« Nous ne pouvons pas nous passer des maires pour gérer cette crise. » C’est ce qu’explique ce matin Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales, dans un entretien exclusif qu’il a accordé à Maire info. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé de maintenir l’obligation de convoquer le premier conseil municipal dans les délais légaux habituels (entre vendredi et dimanche), pour les quelque 30 000 communes où le premier tour a été conclusif, et demande instamment aux maires de faire preuve « d’esprit de responsabilité ».
« Pourquoi avons-nous fait ce choix de maintenir ce calendrier ? », détaille le ministre. « C’est une crise qui peut être longue, et nous avons besoin d’avoir des services publics locaux qui fonctionnent comme il se doit. Et il serait compliqué de demander à des maires qui ne se représentent pas ou qui ont été battus au premier tour d’assumer des responsabilités en pleine crise alors que d’autres ont candidaté et ont été élus pour le faire. » Il faut donc que cette élection se fasse, « dans les règles de l’art sanitaire ».
C’est le sens d’une circulaire qui a été diffusée aujourd’hui, signée des ministres chargés des Collectivités territoriales, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu. Il y est confirmé que ces communes où le premier tour a été conclusif, « et seulement » dans celles-ci, l’élection du maire et des adjoints doit être effectuée dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire entre vendredi et dimanche prochains. « La date la plus proche sera à prioriser ».
Quorum et autorisations de déplacement
Bien des maires se posent des questions sur le quorum : il y a des élus malades, d’autres qui sont en contact avec des malades. Or le conseil municipal ne peut délibérer valablement que si la majorité de ses membres est présente. Il est rappelé dans la circulaire que si le quorum n’est pas atteint, une deuxième convocation doit être faite à au moins trois jours d’intervalle. Si, lors de cette seconde convocation, le quorum n’est pas atteint, le conseil peut tout de même « valablement délibérer ». Cette règle n’est pas remise en question. Mais les ministres rappellent que, d’une part, « il n’est pas nécessaire d’être présent pour être élu maire ou adjoint » ; et que, d’autre part, il est « recommandé » de mettre en place une procédure de procuration « pour les conseillers municipaux appartenant à une population à risque » – par exemple ceux qui sont atteints d’une maladie chronique, ou très âgés, etc.
Les déplacements étant strictement réglementés dans le cadre du confinement, les membres du conseil municipal devront se munir de la fameuse « attestation de déplacement dérogatoire ». Ce déplacement entre dans la catégorie des « déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ».
Mesures barrière et huis-clos obligatoire
Sébastien Lecornu insiste sur cette nécessité de s’en tenir à des règles très strictes : d’une part, on l’a dit, demander aux personnes les plus fragiles de ne pas venir (éventuellement en établissant une procuration). D’autre part en faisant usage de toutes les mesures barrières : « Un énorme mètre entre les élus, expliquait ce matin le ministre à Maire info, usage de gants et du stylo personnel pour les opérations de vote, et un ordre du jour réduit au maximum » : élection du maire et des adjoints et vote de « délibérations relatives aux délégations du conseil municipal vers le maire afin de prendre en compte les difficultés de réunion à venir », précise la circulaire. Si tout cela est respecté, « le conseil peut se tenir en 20 mn, une demi-heure maximum, insiste le ministre, ce qui n’est pas plus long que d’aller faire ses courses au supermarché ».
Par ailleurs, la circulaire est parfaitement claire sur un autre point : « La réunion se tiendra sans public. » Seuls pourront assister à la réunion « les membres du conseil municipal, les agents municipaux nécessaires à l’organisation de ce conseil », et éventuellement des journalistes. « Tous les moyens peuvent être naturellement utilisés pour retransmettre la séance à l’extérieur, précise Sébastien Lecornu, y compris les Facebook live ».
