Après son examen en commission des lois du Sénat, le projet de loi dit Engagement et proximité a changé de nature. Sur tous les aspects du texte initial qui avaient été jugés « timorés » ou « frileux » par les associations d’élus, les sénateurs ont ajouté des dispositions nettement plus ambitieuses. Sans décrire de façon exhaustive les quelque 160 amendements adoptés par la commission, Maire info propose un tour d’horizon des modifications les plus emblématiques, en commençant par ce qui concerne l’intercommunalité.
Quelques modifications mineures…
Dans la première partie du texte, la commission a d’abord modifié à la marge les articles concernant le « pacte de gouvernance » prévu au sein de EPCI. Conformément aux vœux de l’AMF, le « conseil des maires » a été transformé en « conférence des maires ». Les modalités d’élections des vice-présidents du bureau des EPCI ont été modifiées : ils seraient désormais élus au scrutin de liste à la majorité absolue et non au scrutin uninominal (article 1er ter).
Un autre article additionnel vise à s’attaquer à ce que les sénateurs appellent « une asymétrie de traitement » entre les salariés d’un EPCI et ceux des communes membres : en effet, alors que les salariés d’un EPCI ont le droit d’être élus conseillers municipaux dans une des communes membres, la réciproque n’est pas vraie : un salarié d’une commune ne peut exercer le mandat de conseiller communautaire. Pour mettre fin à cette « iniquité », les sénateurs proposent de « supprimer l’incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et l’exercice d’un emploi salarié dans une des communes membres » (article 2 bis). Il reste à mesurer les conséquences que pourraient avoir une telle modification.
Une autre modification vise à « assouplir le régime actuel de l’accord local » sur la répartition des sièges dans l’EPCI (nouvel article 3 bis).
… et des transformations de fond
Mais c’est sur la question des compétences que le texte de la commission entre réellement dans le dur.
Le nouvel article 5A vise à introduire dans la loi la notion de transfert de compétences « à la carte » : dans la plupart des cas aujourd’hui, les EPCI exercent leurs compétences sur l’ensemble de leur territoire. La proposition du Sénat consiste à permettre aux communes de transférer des compétences facultatives « à la carte ». Autrement dit, sur le territoire d’un EPCI, certaines communes pourraient garder une compétence donnée tandis que d’autres la transféreraient à l’EPCI. Les sénateurs proposent également de codifier la manière dont des compétences peuvent être restituées aux communes par un EPCI (article 5B), et proposent un dispositif permettant de faire en sorte que ces restitutions soient financièrement neutres (article 5C).
Autre ajout très important – et qui correspond à une position exprimée récemment par les responsables de l’AMF : supprimer la notion de compétences optionnelles, du moins pour les communautés de communes et d’agglomération. Jugée « infantilisante pour les élus et ne répond plus à aucune nécessité », la catégorie des compétences optionnelles disparaitrait, ne laissant plus que des compétences obligatoires et des compétences facultatives (article 5D).
Toujours au chapitre des transferts de compétence, les sénateurs ont entendu le souhait mille fois répété des associations d’élus, et proposent (article 5) de supprimer purement et simplement le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement (y compris la gestion des eaux pluviales urabines) dans les communuautés de communes et d’agglomération. Jugeant le mécanisme proposé dans le texte initial « limité et compliqué », la commission des lois a donc choisi une solution plus radicale et, en effet, plus simple.
Elle a aussi, à l’article 6, étendu aux communautés urbaines et aux métropoles la possibilité, pour les communes stations classées, de reprendre la compétence tourisme.
Enfin, sur ce sujet, une autre proposition d’importance : le Sénat demande que les communautés urbaines et les métropoles puissent restituer partiellement à travers l’interêt communautaire la compétence de gestion de voirie à leurs communes membres, ainsi que la signalisation, les abris voyageurs, les parcs et les aires de stationnement. Les sénateurs proposent aussi, afin de « réaffirmer la part prépondérante de la commune dans la coopération intercommunale », en faisant passer de 40 à 50 % la part des sièges réservée aux maires dans les CDCI, et en diminuant d’autant la part des sièges réservés aux EPCI (de 40 à 30 %).
Il reste à savoir ce qu’il adviendra de ces propositions particulièrement hardies au cours de la suite de la navette parlementaire. On sait déjà le gouvernement fermement opposé à plusieurs d’entre elles.
Franck Lemarc
© sources : Maire Info (www.maire-info.com) – 04/10/2019