Instruction des autorisations de construire : vers un service mutualisé à l’échelle intercommunale?

Le 13 mai dernier au Cannet-des-Maures, l’Association des Maires du Var a convié ses adhérents à participer à une réunion sur le thème de l’instruction des documents d’urbanisme coanimée avec l’Association des Maires Ruraux et la DDTM. A l’heure où les communes et intercommunalités réfléchissent à se doter elles-mêmes de services d’instructions compétents, les services de l’Etat ont réaffirmé ne pas avoir l’intention de faillir aux obligations que leur confère la loi en matière d’assistance apportée aux petites communes dans l’instruction des autorisations de construire. En effet, ces dispositifs permettent aux communes qui ne disposent pas de moyens budgétaires suffisants de bénéficier d’un appui des services de l’État dans des domaines comme l’aménagement de l’habitat ou la voirie. Au cours des débats, le directeur de la DDTM du Var, Jean-Michel MAURIN, a plaidé en faveur d’une facilitation de l’instruction des documents d’urbanisme, notamment par la numérisation des documents d’urbanisme, tandis que Jean-Pierre VERAN, président de l’AMF83, a invité les élus à réfléchir à la mise en place d’une ingénierie publique mutualisée au sein des intercommunalités.

Mise à disposition partielle ou totale des services de la DDTM

Pour la prise en charge de l’urbanisme, la législation actuelle offre un éventail de solutions plus ou moins intégrées, permettant à chaque commune de choisir celle qui lui convient le mieux.
L ‘article L 422-8 du code de l’urbanisme permet aux communes de moins de 10 000 habitants de conventionner avec les services de l’Etat pour bénéficier d’une assistance juridique et technique pour l’instruction de leurs documents d’urbanisme. Cette mise à disposition des services est totale pour les communes de moins de 2000 habitants et partielle pour les communes de plus de 2000 habitants qui instruisent elles-mêmes les certificats d’urbanisme de simple information ou les déclarations préalables.
Dans notre département, 49 communes ou intercommunalités instruisent seules leurs documents d’urbanisme. 47 communes en confèrent l’instruction partielle au service de la DDTM et 52 communes en confèrent totalement l’instruction. Les actes des 5 communes non dotées d’un POS ou d’un PLU sont également instruits par les services de l’Etat.

Avenir des dispositifs ATESAT et ADS : désengagement de l’Etat ou nouveau partage des tâches?

Le Ministère de l’Egalité des Territoires et du Logement a engagé une réforme des missions d’instruction des autorisations d’urbanisme et des missions d’ingénierie publique de l’État à destination des collectivités. Cette évolution concerne les missions « ADS » (application du droit des sols), dont bénéficient les collectivités de moins de 20 000 habitants essentiellement pour l’instruction des autorisations d’urbanisme, ainsi que les missions « ATESAT » (assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire), qui englobent des prestations d’assistance et de conseil à la gestion des marchés, des travaux de voirie et d’aménagement, sur la base d’une convention entre l’État et la collectivité.

Pour Jean-Pierre MAURIN, directeur de la DDTM du Var, « le renforcement des compétences des collectivités, la consolidation des intercommunalités, la structuration de dispositifs d’ingénierie technique et financière au niveau intercommunal comme départemental ont modifié le partage des tâches entre l’État et les collectivités territoriales. La prise en compte de cette répartition nouvelle, conjuguée aux exigences de la modernisation de l’action publique imposent de repenser l’action de l’État dans les territoires.  (…) De nombreuses communes font déjà l’expérience positive d’une instruction des permis de construire mutualisée dans leur intercommunalité. »

Inquiétudes des élus

Pour de nombreux élus en revanche, ce projet de réforme suscite de nombreuses inquiétudes. Pour Claude PONZO, Maire de Besse-sur-Issole, la disparition progressive des services d’instruction par les services de l’Etat laisserait une grande partie des collectivités sans moyens financiers et humains pour assurer correctement ces compétences essentielles pour l’aménagement des territoires : « Cette réforme annoncée n’est pas un transfert de compétence, c’est simplement la fin d’un service gratuit. Les instructeurs ADS vont laisser le travail aux communes. J’aimerais bien qu’on m’explique comment nous, les petites communes, allons pouvoir compenser un service gratuit? ».
Même ressentiment pour Max BASTIDE, maire de Puget-Ville, qui voit dans cette réforme un transfert de compétence qui ne porte pas son nom : « Dans cette affaire, l’Etat dégraisse mais ne compense pas. Nous allons devoir embaucher des agents alors que nous n’en n’avons pas les moyens ».

Pour Jean-Pierre VERAN, Maire de Cotignac, la solution se situe au niveau de l’intercommunalité: « Les documents et autorisations d’urbanisme sont encore élaborés majoritairement au niveau communal, alors que les enjeux de déplacement, d’emploi et de logement sont liés au bassin de vie, c’est-à-dire au niveau intercommunal. Dans cette perspective, le transfert de certaines compétences communales liées au droit de l’urbanisme aux communautés de communes ou aux communautés d’agglomération dont elles sont membres, permet de renforcer la cohérence de l’application des permis de construire et du droit des sols sur un espace plus pertinent.

