Au sortir de la réunion, hier, de son Comité directeur, l’AMF a exprimé, par communiqué, son « inquiétude » sur les conséquences de certaines mesures du projet de loi Transformation de la fonction publique. Le point sur les sujets qui inquiètent les élus.
Apprentissage : « hold-up » sur le CNFPT
Un amendement de dernière minute imposerait (lire Maire info d’hier) que le CNFPT finance directement 75 % de la formation des apprentis dans la fonction publique territoriale, sans bénéficier de la moindre ressource supplémentaire. La mesure, selon les différents calculs, pourrait coûter de 50 à plus de 100 millions d’euros par an au CNFPT, ce que son président, François Deluga, qualifiait hier de « véritable hold-up » et de « détournement de l’argent de la formation continue vers la formation initiale ». « Si cette mesure devait aller à son terme, a expliqué le maire du Teich aux élus du comité directeur de l’AMF, le CNFPT se verrait amputé d’environ un tiers de ses capacités de formation vis-à-vis des agents. » Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF et président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, précise ce matin à Maire info que l’AMF est « tout à fait favorable au développement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale », mais qu’il serait « inacceptable » que ce soit au CNFPT de payer sans recettes supplémentaires.
Prime de précarité : combien ça coûte ?
La position de l’AMF est assez similaire sur la prime de précarité introduite par le gouvernement en pleins débats à l’Assemblée (lire Maire info du 13 mai). Il s’agirait d’une « indemnité de fin de contrat » pour les CDD inférieurs ou égaux à un an. « Le principe d’une telle prime ne nous gêne pas en soi, explique Philippe Laurent. Mais combien cela va coûter ? Quel sera l’impact réel sur les finances de nos collectivités ? Personne ne le sait, ce n’est pas sérieux. » Les chiffres les plus variés circulent en effet sur le coût de cette mesure, que certains estiment aux alentours de 400 millions d’euros, d’autres à 600 millions, voire à un milliard. Une fois encore, il s’agit d’une mesure très coûteuse pour les collectivités qui est apparue sous forme d’amendement gouvernemental, donc sans étude d’impact et sans examen par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen). À ce propos, Philippe Laurent souligne qu’il n’est « pas sûr » que le projet de loi aurait fait l’objet d’un avis favorable au Cnen, comme cela a été le cas, si cette mesure y avait été inscrite dès le départ.
L’avenir du « Conseil sup’ »
L’AMF s’inquiète aussi de l’article 2 du texte, et de la potentielle « perte de représentation des employeurs territoriaux au sein des instances de dialogue social ». Le projet de loi donne en effet de nouvelles facultés d’intervention au Conseil commun de la fonction publique (CCFP), qui représente les trois versants de la fonction publique – territoriale, hospitalière et de l’État. « La question, se demande Philippe Laurent, c’est de savoir si le Conseil commun va prendre la main sur les conseils sup’ », c’est-à-dire les instances dévolues spécifiquement à chaque versant de la fonction publique, et en particulier le CSFPT (Conseil supérieur de la fonction publique territoriale). « Le projet de loi, en l’état, laisse entendre que le Conseil commun pourrait traiter de toute question, même si elle ne concerne qu’un seul versant. » Ce qui, selon le communiqué de l’AMF, reviendrait à « nier la spécificité de la fonction publique territoriale et de l’ensemble de ses représentants ».
Le rôle des directeurs généraux
Enfin, l’AMF s’élève vigoureusement contre « toute tentative de dilution du rôle de l’élu employeur » et affirme que maires et présidents d’intercommunalité « n’accepteront jamais que leur soit imposé le transfert de leurs prérogatives d’employeurs ». En cause, un amendement adopté en séance et qui fait couler beaucoup d’encre, consacré à la définition du rôle des DGS (directeurs généraux des services). Une phrase en particulier a fait bondir l’AMF : le DGS serait « chargé du pilotage des ressources humaines ». Philippe Laurent juge cette formulation « très dangereuse », parce qu’elle remet en question, selon lui, le rôle de l’exécutif et du maire en matière de gestion des ressources humaines. En d’autre termes, le « pilotage » des ressources humaines doit revenir aux maires et présidents d’EPCI, et non au DGS. « Un maire, pour moi, est l’équivalent d’un PDG dans une entreprise – à la fois président et directeur général. Le DGS, lui, n’a pas le pouvoir d’engagement de la collectivité – les arrêtés, ce sont les maires ou les adjoints qui les signent. Les maires et les adjoints, c’est cela l’exécutif, ce sont eux qui décident. » Pour Philippe Laurent, les maires et présidents d’intercommunalité doivent rester « pilotes » du management, « ce qui est un gage d’un service public de qualité ».
Tous ces points feront sans nul doute l’objet de débats lors du passage du texte devant le Sénat. Rappelons que la commission des lois a décidé d’interroger les maires afin de « connaître leurs attentes et ainsi enrichir le texte ». Cette enquête fait l’objet d’un questionnaire en ligne (lien ci-dessous).
Accéder au questionnaire du Sénat.
© sources : Mairie Info (www.maire-info.com) – 24/05/2019