Le huis clos du conseil municipal, même pour l’élection du maire, est déjà possible en vertu de l’article L 2121-18 du CGCT. Pour ces conseils municipaux spécifiques, le huis clos est rendu obligatoire de fait, sans en passer par cette procédure : le public n’est pas autorisé à se rendre à la réunion car il ne s’agit pas d’une dérogation prévue par le décret paru mardi matin au Journal officiel, explique le ministère. « Il appartient au président de séance, de par son pouvoir de police, de faire respecter cette règle. »
Dernière précision : à titre exceptionnel, il est autorisé de tenir cette réunion du conseil municipal « dans une autre salle » que celle prévue à cet effet, si cette autre salle offre de meilleures conditions sanitaires et d’accessibilité. L’information devra néanmoins être obligatoirement diffusée. Nous avons demandé au ministre si, pour le cas où les maires ont déjà envoyé une convocation et souhaitent, maintenant, modifier le lieu, cela oblige – délais de rigueur oblige – à décaler la date du conseil. Réponse : « Non. Il leur suffit de renvoyer une convocation en changeant le lieu, sans avoir besoin de changer la date. L’État veut faire preuve, dans ce dossier, de souplesse, de bienveillance et de bon sens. »
Que se passera-t-il si un maire ne veut pas convoquer le conseil ?
Reste que, on le sait, beaucoup de maires se montrent extrêmement inquiets à l’idée de devoir convoquer ce conseil ce week-end. Voire, pour certains, envisagent de ne pas le faire au vu des risques.
Le ministre répond clairement sur ce sujet : « Cela doit absolument rester l’exception. On peut comprendre les interrogations, en particulier dans les régions les plus touchées comme l’Alsace. Mais on ne peut pas laisser une commune sans maire dans la situation que nous vivons. »
Le ministre appelle donc les maires, là où ces questions se posent, à se rapprocher « au plus vite du préfet » pour trouver une solution. « Si les mesures barrière sont respectées, il n’y a aucune raison de ne pas tenir le conseil, insiste Sébastien Lecornu. Mais dans les cas extrêmes, si le conseil municipal ne peut être tenu, nous trouverons une solution pour assurer la continuité du fonctionnement de la commune, sous la forme d’une délégation provisoire. J’appelle donc les maires à la plus grande responsabilité, et à se convaincre qu’on ne peut pas laisser les communes sans responsables, et que toute décision doit se faire en lien avec le préfet. »
Les communes où un second tour est nécessaire
Il faut enfin aborder le cas des 4 922 communes où un deuxième tour sera nécessaire. Pour celles-ci, des décisions relevant de la loi doivent être prises. C’est l’objet du projet de loi qui va être présenté cet après-midi en Conseil des ministres et débattu dès demain au Parlement.
Ce texte va officialiser le fait que les conseillers municipaux et communautaires de ces communes, ainsi que les conseillers de Paris et ceux de la métropole de Lyon « conservent leur mandat jusqu’au second tour », lequel aura lieu « au plus tard au mois de juin ». Concernant les communes de moins de 1000 habitants dans lesquelles un très faible nombre de conseilleurs a été élu dimanche dernier, voire un seul, les décisions sont en cours d’arbitrage et ne seront tranchées que cet après-midi, et Maire info en rendra compte demain.
Budget : vers un report des dates-butoir
Une autre question se pose avec insistance – sans réponse pour l’instant dans le projet de loi : les délais de rigueur, en particulier celui du 30 avril pour le vote du budget primitif, vont-ils être modifiés ? Mais une décision a été prise : « Ces dates butoirs seront reportées par ordonnance », nous a affirmé ce matin Sébastien Lecornu. Et pas seulement celui du vote du budget : le gouvernement réfléchit également à reporter la date butoir des décisions implicites qui sont réputées rendues à l’issue d’un délai légal – c’est le cas, par exemple, du transfert de certains pouvoirs de police à l’intercommunalité. Mais aussi, soulignait ce matin Sébastien Lecornu, « le vote sur les indemnités, ou la question des membres des cabinets dont les contrats vont tomber ».
Franck Lemarc