Plusieurs décrets très attendus ont été publiés hier par le ministère de l’Environnement : ils concernent l’application de l’article 37 de la loi de transition énergétique, c’est-à-dire l’obligation faite à l’État et aux collectivités de privilégier des véhicules « à faibles émissions » dans le renouvellement de leur flotte. Les décrets en question devaient tout simplement définir ce que la loi entend par « véhicules à faibles émissions ».
Et la question est loin d’être neutre : les collectivités vont devoir investir beaucoup d’argent dans le renouvellement de leur parc notamment de bus : selon des calculs effectués par l’UTP (syndicat professionnel des opérateurs de transport) en novembre dernier, la facture pourrait s’élever à plus de 4 milliards d’euros à terme. C’est la raison pour laquelle depuis le printemps dernier, un bras de fer s’était engagé entre les associations d’élus et la ministre Ségolène Royal, désireuse, au fil des projets de décret, d’imposer aux collectivités des conditions d’applications maximalistes de la loi, provoquant l’incompréhension des réseaux de collectivités et des associations d’élus (AMF, ADF, Gart ou Agir). La mobilisation des élus de l’AMF au Cnen (Conseil national d’évaluation des normes) a notamment amené le gouvernement à accepter de faire en partie évoluer le décret, en particulier sur les seuils de déclenchement.
Deux décrets sur les quatre concernent réellement les collectivités. Commençons par le plus simple : c’est celui qui concerne les flottes de véhicules légers (inférieurs à 3,5 tonnes, c’est-à-dire incluant voitures et camionnettes). Cette flotte est estimée à 125 000 véhicules pour les collectivités territoriales. La loi prévoit que dès à présent, lors du renouvellement du parc, les collectivités doivent acquérir au minimum 20 % de véhicules à faibles émissions. Le décret publié hier donne les précisions attendues : sont inclus dans cette catégorie uniquement les véhicules électriques, à hydrogène, et émettant moins de 60 g de gaz à effet de serre par km. Cette classification exclut les véhicules hybrides non rechargeables, dont le plus propre émet aujourd’hui 70 g de CO2/km. Elle inclut en revanche les véhicules hybrides rechargeables.
Notons que dans un communiqué publié hier, Ségolène Royal explique qu’elle entend imposer « aux hauts représentants de l’État et aux élus » de rouler en voiture électrique en ville « pour donner l’exemple ». Une circulaire devrait être incessamment publiée pour ce qui concerne les représentants de l’État.
Le décret concernant les bus et autocars est infiniment plus compliqué, pour ne pas dire qu’il est abscons. Il fixe non seulement de très nombreux types de motorisations différents et parfois peu précis (dans l’expression « véhicules dont les moteurs sont conçus pour ne fonctionner qu’avec des carburants très majoritairement d’origine renouvelable », que signifie « très majoritairement » ? 60 % ? 95 % ?) ; mais définit de surcroît un zonage particulièrement complexe. Les obligations ne seront évidemment pas les mêmes selon les zones.
En résumé, le gouvernement distingue d’une part les cœurs d’agglomération, dans lesquels les conditions seront les plus sévères : Paris et ses 22 communes limitrophes, ainsi qu’un certain nombre de communes appartenant aux agglomérations de plus de 250 000 habitants, dont la liste sera fixée par les préfets. Et d’autre part des zones où les contraintes seront un peu moins fortes : les autres communes des agglomérations de plus de 250 000 habitants et « les autres agglomérations concernées par un plan de protection de l’atmosphère ». Dans ces deux types de zones, les véhicules qui seront autorisés ne sont pas les mêmes, le gouvernement distinguant plus d’une demi-douzaine de types de motorisation différents.
À noter qu’après de difficiles négociations, il a été obtenu que les cars à motorisation traditionnelle les plus récents, c’est-à-dire conformes à la norme Euro VI, sont autorisés pour l’interurbain. En revanche cette norme ne sera pas acceptée en ville, sauf dérogation préfectorale, valable pour cinq années, « pour tenir compte des caractéristiques particulières du territoire ».
Les motifs de satisfaction pour les élus tiennent dans deux reculs du gouvernement : les arrêtés préfectoraux fixant les communes où les contraintes seront les plus fortes seront soumis à l’avis des autorités organisatrices concernées ; et le seuil a bien été fixé à 250 000 habitants pour le choix des agglomérations touchées, contre 100 000 dans le projet initial.