Loi Élan et aménagement commercial : nouvelle donne (et nouvelles charges) pour les collectivités

C’est un autre des volets Élan à double détente pour les maires : la réforme de l’aménagement commercial. Pris en application des articles 157, 164, 167, 168 et 171 de la loi du 23 novembre 2018, un décret du 7 juin a été publié au Journal officiel du 8 juin, pour préciser les nouvelles modalités d’octroi et de contrôle des autorisations d’exploitation commerciale (AEC). Ambition affichée : rééquilibrer les projets commerciaux, en protégeant mieux les « cœurs de ville », tout en améliorant la prise en compte de leur impact sur l’environnement.
Alors qu’un premier décret d’application (n° 2019-331) est déjà intervenu pour modifier le fonctionnement des commissions départementales de l’aménagement commercial (CDAC), ce nouveau texte « procède à une restructuration de la partie réglementaire du Code de commerce, en créant notamment deux nouveaux chapitres dédiés au contrôle des projets d’aménagement commercial et à la fin de l’exploitation commerciale », selon les termes de la délibération du Conseil national d’évaluation des normes (Cnen) du 18 avril. Un chamboulement particulièrement important du droit de l’aménagement commercial – déjà complexe – expliquant pour partie son avis défavorable sur le projet de texte.

Procédure de « revoyure » : le maire au cœur du dispositif
Concrètement, le décret du 7 juin précise les nouvelles modalités applicables aux procédures devant les commissions. En particulier, l’article 167 de la loi Élan prévoit, en cas de recours contre une décision d’une CDAC, qu’un membre soit désigné en son sein – à la majorité absolue des membres présents, précise le décret – pour exposer, devant la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), la position de la CDAC.
Autre nouveauté de taille, détaillée par ce deuxième décret : la procédure de « revoyure » (art. 171 loi Élan / art. L. 752-21 modifié du Code de commerce). En cas de refus au fond de la CNAC, le porteur de projet pourra la saisir à nouveau directement, et lui soumettre son projet modifié pour tenir compte des motifs du premier refus (sauf modification substantielle). Si elle ne nécessite pas d’obtenir un permis de construire, la nouvelle demande d’AEC pourra alors être déposée directement auprès du président de la CNAC.
En revanche, si un permis est requis, le maire devra adresser lui-même à la CNAC deux exemplaires du dossier – dont un dématérialisé – dans le délai de sept jours francs suivant le dépôt de la demande (nouvel art. R. 423-13-2 du Code de l’urbanisme). En toute hypothèse, et à peine d’irrecevabilité, la nouvelle demande devra inclure la décision de refus de la CNAC, ainsi qu’un «exposé synthétique des ajustements apportés au projet ». Elle devra également être notifiée au préfet de département (et aux éventuels auteurs de recours) dans les cinq jours suivant la saisine de la CNAC (ou l’enregistrement de la nouvelle demande de permis).
Dans sa délibération du 18 avril, le Cnen épingle sévèrement les nouvelles charges que fait peser cette réforme sur les collectivités, qu’elle estime « sous-estimées » par Bercy, tant sur la procédure de « revoyure », que sur le renforcement des contrôles des AEC délivrées. Car un autre des apports de la loi Élan et du décret du 7 juin est l’instauration d’un contrôle des AEC après leur délivrance, à l’instar du contrôle de conformité des constructions par le maire. Cette nouvelle mesure de la loi Élan répond à une forte attente des élus.
En effet, la loi du 23 novembre 2018 (art. 168) impose désormais au porteur de projet de communiquer – à ses frais et par voie dématérialisée – au préfet, au maire et au président de l’EPCI concerné, un « certificat de conformité » attestant du respect de l’autorisation commerciale, un mois avant l’ouverture au public du commerce. Sanction à la clé : en l’absence de délivrance d’un tel certificat dans le délai d’un mois avant la date d’ouverture au public du projet, « l’exploitation des surfaces concernées est réputée illicite ». Le décret du 7 juin précise notamment les critères de conformité à examiner selon le type de projet, les conditions d’habilitation des organismes pouvant délivrer de tels certificats, mais aussi les modalités de transmission de ce certificat par le préfet au maire et au président de l’EPCI concernés. La conformité s’appréciera notamment au regard de la surface de vente totale, du secteur d’activité, du nombre de places de stationnement, de l’assiette foncière, de la superficie du site consacrée aux espaces verts, de la superficie et localisation des panneaux photovoltaïques, et enfin pour les drives du nombre de pistes de ravitaillement et de l’emprise au sol affectés au retrait des marchandises.

Revitalisation des centres-villes : pas d’AEC ni d’obligation de remise en état du site
Le décret du 7 juin précise également l’obligation, renforcée par l’article 164 de la loi Élan, de démantèlement et de remise en état du site après cessation de l’exploitation commerciale. Le propriétaire dispose ainsi d’un délai maximal de 18 mois pour réaliser ces opérations, sauf « difficultés techniques ou administratives indépendantes de sa volonté ». A peine de sanctions : le préfet peut contraindre le propriétaire à consigner la somme nécessaire pour réaliser ces travaux, mais aussi faire procéder d’office au démantèlement et à la remise en état du site. Une obligation qui ne s’applique pas dans les secteurs d’intervention des opérations de revitalisation des territoires (ORT) créées par la loi Élan (art. 157), aux regrets du Cnen.
Autre dérogation au droit commun prévue dans ces secteurs ORT : les porteurs de projet sont dispensés d’AEC (sauf disposition contraire de la convention d’ORT), et de simples mesures de publicité dans la presse locale suffisent. Le décret du 7 juin en précise les modalités : le porteur de projet devra publier un « avis d’ouverture au public » dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département, « au plus tard un mois avant la date d’ouverture prévue ». L’équipement commercial devra y être décrit, de même que devront être mentionnées son « adresse exacte d’implantation », et la convention d’ORT applicable. Pour permettre au préfet d’exercer son pouvoir de contrôle, le porteur de projet devra lui adresser copie de ces deux publications « préalablement à l’ouverture au public », sachant que « si l’équipement comporte plusieurs commerces, les délais de publication et de communication du ou des avis d’ouverture au public s’apprécient commerce par commerce ».
Beaucoup de changements à prévoir donc, et ce, dès le 1er janvier 2020…

Caroline St-André

Consulter le décret n° 2019-563 du 7 juin 2019.
Consulter la délibération du CNEN sur le projet de décret.


© sources : Mairie Info (www.maire-info.com) – 14/06/2019