La loi sur la prolongation de l’état d’urgence sanitaire a été définitivement adoptée samedi, tandis qu’un nouveau décret est venu modifier ou préciser le décret du 29 octobre organisant le confinement. Le Conseil d’État a par ailleurs confirmé les décisions du gouvernement concernant les lieux de culte.
La loi adoptée
Après une nouvelle lecture la semaine dernière, due aux désaccords de fond entre députés et sénateurs, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence est repassé pour une ultime lecture, samedi, devant l’Assemblée nationale, qui l’a adopté définitivement. Le texte peut maintenant être promulgué – peut-être dès demain.
Maire info reviendra sur ce texte dès qu’il sera publié, mais il faut rappeler son importance pour les collectivités territoriales : la future loi va en effet permettre de rétablir les mesures dérogatoires sur les réunions des assemblées délibérantes : quorum au tiers, deux pouvoirs par élu, possibilité de se réunir en tout lieu, possibilité de tenir les réunions en visio-conférence…
Samedi, à l’Assemblée nationale, les débats n’ont pas porté sur ces mesures, qui font l’unanimité, mais encore et à nouveau sur la fermeture des petits commerces et sur la prolongation directe de l’état d’urgence jusqu’au 16 février. Les députés de l’opposition ont plaidé pour une modification des règles permettant la réouverture de certains petits commerces au cas par cas, sur décision du « couple maire-préfet », jugeant « incompréhensibles » les choix du gouvernement sur ce sujet. Ce dernier est resté inflexible, renvoyant au rendez-vous fixé au jeudi 12 novembre pour faire le point sur ce sujet.
L’opposition a également bataillé sur la date choisie par le gouvernement pour la fin de l’état d’urgence – 16 février 2021 – et la fin des mesures transitoires – 1er avril 2021, estimant, selon les mots d’un député, que le gouvernement « s’octroie les pleins pouvoirs sur la gestion de l’épidémie » pendant cette période, puisqu’aucun texte ne sera discuté au Parlement sur ce sujet jusqu’à ces dates. Sans plus de succès : les dates voulues par l’exécutif ont été validées.
Un débat – plus apaisé – a également eu lieu dans l’hémicycle sur les élections régionales et départementales, prévues pour le mois de mars. Plusieurs députés ont souhaité, comme le voulaient les sénateurs, que le vote par correspondance soit d’ores et déjà prévu pour ces élections. Le gouvernement a dit vouloir attendre les conclusions de la mission Debré pour prendre quelque décision que ce soit sur le sujet. Ces conclusions sont prévues pour le 16 novembre.
Décret : des ajustements à la marge
Un nouveau décret est paru samedi matin, modifiant le décret du 29 octobre, en général pour clarifier certains points, mais également pour ajouter des souplesses supplémentaires. Voilà ce qu’il faut en retenir.
Pacs. Le décret du 29 octobre prévoyait que, pour la célébration des mariages civils en mairie, il est interdit de dépasser la jauge de 6 personnes, mais il ne mentionnait pas l’enregistrement des pacs. Oubli réparé – le nouveau décret ajoute les pacs à l’article III du décret.
ERP. La première mouture du décret ouvrait la possibilité à certains établissements recevant du public (ERP) spécifiques d’accueillir des activités exceptionnelles telles que les assemblées délibérantes des collectivités, l’accueil de populations en cas de catastrophe naturelle, etc. Cela n’était possible que pour les ERP sportifs et ceux de type L (salles d’auditions, de réunions, de spectacles, etc.). Le nouveau décret simplifie les choses en autorisant ces activités dans tous les ERP. Quatre activités supplémentaires sont donc désormais autorisées dans les ERP, sous réserve du respect des mesures barrières : réunion des assemblées des collectivités locales ; distribution de produits de première nécessité ; organisation de dépistage, collecte de sang et vaccination ; événements indispensables à la gestion d’une crise de sécurité civile.
Dans la catégorie des établissements de type L (salles d’auditions, de conférences, de réunions, de spectacles ou à usage multiple), il est désormais précisé que les salles à usage multiple (et elles seules) peuvent accueillir « les groupes scolaires et périscolaires », ainsi que la formation continue et professionnelle et « les entraînements nécessaires pour le maintien des compétences professionnelles ».
Enfin, pour les ERP de type CTS (chapiteaux, tentes et structures), il a été ajouté un alinéa pour préciser qu’ils peuvent accueillir « l’activité des artistes professionnels » – cette dérogation permettant par exemple aux artistes de cirques de continuer à répéter.
Commerces. La vente d’alcool dans les stations-services, qui était jusque-là interdite, est à nouveau autorisée. Les garde-meubles, qui étaient jusqu’à présent interdits à l’ouverture, entrent à présent dans la liste des activités autorisées.
Restauration/restauration collective. Autre oubli réparé dans ce décret : il était précisé que les espaces de restauration assurant la « restauration collective sous contrat » étaient autorisés. Mais pas la restauration collective en régie. Ce dernier cas a été ajouté au décret. Par ailleurs, les transporteurs routiers ont été entendus : depuis le décret du 29 octobre, la fermeture des restaurants et bars ne leur donnait tout simplement plus la possibilité de se nourrir autrement qu’en prévoyant eux-mêmes leur gamelle – ce qui est extrêmement problématique notamment pour le transport de très longue distance. Certains restaurants seront donc désormais autorisés à assurer un service au bénéfice exclusif des chauffeurs routiers, entre 18 h et 10 h du matin. Attention, cette autorisation n’est pas de droit : elle sera délivrée au cas par cas par les préfets, qui donneront pour chaque département la liste des restaurants autorisés pour les routiers.
Cultes : « pas de discrimination », juge le Conseil d’État
Dernière information à retenir : le Conseil d’État a rejeté les demandes de diverses associations catholiques qui l’avaient saisi en référé pour demander la suspension de l’article 47 du décret du 29 octobre. Cet article permet aux lieux de culte de rester ouverts, mais interdit toute cérémonie en leur sein, à l’exception « des cérémonies funéraires dans la limite de 30 personnes ». Les associations arguaient notamment que ces dispositions constituent « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte », sont « disproportionnées », et injustes, notamment dans la mesure où « les manifestations revendicatives » restent, elles, autorisées.
Le Conseil d’État a rappelé que les textes régissant la liberté de culte sont explicites : « La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques. » La liberté de culte doit donc « être conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ». Les juges rappellent aussi que le gouvernement a pris soin d’établir une tolérance pour les fêtes de la Toussaint, et que, en l’état actuel des choses, ces dispositions ne concernent pas les fêtes de Noël, puisque le confinement est prévu jusqu’au 1er décembre. D’ici là, « une concertation avec l’ensemble des représentants des principaux cultes, destinée à préciser les conditions dans lesquelles ces restrictions pourraient évoluer », devra avoir lieu.
Le Conseil d’État estime donc que les restrictions en cause sont motivées « par des considérations exclusivement sanitaires » et ne sont « discriminatoires à l’égard d’aucun culte ». Les requêtes sont donc rejetées.
Les juges ont toutefois demandé au gouvernement d’être plus précis, dans ses textes réglementaires, sur les mariages célébrés dans les lieux de cultes. Deux alinéas du décret du 29 octobre entrent en effet en contradiction sur ce sujet. Il semble au Conseil d’État (comme le Premier ministre l’a d’ailleurs déclaré dans une conférence de presse) que les mariages sont autorisés avec une jauge de 6 personnes dans les églises, mais « ces dispositions gagneraient à être explicitées », souligne le Conseil d’État.
Franck Lemarc
Source : maire-info.com – BW40372 – 9 Nov 2020