La terrible catastrophe de Gênes, le 14 août dernier, avec l’effondrement d’un viaduc autoroutier qui a fait 43 morts, a remis l’accent sur la nécessité de se pencher sur l’état des infrastructures en France. En Conseil des ministres, le 22 août, le gouvernement a « invité » les collectivités à «achever au plus vite la mise en commun des données relatives aux principaux ouvrages d’art ». Mais il n’est pas inutile de rappeler à ce sujet que depuis une loi de 2014, complétée par un décret en 2017, l’entretien des ouvrages d’art liés aux infrastructures de transport est à la charge du gestionnaire de cette infrastructure et non à celle du propriétaire de la voirie – commune, EPCI ou département. Mais uniquement pour les infrastructures nouvelles.
En juillet dernier, un rapport alarmant sur l’état des routes du réseau non-concédé était publié par le gouvernement (lire Maire info du 26 juillet). On y apprenait notamment que « un pont sur trois » devait faire l’objet de réparations et même que 7 % des ponts présentaient un risque d’effondrement.
Mais ce rapport ne concernait qu’une petite partie du réseau – celle qui est à la charge de l’État. On ne dispose pas de données précises pour ce qui concerne la voirie qui est à la charge des collectivités territoriales. Selon des chiffres donnés par le sénateur de l’Eure Hervé Maurey, en août, les ponts gérés par l’État sont au nombre de 12 000 environ, contre… 170 000 sur le réseau de voirie géré par les collectivités. C’est à propos de ces ouvrages que le gouvernement a demandé, fin août, une accélération de la remontée des données.
Une importante partie de ces ponts résulte de la nécessité de rétablir la continuité d’une voie coupée par une infrastructure de transport : voie de chemin de fer, canal, autoroute. Or, pour ces ouvrages, la législation est claire, depuis le vote de la loi du 7 juillet 2014 : si l’entretien des chaussées et des trottoirs, sur le pont, revient à la collectivité propriétaire de la voirie, « l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage d’art » revient au gestionnaire de l’infrastructure de transport (SNCF, VNF, gestionnaires d’autoroute, etc.), sauf dans le cas, a-t-il été précisé plus tard par décret, où la collectivité concernée a un potentiel fiscal supérieur à 10 millions d’euros.
Dans les cas prévus par cette loi, les tâches de surveillance des ouvrages d’art incombent donc aux gestionnaires d’infrastructures de transport.
Mais le champ d’application de cette loi ne concerne qu’un nombre limité de ponts, et ce pour deux raisons : d’abord, parce que la loi n’est pas rétroactive. Elle ne s’applique donc qu’aux ouvrages dont l’enquête publique a été lancée après janvier 2015 (six mois après la promulgation de la loi). Pour les ponts construits antérieurement, la loi prévoyait que l’État procède « avant le 1er juin 2018 » à un recensement complet et « identifie ceux des ouvrages dont les caractéristiques justifient l’établissement d’une convention nouvelle ». Cette convention s’établirait selon les règles de la nouvelle loi. À ce jour, plus de trois mois après la date butoir, aucun recensement de ce type n’a été rendu public – on ne sait même pas s’il est achevé.
Appui du Cerema
Par ailleurs, il existe de nombreux ponts qui ne sont pas liés à des infrastructures de transport concédées à un gestionnaire, et enjambent tout simplement une rivière ou un fleuve. Dans ce cas, leur entretien revient bien à la collectivité, et leur surveillance requiert une certaine technicité, dont bien des petites communes n’ont pas les moyens.
Lors de sa communication au Conseil des ministres du 22 août, la ministre des Transports, Élisabeth Borne, a assuré les collectivités du « soutien technique de l’État » en la matière, « à travers l’expertise et l’ingénierie du Cerema ». Une annonce qui a fait grincer quelques dents, dans la mesure où, on le sait, l’État diminue de façon constante, depuis des années, les budgets et les effectifs du Cerema.
Signalons néanmoins que le Cerema vient de publier un très utile guide à l’usage des communes sur « la surveillance et l’entretien courant des ouvrages d’art routiers ». Ce guide peut être commandé, gratuitement, sur la boutique en ligne du Cerema.
Par ailleurs, le sénateur Hervé Maurey a annoncé cet été qu’il allait demander à ouvrir une commission d’enquête du Sénat « afin d’établir un audit sur l’état des ponts gérés par les collectivités locales ».
© sources : Maire Info (www.maire-info.com) – 06/09/2018