Les représentants des élus ont bloqué pour la deuxième fois, au Conseil national d’évaluation des normes du 17 décembre, le décret d’application de la loi Pour la liberté de choisir son avenir professionnel réglementant la disponibilité dans la fonction publique.
On se rappelle que cette question avait largement fait débat lors de la discussion de ce texte au Parlement : le gouvernement souhaitait étendre aux fonctionnaires en disponibilité pour aller travailler dans le privé les garanties jusque-là réservées aux fonctionnaires en détachement. Le texte prévoyait, dès l’origine, la garantie pendant cinq ans des droits à l’avancement d’échelon et de grade pour ces fonctionnaires en disponibilité. Ces dispositions avaient peu enthousiasmé le Conseil d’État, qui avait notamment estimé qu’elles constituaient une forme de « rupture d’égalité », et les sénateurs avaient tenté de les repousser, arguant qu’elles revenaient uniquement à faciliter « le pantouflage ». Les sénateurs avaient notamment fait valoir, lors de l’examen du texte en juin, que « la préservation des droits à l’avancement n’est possible que dans le cas d’un détachement, position réservée à l’exercice de fonctions au sein du secteur public. En l’étendant aux disponibilités et donc aux fonctions exercées dans le secteur privé, cette disposition établit une équivalence entre le service de l’intérêt public et celui de l’intérêt privé qui n’est pas acceptable, même pour une durée de cinq ans ».
Rien n’y a fait : le gouvernement a fait réintroduire la mesure à l’Assemblée nationale, et elle figure bien dans le texte adopté, aux articles 108, 109 et 110 – pour chacun des trois versants de la fonction publique. La loi précise que les conditions d’application de ces dispositions doivent être définies par un décret en Conseil d’État.
C’est ce projet de décret qui a fait l’objet, d’abord, d’un report au Cnen du 29 novembre, puis d’un premier rejet par les élus lors de la séance du 13 décembre, avant d’être représenté exactement dans les mêmes termes le 17 décembre – preuve que le gouvernement tient absolument à appliquer ces dispositions en l’état et très rapidement.
Charge non compensée
Du côté des élus, et de l’AMF en particulier, ce projet de décret a suscité les plus grandes réserves – d’autant que les associations n’ont même pas été consultées en amont. D’abord parce qu’il n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, qui aurait pu permettre de connaître les conséquences techniques et financières de cette mesure. Si les élus ont fait valoir au Cnen qu’ils étaient « conscients de la difficulté pour le ministère prescripteur de chiffrer les impacts financiers de la réforme », ils ont estimé « paradoxal » de « transférer des charges nouvelles obligatoires et l’aléa financier aux collectivités territoriales alors même que le montant n’a pu être estimé au préalable par les services du ministère ».
Sur le fond, le problème est que ce décret introduit de nouvelles charges pour les élus concernant l’ensemble des agents en disponibilité, que ce soit ou non pour travailler ailleurs. Le décret introduit en effet une modification de taille : la durée de disponibilité maximale pour un fonctionnaire serait limitée à deux périodes de cinq ans, sur l’ensemble de sa carrière, au lieu d’une seule de dix ans. Problème : entre ces deux périodes, pour pouvoir garder son statut, le fonctionnaire serait obligé de revenir travailler dans sa commune ou son EPCI. Si un poste est disponible, la collectivité devra le réintégrer, mais si ce n’est pas le cas, elle devra lui verser une allocation chômage le temps qu’un poste de son grade se libère. C’est cette charge que les associations d’élus estiment anormale « sans compensation intégrale ou accompagnement financier » puisqu’il s’agit, une fois encore, d’une charge décidée par l’État.
L’AMF a incidemment pointé une autre incohérence de ce texte : alors que des avantages pour le moins étonnants (et bien difficilement justifiables vis-à-vis des fonctionnaires restés en poste) seraient accordés aux agents qui vont travailler dans le secteur privé, rien de tel n’est prévu pour les fonctionnaires qui prennent une disponibilité pour exercer un mandat électif local ! Certes, rappelle l’AMF, l’exercice d’un mandat n’est pas considéré comme une activité professionnelle, mais il s’agit bien, selon la Sécurité sociale, d’une activité salariée. Alors que l’objet de ce dispositif, selon le gouvernement, est de valoriser « l’acquisition de nouvelles compétences », on peut s’étonner que l’exercice d’un mandat électif, qui permet indiscutablement « d’acquérir des compétences », ne soit pas concerné.
© sources : Maire Info (www.maire-info.com) – 04/01/2019