heure été mise en œuvre. Une « erreur »  a récemment reconnu le gouvernement

À noter, par ailleurs, que Bernard Delcros a déjà déposé – dans le cadre de l’examen du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 cette fois – un amendement visant à geler la hausse l’an prochain des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), mais aussi à satisfaire certaines propositions formulées dans le rapport du député socialiste Stéphane Delautrette. 

« Un sujet devenu de première importance car il est lourd de conséquences pour les collectivités », s’est inquiété l’élu auvergnat qui estime la facture à « 4,5 milliards d’euros chaque année, en année pleine, pour les collectivités… sans que cela ne résolve durablement le problème du déficit de la CNRACL ». 


© sources : Maire Info (www.maire-info.com) / Aurélien Wälti – 21/11/2025