LA COMMANDE PUBLIQUE DOIT MAINTENANT INTÉGRER UNE PART DE PRODUITS RECYCLÉS OU D’OCCASION

Il s’agit d’un décret d’application de la loi sur l’économie circulaire du 10 février 2020, et plus particulièrement de son article 58, qui dispose que « à compter du 1er janvier 2021, les biens acquis annuellement par les services de l’État ainsi que par les collectivités territoriales et leurs groupements sont issus du réemploi ou de la réutilisation ou intègrent des matières recyclées dans des proportions de 20 % à 100 % selon le type de produit » (lire Maire info du 24 février). Le même article indiquait qu’un décret devrait « fixer la liste des produits concernés et, pour chaque produit, les taux pouvant être issus du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage correspondant à ces produits ».

Ce décret a pris du retard, parce qu’il a été plusieurs fois rejeté par les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes. Résultat : le décret paraît plus de deux mois après la date d’entrée en vigueur de la disposition ! C’est la raison pour laquelle ce décret précise que pour l’année en cours, ces dispositions ne s’appliquent pas pour « les marchés publics de fournitures pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication avant la date de publication du présent décret ». Autrement dit, tout marché engagé à partir du 10 mars (date de publication du décret) doit maintenant tenir compte de ces nouvelles règles.

Les produits concernés

Le décret fixe une longue liste de produits soumis à ces dispositions : elle comprend notamment les vêtements professionnels et articles textiles, les sacs d’emballage, les articles de papeterie, le matériel de bureau et informatique, les photocopieurs, le papier, les téléphones fixes et mobiles, les véhicules à moteur et vélos, le mobilier, la vaisselle… Pour chacun de ces produits sont indiqués deux pourcentages : une part de produits « issus du réemploi ou de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées » ; et au sein de celle-ci, une part de produits simplement « issus du réemploi ou de la réutilisation », donc n’intégrant pas de matières recyclées. Par exemple, logiquement, les achats dans la catégorie « papier » doivent contenir 40 % de matières recyclées, mais 0 % de réemploi.
Le décret précise que ces proportions s’entendent en « pourcentage du montant total hors taxe de la dépense ». Le décret prévoit enfin une évaluation des effets de cette réforme au plus tard au 31 décembre 2022. Ce bilan permettra d’analyser « l’opportunité d’une évolution de la liste des produits ou des catégories de produits et des proportions minimales fixées ».

Interrogations sur l’approvisionnement et les coûts

Ce décret a été rejeté à l’unanimité par les représentants des élus au Conseil national d’évaluation des normes, après trois examens successifs. Le gouvernement a donc choisi de passer outre.
Depuis que ce décret est paru – et même depuis que cet article de la loi a été voté – les associations d’élus, bien que partageant les objectifs de cette réforme, s’interrogent sur les conditions de sa mise en œuvre et pointent un certain nombre de risques. Il est en effet loin d’être certain que le marché du réemploi et du recyclage soit à même de fournir les quantités nécessaires de produits. Les collectivités risquent donc de rencontrer des difficultés d’approvisionnement ou de se trouver confrontées à des marchés infructueux.
D’autant que cette disposition ne s’applique pas seulement aux collectivités locales mais aussi à tous les services de l’État ! Quand on imagine ce que représentent les commandes publiques de mobilier, d’informatique ou de papier pour l’Éducation nationale, par exemple, on peut en effet se demander dans quelle mesure le marché de la réutilisation et du recyclage pourront être en mesure de fournir une offre suffisante.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement a choisi, dans sa liste, de fixer les seuils au niveau le plus bas permis par la nouvelle loi (en général 20 %).
Par ailleurs, de réelles interrogations subsistent sur l’impact financier de cette mesure : l’offre étant probablement insuffisante, une hausse des prix est à redouter. Le ministère lui-même a été incapable de chiffrer l’impact financier de la mesure.
Ces dispositions vont donc s’avérer compliquées à mettre en œuvre. Il est d’ailleurs à noter que la loi ne prévoit aucune sanction pour les collectivités ou structures qui ne respecteraient pas ces nouvelles règles. Preuve, peut-être, d’un certain malaise sur l’applicabilité de ces normes.

F.L.

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© sources : amf.asso.fr – Réf. : BW40634 / Auteur : F.L. / 11 Mars 2021