« Ok pour l’intercommunalité », lui a répondu un adjoint au Maire de la Môle, « mais comment fait-on lorsque l’intercommunalité ne veut pas le faire? Nos budgets communaux ne nous permettent ni d’embaucher du personnel, ni de recourir aux conseils d’un cabinet d’avocat« .

L’exemple de la Communauté d’Agglomération Dracénoise 

Pour Pierre-Yves COLLOMBAT, Président de l’Association des maires ruraux du Var, « On peut transférer à l’interco à condition qu’on sache mutualiser correctement et que la compétence soit effectivement garantie au niveau intercommunal. Dans tous les cas, le maire continue toujours de signer les documents. Ce sont les méthodes de travail qui sont transférées ».
La réunion a permis aux élus de prendre connaissance du dispositif mutualisé actuellement géré par la Communauté d’Agglomération Dracénoise.
Dès le 1er mai 2002, la Communauté d’Agglomération Dracénoise a mis en place un service mutualisé pour l’instruction du droit des sols. Il est composé de 7 agents qui traitent 2600 dossiers par an. Déployé pour toutes les communes de l’agglomération, le dispositif a permis de simplifier les procédures et de sécuriser les échanges d’informations. La délégation de la signature, pendant toute la durée de la procédure, permet de réduire les délais.

Numérisation des documents d’urbanisme

La Direction Départementale des Territoires et de la Mer du Var a présenté aux maires sa démarche concernant la numérisation des données POS/PLU, qui vient compléter celle qui est menée par le pôle métier du comité départemental de l’information géographique (CDIG).
Pour Michel KAUFFMAN, directeur du service aménagement durable à la DDTM, « il était indispensable de créer un outil qui permette aux instructeurs de travailler plus rapidement et plus efficacement et qui facilite la consultation de l’ensemble des données, particulièrement pour le droit des sols ». La mutualisation de la démarche devrait permettre de limiter les coûts de constitution des documents initiaux et faciliter leur partage.

Selon Jean-Pierre VERAN, Président de l’AMF83, le partenariat de la DDTM avec l’association des maires du Var constitue un relais pertinent pour une généralisation de la numérisation et la mise à jour des documents d’urbanisme : « Ce sont des dossiers complexes, qui engagent la responsabilité des maires. Plus nous irons de l’avant sur ces questions de numérisation, au mieux nous travaillerons. Nous sommes un département qui innove dans le domaine de la numérisation des actes administratifs, dans la dématérialisation, dans les bases de données parcellaires. Je crois que nous avançons dans le bon sens « .   

Inspire : une directive européenne qui permet de rendre la donnée numérique accessible au grand public. 

Au cours de son exposé, M. KAUFFMAN est revenu sur la directive INSPIRE, qui vise à établir une infrastructure d’information géographique dans la communauté européenne, pour favoriser les échanges de données et développer la protection de l’environnement (par la dématérialisation). Cela comprend les POS/PLU ainsi que les servitudes d’utilité publique. Les données doivent être stockées, mises à disposition et entretenues au niveau le plus approprié, avec possibilité de combiner des données spatiales de différentes sources et de les partager entre plusieurs utilisateurs et applications. A terme, ce partage, qui doit être accessible à tous les niveaux d’autorité publique doit permettre une recherche aisée des données spatiales disponibles, ce qui suppose que tous les documents d’urbanisme soient réalisés selon le même format.

C’est la raison pour laquelle la DDTM a développé un outil géoréférencé d’aide à l’instruction des autorisations d’urbanisme, avec deux objectifs : permettre à l’instructeur de localiser le terrain d’assiette du projet de manière instantanée et visualiser l’ensemble des données nécessaires à l’instruction (zonage, servitudes, plan de prévention des risques, cartes d’aléas etc…)

Une application de la numérisation des POS/PLU : Carto-ADS

Carto ADS est une application développée autour de la solution VEREMAP, avec composants MAPSERVER.
Grâce à cet outil, la DDTM du Var constitue une banque de données numériques formée d’une partie écrite (délibération, rapport de présentation et PADD, règlement, liste des emplacements réservés, liste des servitudes d’utilité publique, annexes sanitaires) et d’une partie graphique (planches de zonages, planches annexes informatives, planches servitudes et PPRN, planches graphiques des annexes sanitaires etc…).

Une fois le POS/PLU numérisé, plusieurs couches sont susceptibles de se superposer, comme les divers plans de prévention de risques, les cartes d’aléas, les servitudes, les demandes d’urbanisme, Natura 2000 etc…)

www.sigvar.org : le portail de la géomatique dans le Var

Des données mutualisées sont d’ores et déjà accessibles sur le site internet www.sigvar.org. Elles sont régies par des conventions partenariales entre les différents services de l’Etat, de la DDTM et des collectivités engagées dans le dispositif. L’amplification et l’organisation de cette coopération interministérielle et inter-collectivités en matière de Système d’Information Géographique sont des enjeux forts pour les services de l’Etat, mais également pour les communes du Var.